Des soirées parisiennes

« J’vis toujours des soirées parisiennes, Et j’voudrais vivre des soirées belles à Sienne » comme le chantait la chanson française à son acmé poétique (car oui, la chanson française se définit par une acmé poétique sans cesse renouvelée depuis Göttingen de Barbara jusqu’à On s’en bat les couilles de La Fouine ; parce que le bon son et l’entertainment faudrait pas déconner non plus, laissons-le à ces sous-développés de Ricains) (enfin bon, La Fouine c’est pas mal niveau son ; ça envoie, «c’est violent, c’est caillera, on s’en fout si tu nous aimes pas, négro, on s’en bat les couilles»). Enfin, je m’égare. Que voulait dire Louise Attaque (LOUISE ATTAQUE ??? WTF. Moi aussi j’aime Louise Michel mais faut pas pousser mémé dans les orties du j’me la pète j’ai des lettres quand on écrit des paroles du level de Marc – et non Marx – Lévy ; enfin bref), que voulaient dire nos sympathiques amis rockers, donc, dans les paroles de cette chanson rebelle s’il en est ? Certainement pas que les résoi sont plus sympas à Sienne : qui peut croire que dans ce bled disneylandisé de 50 000 pékins (italiens, qui plus est ; je ne commenterai pas plus avant, on va encore dire que je suis raciste, moi qui suis une gaie citoyenne du monde) on passe des soirées de la balle ? Cela m’étonnerait, laissez-moi vous le dire. Ca doit balancer du Umberto Tozzi à toute berzingue, et merci bien.

Mais il est vrai que les années passant, les soirées se suivent et se ressemblent. Soit que vous soyez rangés des voitures avec trois chiards dans les langes ce qui vous fait à peu près 50€ de la soirée rien que pour payer la baby sitter, soit que pour la 50ème fois vous tentiez de pêcher l’âme sœur parmi la bande de névrosé(e)s célibataires qui peuplent les lieux. Bref, pris d’une lassitude légitime, tu ne viens plus aux résoi. La trentaine, cet âge d’or du « canapé-dévédé-à emporter ». Il faut dire aussi que ça commence à te casser les couilles les soirées, comme dirait La Fouine.

Et merci bien.

Et merci bien.

Le dîner presque parfait. Autant c’est tellement bon de se foutre de la gueule de la connasse qui oublie de beurrer son moule devant M6 et de se gausser de l’animation « Danse tahitienne » de Gégé, adepte de motos et de beaux postérieurs, autant c’est assez moyen de se retrouver dans un dîner directement adapté des années 50. Saloperie de mode du DYI et du retour de la cuisine « faite maison ». Kiss my ass Cyril Lignac. Justement le jour où t’as décidé de mettre ta tenue « rock » pour faire super rebelle et branchée. Tu as l’impression d’être le fan de Johnny de service, alors que COMME DE BIEN ENTENDU ta pote a invité son pote célib qui pue de la bouche « pour faire six » – et bien évidemment comme toujours tu balances la moitié de ta sauce sur ton t-shirt Led Zeppelin. Kikoo lol. Comme tu es polie tout cela te lance directement dans une spirale infernale de rendu d’invitation générateur de situation de dangerosité de 9,5 sur l’échelle de l’angoisse de l’hôtesse parfaite. Les salopards d’invités étant des Parisiens de bonne facture, ils arrivent avec un retard de 15 à 45 minutes échelonnées selon le degré de surcuisson du rôti, tandis que tu surveilles avec angoisse le nombre de miettes d’apéritif qui jonchent le sol autour de ton lit – ouais, tu vis dans un studio donc ton canapé c’est ton lit. Et le pire, c’est que personne ne s’extasie jamais assez sur tes talents culinaires. Alors que tu lui as bien dit, à cette connasse d’Anne-Bérangère, que ses gougères au fromage (quel mot ignoble, quel met inutile !) dégueulasses étaient vraiment très réussies. Plus aucun sens des valeurs.

Fail prévisible à 3000 km.

Fail prévisible à 3000 km.

