Des soldes

Cette année j’avais pris une bonne résolution : ne pas péter un câble dans un magasin et opérer mon shopping des soldes avec méthode et organisation sur les internets, en ponctuant le processus d’incantations du mantra « je suis calme forte et lucide ».

Après avoir rempli mon panier pour un montant de 500 euros je me suis dit que tout cela n’était pas bien raisonnable même si il s’agissait d’un panel sélectionné parmi les réductions de ouf, et que peut-être qu’entre deux et trois heures du matin au son de la pop japonaise je n’étais pas au top de mes capacités pour faire un choix vestimentaire pertinent.

Résultat je suis allée faire les boutiques parce que merde on est en janvier et que c’est la rentrée et les grandes vacances dans 6 mois et demi et bonjour la déprime donc quoi de mieux que de dépenser son découvert dans un hommage au vêtement ? Conformément à ma condition de gogole magistrale j’ai fini par y aller en sortant de cours et pas du tout fringuée pour les soldes, genre avec quinze épaisseurs à enlever dans la cabine alors qu’une quinconce de clientes échevelées attendent dehors d’un air impatienté (mais où est passé ma boucle d’oreille gauche ?)

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Typiquement cette année je me retrouve avec un combishort de chez une petite créatrice. Mignon certes, le combishort, mais ce n’est que le troisième qui vient se greffer à ma garde-robe ; en outre j’avais besoin d’un gilet et de bottines. Enfin besoin, c’est tout relatif, il s’agit essentiellement de questions de nuances (un gilet BLANC et des bottines PLATES NOIRES), mais qui ne sont pas à dédaigner lorsque que l’on est en phase de chasse offensive du mâle célibataire. (Tiens salut à toi youtube, qui me propose sans cesse ta pub de test de grossesse clearblue de mon cul : je t’emmerde bien cordialement)

Non pas que tout cela n’a pas une origine tout à fait objective, celle des errements de la mode. C’est simple en 2016, voilà les trucs qui seront à la mode : le blouson de cuir, la robe à fleurs, le pantalon large, la blouse romantique, le smoking d’été, la résille, la chemise blanche, la lingerie de jour, la marinière, le bustier, la jupe crayon, le motif tribal, le kaki, le pastel, les carreaux, les rayures, le mix & match. Allez vous y retrouver pour faire les soldes après ça. Allons bon, je vous accorde que le combishort ne se trouve pas dans cette liste ; eh bien oui, je tente de rester en AVANCE de la mode (car à force de rester EN RETARD sur la mode on finit bien un jour par être EN AVANCE par effet automatique de ses logiques cycliques. Malin !)

En outre il se trouve que le combishort ça me va bien ; mais enfin, on est tout de même en hiver et pas que j’aime pas le printemps mais j’aimerais bien qu’on me ramone les conduits avant la fin des frimas – NB apparemment ce genre d’images est absolument répulsif pour 99% de la gent masculine quand elle est utilisée par une femme, mais j’ai décidé de prendre la vie et les métaphores de mauvais goût à bras le corps tout en résumant ainsi mon exigence principale, trouver un mec qui a le même humour que moi. Eh ouais, on n’est pas rendus – rendement moyen de mes blagues sur mes élèves ≈ 1%. Mais ça compte pas, ce sont des êtres encore inconscients des subtilités de la langue.

La difficulté est grande, lorsque l’on se trouve en situation de besoin matrimonial à un âge avancé malgré son physique avantageux qui te donne dix ans de moins à l’extérieur mais à l’extérieur tu es une vieillarde pleine de sagesse telle Maître Yoda mais personne ne le reconnaît parce qu’ils sont jaloux. Prenons au hasard l’exemple des soutien-gorge : en vrai, t’aurais envie de prendre le bon vieux playtex qui te soutient de la mort qui tue même si tu dois te mettre à pogoter au milieu de la rue ; mais, vu que tu veux pécho, il faut prendre le balconnet qui soumet ta poitrine à un précaire équilibre et te donne l’air d’une pensionnaire de maison close vu que cette année la mode est aux rubans rouges. L’arbitrage n’est pas mince. C’est alors que, perdue seule dans ta cabine, à poil, tu contemples indécise les deux objets qui se balancent à deux patères voisines tandis que te guette ton reflet pâli par la lumière des néons mais aminci par le miroir (ouais parce que dans les magasins de fringue les miroirs sont légèrement penchés pour vous donner l’air plus mince : sachez-le).

Au final j’ai dépensé que 200 euros : 100 de plus que mon budget initial mais merde on n’est pas de bois. C’est mon banquier qui sera content.

Bref, j’ai fait les soldes.

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Ah mais moi je ne demande que ça!

« Tu es un laideron mais tu es bien bonne »

De la dure vie des êtres stylés en milieu urbain ordinaire confrontés à l’ignorance de gueux du trottoir.

