D’avoir une chanson (de merde) dans la tête

J’ai peu de défauts dans la vie mais j’en ai hélas un de taille (et ce n’est pas le sexe énorme de mon mec huhuhu) (j’ai vraiment un don pour les blagues vulgaires et sexistes, je ne sais pas si je dois m’en inquiéter ou l’accepter comme un – autre – petit défaut charmant), ce défaut, j’y ai déjà fait allusion à plusieurs reprises même si je n’aime pas parler de moi : j’aime la musique de merde. Mais quand je dis de merde, c’est vraiment DE MERDE. Certains péchés issus d’une écoute frénétique de RFM et Radio Nostalgie sont avouables en société, du genre « Non mais les orchestrations de Jean-Jacques Goldman sont vraiment super » (remplaçable par : Véronique Samson, Michel Berger, Eddy Mitchell, Johnny Hallyday, Patricia Kaas, Mireille Matthieu, etc. etc. dans cet ordre et selon le respect culturel que vous avez de vous-mêmes) (oui j’ai grandi dans les années 80 et je vous emmerde).

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Téma l’orchestration de ouf

Il est vrai que de respect culturel de ma personne je n’en ai guère, ce qui me permet de prétendre que je ne suis pas snob et que je pratique l’éclectisme en lisant Verlaine le matin (Votre âme est un paysage choisi / Que vont charmant masques et bergamasques) et Kaaris le soir (Tu t’assois sur mes cuisses t’es sur pilotis / Balle dans l’chargeur est bien lotie – de mon temps on disait comme Papa dans Maman, mais il faut bien laisser vivre la jeunesse). Mais néanmoins, j’ai ce gros défaut (nous y venons) d’aimer la musique latino de merde (ce dernier qualificatif étant un poil redondant, je le barre à toutes fins utiles).

Comme j’ai une âme d’enfant (car j’ai aussi de nombreuses qualités) j’ai tendance, une fois qu’une chanson de merde me plaît, à l’écouter en boucle un certain nombre de fois (le mot « certain » étant proche synonyme d’infini car, comme le dit le proverbe, « Quand on aime on n’compte pas »). Le nombre de tubes latinos de merde étant lui aussi extensible à l’infini, on peut je pense saisir l’intensité de ma détresse (car au fond de moi sommeille une police du goût qui souhaiterait faire de moi une personne naturellement snob, c’est à dire non pas snob par distinction consciente mais par simple allocation spontanée de ses goût – ok je sais c’est pire – une personne, donc, sur qui trois notes d’Enrique Iglesias n’auraient absolument aucun effet : rien, NADA) (oui parce qu’en plus, quand j’écoute de la musique latino de merde je danse et rien ne peut m’en empêcher, ni le lieu ni le contexte, et ça suffit pour détruire une réputation croyez-en ma vieille expérience).

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Et tu donnes tu donnes tu donnes

La conséquence de tout cela, quelle est-elle ? L’envahissement de ton cerveau par les ondes insidieuses du tube de l’été de merde, qui s’accompagne, par un espèce de miracle de l’inconscient, de visions de femmes à poil se déhanchant dans la rue sur un air de salsa vitaminé de grosses basses, et de pulsions incessantes de chant (del my coraZON) et de danse dans les lieux publics, ce qui rend ton mec à moitié hystérique (car c’est un homme bien élevé et qui ne se fait pas remarquer, on se demande bien pourquoi il s’intéresse à toi) mais réjouit les clochards du coin. Tu finis par développer une telle addiction que le jour où ton mec te quitte pour une semaine de vacances tu es pressée qu’il se barre pour pouvoir ENFIN coiffer ton casque et entendre le doux son s’épancher dans tes oreilles. Même la nuit, il ne te quitte plus (le son, pas ton mec, lui il est parti en vacances, donc, voire plus, après quelques heures d’écoute forcée de reggaeton).

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Le style. La grâce. La classe.

