Du ghosting

Ghosting: nom savant anglo-saxon donné à la technique consistant à larguer quelqu’un en interrompant brutalement et sans préavis toutes les communications avec la personne susnommée. Et tout ça à l’heure du village global, des communications planétaires et de facebook qui a gagné même les tribus amazoniennes les plus reculées. Je vous demande un peu. Attention donc au faux ami pour nous les jeunes qui avons grandi dans les années 1990, non ce n’est pas Patrick Swayze qui revient vous aimer par-delà la tombe. Technique donc de largage d’enculé(e), vu que du coup tu passes quand même par l’étape du doute terrible de « mais est-il laissé pour mort au bord d’un fossé, ou enlevé par Daech dans un endroit du désert syrien où la 3G ne passe pas ? » avant de comprendre que juste, non rien, c’est fini, circulez y a rien à voir. Pas un Arabe du coin pas un Euromarché, même pas une lettre comme un lâche garçon du XIXème siècle, même pas un « c’est pas toi c’est moi, tu mérites mieux ». Plaisir.

En tant que blogueuse de mode, psychanalyste des chats et profonde connaisseuse de l’âme humaine, je me dois au nom de l’humanité d’être dans le jugement : les ghosteurs sont des lâches et des malotrus. Faut pas pousser Mémé dans les orties.

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Mais SOS quoi!

La lâcheté, vertu hautement masculine s’il en est – les hommes n’apprennent pas à s’excuser et redoutent souvent l’hystérie en face ; il est vrai que personnellement il m’arrive de pleurer comme une madeleine dans ce genre de situations, telle Alice dans l’océan de ses propres larmes, mais je suis bonne bougresse et non pas du tout rancunière, c’est donc avec stupeur que je constate la malignité de certains êtres prêts à tout pour éviter une explication. À vrai dire, comme dirait La Fouine, « ça fait mal, à Trappes on a des guns, nique sa mère le jiu-jitsu ». Résultat je suis grave en rogne MAIS ALLÔ QUOI.

La malencontreuse épreuve du ghosting est donc arrivée à votre servante (sinon bien entendu elle n’en parlerait pas, car quel intérêt a le monde en dehors de soi je vous le demande), de façon concomitante (ce qui soulignait la malotru-ïtude totale du procédé) de la part de certain de mes ex et de certain de mes amants qui trompait son mal de vivre et sa meuf en lorgnant sur mes seins et mon âme de bénévolence infinie et d’intellect accompli (oui, je n’ai aucune morale et merci bien). Or donc, le ghosting ne m’est pas apparu tout de suite dans sa hideuse réalité : soyons clairs, il m’arrive d’envoyer quelques textos à la suite sans pouvoir décemment exiger de réponses, d’autant que les deux impétrants ont beaucoup de travail et sont des hommes importants. C’est fou comme le travail est prenant quand on a envie de foutre un vent à quelqu’un (ou quand on n’a pas envie de vivre tout simplement, mais c’est un autre problème).

Je n’ai donc flairé l’embrouille qu’après une centaine de textos sans réponse (un nombre plutôt moyen de ma part, chacun ses défauts, le bavardage est un charmant péché mignon), et là : plus rien. Même une dizaine de textos simplement formulés : « ? » n’ont pas eu plus d’effets qu’un furoncle sur le cul de Maître Gims. Plaisir. Adieu la partie de jambes en l’air du week-end et toute une partie de ta vie.

Salut les malotrus : comme me le faisait remarquer ma noble mère, « les gens sont des mufles ». Ne nous leurrons pas, la politesse est une valeur qui se perd et j’ai beau disposer avec soin la comtesse de Boissieu et Nadine de Rothschild (il faut donner de tout à l’âme de la brute dégrossie car la politesse transcende les classes sociales) dans mes chiottes, la cause du savoir-vivre ne progresse pas d’un poil au royaume des coucheries et des échanges de promesses qui s’effilochent au vent dans les branches des bouleaux du square. N’empêche que ça fait grave mal au cul, d’autant que je suis bonne fille et que je suis prête à accepter les critiques – « tes seins sont trop gros / J’ai plus l’amour, j’ai pas le temps / J’ai plus l’humour, j’sais plus, d’où vient le vent / J’ai plus qu’un clou une étincelle / Des trucs en plomb qui me brisent les ailes » : le moindre blabla me convient, même celui de Jean-Jacques qui me rappelle ma jeunesse et l’époque où je croyais à l’amour éternel et d’ailleurs j’y crois encore on est vivant tant qu’on est fort, seulement il va falloir en aimer éternellement plusieurs sinon on n’est pas rendus.