 La soirée à thème / déguisement. Oh mon dieu ; celle-là peut arriver à tout moment. Car en chacun de nous sommeille un fan de la Compagnie Créole qui a envie de réaliser un bal masqué du niveau de Barry Lyndon ; sauf qu’en vrai, ça ressemblera plutôt à « La Compagnie Créole n’a pas d’amis et des bas résilles troués ». Et vas-y la résoi en blanc où (gag immuable de la répétition éternelle du même, car dès qu’il y a une goutte de sauce son destin est scellé) tu vas te balancer toute ta part de pizza sur le t-shirt que tu venais de t’acheter pour l’occase chez Guérissol (faut pas déconner non plus). Comme le bobo est riche en concepts et aime à se croire intelligent à créatif, la mode sévit depuis quelques temps de la soirée « à lettre ». Genre « Soirée P ». Pour moi ça sera Putes, Pinard et Pétards merci bisous. Enfin ne crachons pas trop dans la soupe, j’ai déjà organisé une soirée « à poil(s) » dans le but non avoué qu’un homme bien foutu se ramènerait torse nu. Fail intégral bien évidemment. Ah oui, parce qu’en vrai CA NE MARCHE PAS les soirées à thème.

La soirée club (mais dans un appart de 20 m2). Ce concept est hélas plus consubstantiel à la classe d’âge des vingtenaires qui en ont encore sous le capot ; mais il peut t’arriver de squatter un peu malgré toi, si tes jeunes voisins du studio du premier ont décidé de faire une pendaison de crémaillère qui va empêcher de dormir tout le pâté de maison. Descendue pour te plaindre du bruit, tu finis par ne rien dire pour ne pas passer pour une vieille conne et traîner dans la foule pour faire la cougar attardée. Le concept de base est simple : des basses, des basses, des basses, et des gens. Le plus possible. Avec un coin « drogues de l’amitié » dans les toilettes. Le parquet en point de Hongrie est couvert d’une épaisse couche de mégots tandis que le DJ loué pour la soirée passe On s’en bat les couilles et qu’un enfançon te drague en te parlant de retour aux champs dans le Larzac. Ah, la jeunesse.

Ensemble tout devient possible.

Ensemble tout devient possible.

La soirée entre-soi. Mais que voilà une soirée typique de trentenaires ! L’âge aidant, le Parisien privilégie les relations sociales de son milieu et de sa profession. Résultat, tout le monde est content, tout le monde se ressemble, on parle PLU, réduction de la dette, manifs pour la Palestine ou achat d’appartement à tout va. La conversation est aussi plate qu’autotélique, et les participants vont évidemment ressortir pleins de satisfaction d’eux-mêmes. Quant à moi je me permets de noter que je conchie cette attitude. Ce qui amène un certain nombre d’échecs personnels dans le domaine personnel de la blague et de questions considérées comme blasphématoires dans ce contexte feutré, genre « Ca sert à quoi un banquier d’affaires ? ». Bon, c’est pas Rire & chansons ici.

La soirée qui coûte un bras. La diversification sociale des amitiés est un objectif noble, mais elle peut parfois te mettre dans l’embarras. Jeanne-Margot ayant décidé que son 150 m2 n’est pas fait pour accueillir des teufs (ici on RESPECTE le point de Hongrie) envoie une invite dans un resto « super sympa de slow food ». Slow mon cul. L’ennui c’est que l’état de ton découvert t’aurait plutôt incité à aller au MacDo. Bon. Tu manges de façon parcimonieuse en pensant à chaque courrier que ton banquier va t’envoyer pour cette bouffe dispendieuse constituée de ratiches de légumineuses « oubliées » (et pour cause). Et là, c’est le coup de massue : l’addition arrive. « On partage, bien sûr ! » Seule dans ton coin tu files au chiottes pour au moins ramener plusieurs rouleaux de PQ gratos dans ton studio. 100 euros le rouleau, ça s’appelle chier dans la soie ou je ne m’y connais pas.

Thanks, but no thanks.

Thanks, but no thanks.

La soirée sans bouffe. « Amenez à boire, je m’occupe de la bouffe ». Piège mortel. Tenaillée par la faim tu erres entre les trois bâtons de carotte et les deux chips que l’hôte a daigné déposer dans de chiches ramequins bien planqués derrière la lampe. Forcément, tu es bourrée en deux minutes et tu finis par tenter d’emballer sans succès la moitié des invités, tous par ailleurs mariés et venus avec leur femme. Mieux vaut cependant une soirée sans bouffe qu’une soirée sans alcool. Le désert de la soif. Surtout si la soirée est remplie de banquiers discutant trends et investissements en produits dérivés, et de leurs épouses se concentrant plutôt sur l’épisiotomie et la nullité des nounous africaines. Kill me now.

