Il faudrait qu’on m’explique pourquoi les gens ressentent le besoin pressant de raconter leur vie perso sur facebook. Genre « in a relationship » (euh mais attends, on couche ensemble et t’es en couple avec une autre meuf ? Fun !), « married » (encore que, ça ok, c’est républicain, état civil et compagnie) ou « voici l’échographie du 3ème mois de Léandre » (true story, y a des gens qui prénomment leur mioche Léandre), voire « Papy sur son lit d’hôpital (LOL) » (ok, old people are a pain in the ass, mais quand même) ou « ouf, ma mycose vaginale n’était finalement pas un cancer » (WTF ??).
Remarque ça donne de la matière pour bitcher.
(A mon avis il est trisomique, le gosse. Pas étonnant avec un prénom pareil) (Ha ha la tronche de la meuf sur sa dernière tof’, j’y crois pas elle a pris 3 kilos au moins) (Ils ont dû être contents de la caser, leur fille) (Sa robe la boudine GRAVE) (Bien normal qu’ils attendent que le vieux clamse, ils ont peur que le gouvernement augmente les droits de succession) (mouahahahahaha) (C’est pas sur le vagin qu’elle est sa mycose, dis-donc, elle a la face bien ravagée).
Mais ce n’est pas du tout mon genre.
Vous allez m’objecter que pour une donzelle qui se raconte en long en large et en travers par de loufoques verbiages, c’est quand même un peu fort de café de prononcer ce genre de jugement. Alors attention, déjà je vous fais remarquer que moi j’utilise un BLOG, ce qui est quand même un peu plus classe. D’abord. Et puis ensuite je n’ai signé aucun pacte autobiographique à la con (le truc inventé par Saint Aug’ et DJ Rousseau où ils racontent qu’ils aiment le théâtre et les fessées, ouh là là), et que c’est pas parce que vous croyez que je vous raconte ma life de A à Z que tout est VRAI (HA HA HA !! Je vous tiens en otage, mes petits !)
Il est vrai que l’internet mondial est devenu une plate-forme sociétale de représentation du Moi. Ton nombre d’amis correspond à ta valeur réticulaire et humaine. Résultat, tu as accepté pour amis des gens dont tu n’as ABSOLUMENT aucun souvenir, à quelque profondeur sondes-tu ton cerveau. Ensuite, hors le like point de salut. BTW Marine Le Pen a plus de 100 000 like sur sa page, youhou (mais Jean-Luc M. en a plus de 135 000, HA HA HA !)
Émerge alors de l’abîme du Réseau Globalisé des Gens Branchés ta e-réputation, l’image que tu projettes sur le Mur de ta Vie Virtuelle. Mais attention, on parle de réputation là, il faut donc putatiser (ce jeu de mots est minable) (mais je suis fatiguée) (j’ai passé la soirée d’hier à disserter de Nietzsche en mutilant des chasses d’eau). Faut se vendre. Inutile de préciser que la publication de tes photos bourré à la Grande Motte en train d’enflammer tes pets est admirable mais non nécessaire (surtout en termes de rapport coûts/avantage de ta carrière de comptable). Mieux vaut mettre en valeur un portrait en noir et blanc où t’as la bouche en cul de poule (finalement rien n’a changé depuis le temps du Studio Harcourt).
Attention de même quand tu choisis des citations ou extraits de chanson, mieux vaut éviter L’hémorragie de tes désirs S’est éclipsée sous la joue bleue dérisoire Du temps qui se passe (alors que soyons honnêtes, c’est une GRANDE ŒUVRE) (revenez les gars!) et privilégier un truc un peu genre de derrière les fagots à la fois classique mais aussi ultra pointu, comme Aujourd’hui tu marches dans Paris les femmes sont ensanglantées, C’était et je voudrais ne pas m’en souvenir c’était au déclin de la beauté (ouais je sais c’est de la bombe bébé) (Apollinaire, représente). Mais attention au poids des mots, pas trop triste, HEIN. Nan mais sans déc’, il y a des gens qui ont suffisamment pas de vie pour te faire remarquer que tu publies des trucs tristes. En plus, franchement, la dépression n’a jamais tué personne (z’avez quèque chose contre Baudelaire peut-être?) (les gens n’ont aucun sens du spleen).
Enfin, pour moi tout va bien, ma e-réputation est assurément d’une hypitude aigüe, et d’un éclectisme de bon aloi (faut dire que de Shakira à Michel Sardou, c’est du lourd).
J’avoue que, dans un moment d’égarement, j’ai déjà posté sur le réseau social des photos des carottes du marché, dans l’idée de me faire passer pour une bobo bio (voire pour une blogueuse de n’importe quoi qui est tellement forte qu’elle pourrait passer à un blog des choses de l’art culinaire d’un claquement de doigts). VOIRE qu’il m’est arrivé de faire une déclaration d’amour à Robespierre sur mon mur (mais là je ne regrette tellement pas) (Maximilien, I’m HERE!!). Que celui qui n’a jamais pêché me jette la première pierre.
La différence, c’est que moi je poste des trucs cools alors que les autres se ridiculisent.
Mais sinon, les chevilles, ça va merci.
Merci pour cet hommage à Vice-Versa, monument injustment méconnu de la grande chanson française.
Ça c’était de la chanson.
On n’a pas fait mieux depuis. Comme clip non plus. Vive les tracteurs.
;)