Résultat, les effets sont à hauteur de l’élégance du procédé, d’autant que la femelle a tendance à passer sa life à se déconsidérer comme une merde qui ne vaut rien et à se remettre en cause au moindre pet de travers du sexe opposé (c’est ma fauuuuuuute! je suis une meeeeeeeerde) (kikoo le complexe d’infériorité structurel). Combien de douloureuses années sur le divan avant de se dire que ce goujat ne sait pas ce qu’il rate ? Il y a fort à parier que la conséquence générale de ce ridicule procédé est une perte de confiance en soi et une angoisse pas piquée des vers, déjà que notre génération n’est pas rendue en la matière. Et surtout, l’absence de réponse épuise le flot des insultes. C’est frustrant.

Donc, amis ghosteurs, voici pour vous : haddock-73-2Et bien le bonjour chez vous.

L’abattant abattu – Histoire de chiottes

Au début je me suis dit allez, fais un texte sur la grève générale et la Nuit debout et la Révolution qui vient, mais cependant un besoin plus pressant occupait mon âme, celui de raconter l’importante aventure qui m’arriva il y a quelques jours déjà, et qui se réfère au confort incomplet de mes lieux d’aisance. Parce que je suis une meuf qui s’intéresse aux vraies questions.

Les gogues sont tout de même un coin fondamental, quoique petit : un être humain s’y rend en moyenne 2500 fois par an, pour une durée totale de trois ans à peu près (source : worldtoilet.org) (oui, il existe un site de ce nom). Au vu de mon appétence pour les lieux d’aisance, une rapide analyse quantitative (je fais des sciences sociales huhuhu) m’a permis d’établir que j’y passe bien plus de temps ; en effet, de nombreuses activités sont propices à l’accompagnement de la sainte activité défécatoire, activité dont j’ai déjà disserté en détail ici car je suis hélas une femme assez peu délicate (et je m’en bats les couilles bien tranquillement).

C’est dire l’importance du confort procuré par le trône, objet hélas soumis à la trivialité du réel ; or donc, on voudrait une belle chiotte à la japonaise, garnie de coussins, qui chauffe le cul et vous torche avec aménité, mais on se retrouve avec une toilette étroite et inconfortable, la propriétaire ayant qui plus est cassé l’abattant.

Note sur ma propriétaire : personne charmante mais cependant totalement ignorante des réalités de la vie et surtout de ses petits plaisirs (le genre qui fait du jogging), et qui s’imaginait que je n’aurais PAS remarqué que l’abattant des chiottes manquait. Mais dans quel monde on vit. Attention cependant, précision sémantique, comme nous le montre l’image ci-dessous, l’abattant est le DESSUS de l’appareil surplombant la cuvette, complété par la lunette (soyons précis). Ainsi, les toilettes restaient fréquentables quoi qu’ouvertes à tout vent ; enfin, quand on est célibataire cet inconvénient reste supportable (oui le célibat est la décadence de l’Homme mais bon, comme la décadence c’est l’fun je ne m’en préoccupe pas trop merci bien).

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Thésaurus de chiottes

Mes toilettes étaient donc incomplètes, mais tout cela restait supportable, car avec une petite bouteille de vodka et une pile de magazine on est à l’aise partout. Cependant, la nature du plastique étant fantaisiste, la lunette elle-même vint à manquer et ses charnières à se défoncer, ce qui eut pour désagréable effet de me faire dégringoler des guogues un matin où je n’étais pas de la première fraîcheur, mais passons. Il me fallait donc agir rapidement, pour rééquiper mes chiottes et redonner son lustre au lieu de tant d’ébats.