La soirée délire. Pris dans un trip qui remonte souvent à de sombres années de notre histoire, celles de notre jeunesse, où tu aimais à montrer ton soutif au chauffeur de bus en criant « Mon corps est international ». Sauf que maintenant tu as des fonctions politiques, ou des étudiants, ou un portefeuille à diversifier. Donc bon, c’est moins drôle. Forcément. Il ne reste plus que la drogue et l’alcool, et bientôt, comme Zaz, tu pourras chanter avec entrain « Sous les ponts de Paris ».

La soirée transports. Parce que tu passes plus de temps à circuler entre plusieurs soirées que DANS une soirée. En même temps on s’en fout, c’était que des soirées de merde.

Des types humains dans les soirées

Pas de soirée de bobos trentenaires du 18e sans quelque simplification typologique, fort utile pour comprendre la vie. La lonesome camionneuse, dont la principale caractéristique est la finesse d’observation de la société, vous livre ici ses conclusions scientifiques et plus nuancées que l’arc-en-ciel d’un ciel de printemps.

Précisons que, par souci du détail et de l’autoflagellation, la lonesome c. s’inclut elle-même dans plusieurs de ces types. Elle se refuse néanmoins à dévoiler lesquels, sauf contre une substantielle somme d’argent (Lonesome est vénale, c’est là son moindre défaut).

Précisons également par souci d’impartialité que la sexualisation des types est arbitraire, mais hélas mammifères nous sommes, mammifères nous restons, et tous ne sont pas pourvus d’une paire de nichons.

Voici donc quelques images de l’humaine condition confrontée à la foule imbibée et à la musique déchaînée:

la fille qui te répond au taquet qu’elle sera de la fête et ne vient pas. Sans s’excuser bien sûr. O tempora, o mores. La politesse, ça te dit quelque chose? Remarque, ça fait plus de champagne par personne.

le boute-en-train. Particulièrement en forme ce soir, il déroule les blagues de bon goût avec la virtuosité d’un enfileur de perles hawaïen. Et y a pas à dire, on se poile comme des bossus. Voyez plutôt avec cette excellente contextualisation: Qu’est-ce qui manque dans un coin?

(j’en ris encore) (NB chers lecteurs: la réponse est cachée en deux endroits dans ce post… bonne chasse!)

la fille qui raconte sa life au premier venu. Même pas totalement bourrée, elle disserte de sa vie sexuelle avec son voisin dont elle ne connaît même pas le prénom. Espérons que ce n’est pas un agent du FSB.

le mec de droite. Commence à faire chier avec le mariage homo en tripotant sa montre Armani (mec, please!) Neutralisation immédiate nécessaire, pour cela trouver un alcool fort type whisky toléré par cet être de l’espace, ce qui va être coton dans une soirée de gauchos où coulent à flots le rouge qui tache et la vodka-faux schweppes agrum’ de chez Ed.

la fille qui a passé la journée à faire la cuisine. Elle enfonce littéralement son œuvre culinaire dans le gosier des convives en leur demandant, l’air angoissé « c’est bon? ça te plaît? tu trouves mes gâteaux meilleurs que ceux de l’autre pouffiasse, là-bas? » Cette personne  n’en est qu’à la première étape de la stratégie de séduction gastronomique et croit encore qu’on garde un homme par son estomac. Bon courage.

l’homo trop stylé. Après quelques remarques acides à sa copine la fille à pédés (« ah je savais pas que c’était une soirée déguisée ») et quelques phrases pointues sur l’art contemporain, il réclame à cor et à cris un karaoké sur la version FRANÇAISE de Total Eclipse of the Heart, Si demain de Kareen Antonn (mythique. MYTHIQUE. AVEC UN BÉBÉ HUSKY. A voir ici. Reconnaissance éternelle à T.)