Car rien n’est à défendre, hélas, dans la musique latino de merde : le rythme, basique et toujours le même, les orchestrations, inexistantes, les paroles, à la fois sexistes, sexuelles et dégoulinantes (blabla del MY CORAZON, besa me suavemente, ME DUELE TANTO, te quiero sul labios LA MUERTE), les voix, insignifiantes, les clips, immondes. C’est d’ailleurs sans doute le fantastique de cette combinaison qui peut seul expliquer à quel point ces chansons te restent dans la tête comme jamais. Le détail le plus extraordinaire est cette manie qu’ont les chanteurs d’énoncer leur nom au début ET à la fin de la chanson avec un petit effet wah wah, ocazou t’aurais pas compris que vraiment le chanteur est un dieu sur terre de la musique latino de merde.

Heureusement, j’aime pas Michel Sardou.

Quant à eux, je ne leur dis pas merci.

 

Du repassage

À vrai dire, je m’étonne de ne pas avoir écrit plus tôt sur ce sujet fondamental. Mais par ce temps ensoleillé de printemps où tout le monde se fout à oilpé dans les parcs avec un sans-gêne qui frise l’inélégance et offusque les plus bienséants d’entre nous, dont je suis, la pudeur est mon moindre défaut, gens impudiques, donc, qui discriminent en outre avec violence les honnêtes femmes qui se lèvent vers 14 heures et trouvent alors toutes les terrasses de café colonisées (nombre y emmènent même leurs enfants), par ce temps d’indécence et d’égoïsme impitoyable, il est temps d’expier, de souffrir, et de parler repassage. Ne croyez pas que je m’éloigne de mon sujet, quoi qu’il m’arrive de temps à autre, je le confesse, de digresser. Sacrifice nécessaire aux méandres de l’Être, qui prend son temps mais n’en rejoint pas moins la mer même si les chenaux sont parfois violemment anastomosés.

Considérez ainsi, je vous prie, que les gens, et les enfants en particulier, sont étroitement liés au repassage : en effet, les gamins sont une source de désordre quand le repassage est, lui, un rempart contre l’entropie. On pourrait ainsi légitimement penser qu’aimer l’un c’est détester l’autre, et inversement. Grossière erreur. L’un comme l’autre me sont ainsi, en théorie, sympathiques mais, dans le réel, plutôt désagréables. Retenez vos chars, vous qui allez me traiter tout de go de vieille fille aigrie : j’aime beaucoup les enfants mais quand ils font partie de ma famille, sinon c’est quand même des petites machines à bouffer, à crier et à demander Pourquoi. Quant au repassage, rien que de positif là-dedans, si l’on reste dans le théorétique : des vêtements défroissés et propres, une femme blanche et blonde qui sourit dans son salon en cuir blanc au milieu d’une pub Fébrèze, le truc qui t’envenime tellement les bronches que tu as l’impression d’être dans un océan olfactif de « douceur de lavande océane à la soupline de fibres de soie » bref, que du bonheur.

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Joie et épanouissement

L’ennui (ou les ennuis, plutôt, car il y en a plusieurs), c’est que c’est fatiguant, d’abord. Il faut : sortir la planche à repasser qui est coincée de manière totalement impossible entre les chiottes et le mur, découvrir à cette occasion qu’il y a des moisissures sur le mur, jurer, se dire qu’il faudrait nettoyer le mur, penser au ménage qui s’ensuivrait (parce que si tu nettoies le mur c’est ouvrir la boîte de Pandore), se dire que tu préfères le ménage à ta façon, qui consiste depuis deux mois à ramasser les moutons qui traînent et à pester contre les paillettes que tu as foutu partout dans l’appart avec ton tutu neuf pailleté (qui n’a, lui, pas besoin d’être repassé Dieu merci), te dire que tu es une déplorable femme d’intérieur et que c’est pas comme ça que tu vas pécho, te dire que c’est pas possible de réfléchir en des termes aussi machistes, enfin entamer un cercle vicieux de réflexions déprimantes, voire nocives.