« Le monde de l’abattant WC est vaste. Il en existe en effet pour tous les goûts, toutes les bourses et même tous les usages. » (source : cdiscount) (tous les usages???). En effet, après consultation de divers sites internet, la constatation fut sans appel : hélas, l’appel de la déco (on ne dira jamais assez le mal qu’a fait Valérie Damidot à notre civilisation) pousse le chaland à proposer des abattants de couleur vive, voire criarde, et non pas tellement des sièges où le séant soit avantagé. Le chiotte super luxe à la japonaise coûte 600 euros ; bon, faut pas déconner non plus. Je décidai ainsi tout de go de me rendre chez Castorama afin de remplir le vide existentiel que traversaient mes toilettes.

Or donc, Castorama est pour votre servante un lieu rempli de dangers. Pourquoi ? Parce que j’ai envie d’acheter tout le magasin, voilà pourquoi ! Déjà c’est comme ikea mais en plus cher, mais en plus il y a des objets fascinants et tout à fait indispensables : pistolets à colle, vis, serre-joints, palettes, vernis, colles, chevilles, clous et autres fredaines que j’affectionne, car je suis à la fois une bricoleuse invétérée (savoir : après avoir percé un trou la perceuse reste au placard car l’effort fourni était vraiment trop violent) et une jeune convertie au douitteyourself (ou DIY comme on dit sur les blogs), et franchement depuis que j’ai fabriqué mon propre porte-bijou je vis sur un nuage : adieu enfin le monde de la consommation, je fais moi-même les objets qui m’entourent (avec la sainte assistance de Castorama) (mais c’est pas vraiment de la consommation).

Résultat, j’ai acheté trois boîtes à biscuits, un rideau de douche design (enfin, avec un motif branché dessiné dessus) (j’ai décidé que mon luxe personnel ne serait pas un abattant japonais mais un rideau de douche classe, c’est moins cher) ainsi qu’un abattant « universel » (nous reviendrons sur l’importance de ces guillemets). Bref, après avoir dépensé ma paie de mars en objets inutiles, je gagne la station de vélib avec le sentiment du devoir accompli.

Car hélas, les liaisons en transports en communs ne sont pas toujours adaptées, et il faut que je muscle mon cul. Mais tout était bien parti, un vélo disponible, dans le 19ème c’est pas tous les jours ; la chance, crus-je, me souriait, ainsi que les auspices de JC Decaux. Nonobstant, en empilant mes emplettes dans le panier du vélo, un doute m’étreint : l’abattant est trop imposant. La poisse. Mais ne nous laissons pas abattre par l’adversité : je fixe peu ou prou la chose avec la chaîne de cadenas car il faut prendre la vie du bon côté, je fourre le maximum de mes achats dans mon sac à dos (oui j’ai un sac à dos, c’est très pratique), et j’enfourche le vélo.

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Totale maîtrise

À cet instant, il n’eût pas été exagéré de dire, selon une expression populaire certes frisant le racisme mais assez parlante, qu’on aurait dit une romanichelle. En effet, j’étais évidemment habillée trop chaudement (je suis frileuse) (voilà pourquoi je hais les demi-saisons), et je bringuebalais dans le contre-sens cycliste en suant comme un bœuf tout en maintenant d’une main l’abattant baladeur, tandis que (classique) l’averse se déclarait. C’est là qu’on se rend compte que Bouddha était vraiment un type qui ne connaissait pas la laïfe. Emplie de ces réflexions philosophiques, voici qu’un nid-de-poule croise ma route.

Adieu veaux vaches cochons couvée, l’abattant s’envole pour atterrir sans coup férir sur la voiture qui me jouxte. Une voiture de flics, ÉVIDEMMENT. Comment, saisie de terreur, je me suis humiliée pour demander leur pardon (heureusement l’abattant n’avait point fait de bosses), moi qui criait la veille encore en manif « Je n’aime pas la police », comment j’ai regagné la prochaine station vélib, puis ai marché tel un chien mouillé jusque chez moi, pour découvrir après mes cinq étages sans ascenseur que l’abattant n’est PAS DE LA BONNE TAILLE ?

Je ne sais pas. Depuis je suis au fond du trou. Un conseil, évitez les merguez de manif.

Et en plus va falloir que j’aille l’échanger, l’abattant.

Lol. Comme disent les jeunes.