les mecs qui s’éclipsent à intervalles réguliers dans la salle de bains, suscitant ainsi une queue importante devant la porte des braves gens qui finissent par y tambouriner en criant « eh y en a qui veulent PISSER ici». Plusieurs explications à ce phénomène: la drogue, fléau de notre jeunesse ; ou le tripotage, dangereuse tendance sexualisante à bannir de toute interaction érotique, droit au but telle doit être la devise du chrétien avisé.

la fille qui ne boit que du champagne (avantage non négligeable: elle arrive toujours avec une caisse de cet appréciable breuvage). En plus en général elle est ultra bien fringuée. Bref elle a un peu la classe (qu’elle croit). Tu veux désespérément lui ressembler mais t’as pas assez de fric pour t’acheter du champ’

les fumeurs. Groupés autour d’une fenêtre ouverte ils échangent des considérations philosophiques sur la nécessité d’arrêter ou sur le fait que la voisine d’en face est plutôt bien gaulée en soufflant négligemment des ronds de fumée vers le ciel. Potentiels initiateurs d’une contre-soirée dans la cuisine.

la danseuse en folie. Prête à mover son body to the risen of the music, elle passe la soirée le doigt en l’air à se déhancher, voire à sautiller en tous sens en criant Shakira, Shakira!! Dès que l’hôte a le dos tourné, elle se faufile en douce vers le système sonore pour proposer à l’écoute quelque chef d’œuvre des années 80 – surtout si c’est aussi une fille à pédés. Du goût du goût du goût.

[A tous ceux qui m’ont regardée faire Waka Waka en vous gondolant comme du carton mouillé, I KNOW YOUR NAMES. BEWARE]

le sportif qui a relevé tous les défis. Vêtu d’un pull péruvien et de chaussures de marche, il disserte à n’en plus finir sur son ascension de l’Anapurna et le marathon qu’il a couru la semaine dernière. Au bout de deux minutes t’es déjà FATIGUÉE rien que de l’entendre. Tu lui proposes un verre de rouge. Il te répond avec une moue qu’il ne boit pas, c’est mauvais pour la santé. Tu sautes sur ton pote homo qui passait par là pour ÉCHAPPER A CE SUPPÔT DE L’ENFER.

la fille blasée. Tout en elle fait comprendre que cette soirée est un peu minable. Elle a déjà tout vu, tout fait, cet événement est pour elle plus mineur qu’une chiure de moucheron sur le pare-brise du monster-truck.Elle se perche sur un tabouret de bar avec ses Louboutin et sirote un martini en contemplant d’un air supérieur la masse du vulgum pecus. Pour tout dire, elle fait un peu penser à une autruche avec un balai dans le cul un peu raide.

le mec qui arrive déjà raide bourré et qui essaye de pécho malgré sa voix pâteuse. Il passe de fille en fille dans l’espoir qu’elle acceptera un verre de son fameux cocktail vodka-faux schweppes agrum’ de chez Ed et plus si affinités. Bon courage, gars.

la fille à la voix de stentor. Elle a les poumons aussi développés que Caruso, mais le timbre moins agréable. Elle expectore diverses informations toutes moins intéressantes les unes que les autres malgré le niveau important de décibels de la musique ambiante (genre « eeeeeeeeeeeeeeet voici la reine de la soirée! » à chaque fois que quelqu’un arrive), jusqu’à ce qu’on utilise son organe à bon escient pour servir le champagne.

le mec qui arrive pas à décoller. 5 heures du mat’ sonnent et il est toujours là, à te déblatérer de foireuses théories alors que le premier métro est déjà reparti et que t’as qu’une envie, te foutre au pieu pour les 3 prochains jours et le FOUTRE DEHORS. Technique éprouvée par un éminent membre de ma famille: aller se mettre discrétos en pyjama et fixer ensuite le bougre d’un air insistant. Degré de réussite dépendant hélas du degré d’alcoolisation du sujet.

Comme le chante le poète:

Que tous ceux qui sont dans la vibe (lèvent le doigt)
Que toutes celles qui sont dans la vibe (lèvent le doigt)
Que ceux qui sont assis se lèvent (suivent le pas)
(…)
Ces soirées là (ah ah ah ah) on drague on branche
Toi-même tu sais pourquoi (oui oui)
Pour qu’on finisse ensemble toi et moi (c’est pour ça)
On aime tous ces soirées là (jusqu’à l’aube, on les aime jusqu’à l’aube baby)