Si l’on pousse ces réflexions à leur suite logique, il faut faire le constat de ton inadaptabilité congénitale à être une bonne ménagère. Tandis que tu fais chauffer le fer posé n’importe comment sur la table et que ta nappe commence à sentir dangereusement le roussi, tu regardes perplexe la bouteille d’eau déminéralisée que tu as achetée sur les conseils de ta mère, sans oser tout de même l’appeler (à 35 ans, merde) pour lui demander comment ça se fait qu’au lieu de produire un élégant nuage de vapeur comme quand elle utilise son fer (ou sa centrale vapeur, ma mère est une personne très versée dans les affaires de bonne tenue du ménage, et d’ailleurs un petit message : pas d’inquiétude pour le ménage Maman, n’oublions pas que s’exposer aux bactéries c’est bon pour la santé ça me permet de construire des défenses naturelles en béton), ton engin s’obstine à crachoter de l’eau partout, du coup t’as peur d’en mettre parce qu’on dirait que ça fuit, et même parfois ça fait des traces brunâtres, du coup t’as changé de fer mais c’est toujours la même merde, du coup tu repasses sans vapeur et ça marche moyen, sans déconner l’électroménager te hait, injustice du monde, et BAM re – le cycle de pensées négatives.

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KILL ME NOW.

D’ailleurs, soyons lucides : je ne sais pas repasser. Et puis ça chauffe, c’est dangereux, surtout pour les gens comme moi qui ont tendance à poser la main directement sur une plaque pour vérifier si elle est chaude (un moyen efficace, en effet, mais plutôt douloureux, je vous déconseille).

Voudrais-je séduire un homme en lui repassant ses chemises, je serais un déchet humain, un rogaton de l’espèce sapiens sapiens laissée sur le bord du trottoir, car 1. quel est l’intérêt ? (apparemment c’est bien les chemises repassées, bon, mais MOI qu’est-ce que j’en ai à foutre ? rien ; moi je les repasse pas, mes chemises, j’ai développé tout un système de séchage limitant le froissage et pour le reste je passe sans doute pour une souillon mais, comme dit mon parrain « sans cela ce ne serait pas toi ») et 2. what le fuck la personne qui a inventé la chemise, mais t’avais fumé la moquette de bon matin toi ! encore un homme qui n’a jamais mis la main sur un objet de ménage, t’as même pas calculé le nombre de plis possibles pendant que tu passes péniblement le fer dans des endroits plus vallonnés que le Grand Canyon ; pensez, par ailleurs, qu’autrefois les hommes portaient des jabots, et amidonnés encore. Exploitation pure et simple de la femme par l’homme. Personnellement je me destine à regarder mon mec putatif repasser depuis le canapé, en ponctuant sa tâche de commentaires ironiques « j’aurais pas fait comme ça » ; ou à finir célibataire, rien à foutre.

Le pire c’est qu’il y a des gens que ça fascine. Je ne juge pas, attention, loin de moi cette idée, je suis plus impartiale qu’un Président de cour de cassation, mais bordel le masochisme a de beaux jours devant lui. L’autre jour, un ami évoquait, les yeux plein de larmes, les miracles accomplis par son « défroisseur vapeur » ou je ne sais quelle machine du diable inventée par les Japonais, dont il paraîtrait que certains auraient même des poils de cul lisses, information dont je ne dispose pas de première main, je tiens à le préciser ici – mais en tant qu’écrivain je me dois d’explorer les noirceurs de l’âme et du corps humains, et c’est pas facile tous les jours quand vous saurez qu’il existe en effet plusieurs forums Doctissimo sur les poils pubiens lisses.

Oui, nous habitons un monde ridicule et bien le bonjour.

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Toujours plus loin, plus haut, plus fort.