Il ne vous aura pas échappé, public fidèle, gentils lecteurs, fans en délire (je n’aime pas me la ramener, mais il faut se rendre à l’écrasante évidence : j’ai beau écrire de la daube en barre, vous êtes toujours là, bande de masos), il ne vous aura pas échappé donc que depuis quelques temps l’Emmerdeuse a décidé d’embrasser sa féminité et le sens du Beau dont l’ont dotés la nature et de se tourner vers la mode afin d’élaborer un style vestimentaire de la boulasse intergalactique. Certes, mon compte en banque en a un peu souffert, mais comme il faut souffrir pour être belle, tout ça fait sens (bon en vrai je conchie évidemment cette idée ; sachez qu’avoir du style et aimer son physique n’a rien à voir avec ces conneries : j’ai juste grave la flemme de vous l’expliquer, mais l’image suivante devrait suffire) :

Rossy de Palma par Álvaro Villarrubia.  Merci la gueuse, tu es un laideron mais tu es bien stylée.

Rossy de Palma par Álvaro Villarrubia.
Merci la gueuse, tu es un laideron mais tu es bien stylée.

Je parle donc bien de style, voire même de staïle (style, mais en mieux, car prononcé en anglais ; quand t’approches la mode faut parler l’angliche comme un natif de Liverpool ; heureusement moi ça va j’ai vécu à NYC – ne surtout pas dire Nouille Orque, so 2010 – ce qui permet de se fondre dans la foule malgré mon malheureux accent ricain).

Et attention, comme toujours, en matière de staïle l’Emmerdeuse n’a pas choisi la facilité (peuh ! la facilité ! facile !) : certaines, comme Ines de la Fressange, choisissent le net, le propre, le repassé, la chemise en soi qui ne dépasse pas d’un pouce. Le fressangisme, ou la malédiction du modement correct. Bref, le CONSENSUS. Horrible concept en matière de beau – c’est un peu comme quand tu vas voir un bébé nouvellement expulsé de la matrice et que s’exerce cette insupportable pression sociale qui te fera dire sur 50 modes différents : « oh qu’il est mignon ».

ALLO QUOI. Un peu de diversité dans ce monde de clones. Ai-je besoin de rappeler les célèbres paroles de ce célèbre hymne libertaire de Corbier : « il n’y a plus de consensus ni de Cuba sans cacao » ? (Sans ma barbe, 1988. Gros style, le Club Dorothée). En plus excusez-moi mais quand on mesure 1m80, qu’on pèse 50 kilos et qu’on est une aristo, c’est quand même UN PEU FACILE, hein, Ines. Sans déconner. Non au mocassin du gland, oui au gland du marcassin (oui bon, je fais ce que je peux).

Bref, la quête du style est un long chemin ardu et solitaire, car croyez-moi pour quelques « J’adore votre foulard » dans le métro (comme de par hasard justement le jour où tu avais attrapé le premier foulard de la pile pour te l’enrouler vite fait autour du bulbe vu que t’avais les cheveux grave sales, mais passons), vous allez vous ramasser une belle flopée de remarques réactionnaires de la part de votre entourage, dépassé par tant de génialitude. Heureusement, grâce à Mademoiselle Babouchka, laissez-moi vous dire que ça a bien représenté à la Fashion Week et ça rigolait moins quand on était au premier rang des défilés (pour hommes, mais c’est un début) et que tout le monde admirait ton manteau oversize pour homme, a.k.a. « l’ignoble panosse » selon un parent proche. Inutile de vous dire que ces gens sont un frein intensif à des questions vitales comme « dois-je acquérir un pantalon en cuir ? » ou « quelle est la salopette idéale ? ». Sachez-le, vivre dans le staïle c’est être une victime : de la mode, d’accord, mais surtout de la réprobation sociale qui pointe son nez au tournant.

Le style n'a pas d'âge.

Le style n’a pas d’âge.

Kikoo passif-agressif, kikoo jalousie, kikoo solitude. Voilà ce que nous souffrons au quotidien:

« Ca ne m’irait pas mais c’est trop ton style, toi ça te va trop bien ». « Ton style » égale « un ignoble tas de trucs incompréhensibles qui me dégoûte ». Ne nous voilons pas la face, nous avons toutes prononcé cette phrase un jour. Moi-même je sais. J’ai honte. Mais nous sommes tous un jour de grands incompris. Hélas.

« That’s normal, you’re French ». Préjugés bonjour. Enfin, je vous l’accorde, le peuple français est le mieux sapé du monde. Ce qui ne veut pas non plus dire grand chose, si on se réfère à Ines de la F. Open your eyes, open your mind, open your thoughts, don’t stay behind, Nescafé, ai-je envie de dire. Chill out, man.

« Ca te va trop bien le normcore ». Quoi, normcore, MOI ? MAIS NON MAIS CA VA PAS ? Le monde ne m’a pas comprise.

« Non mais je comprends, t’es une hippie au fond, ton truc c’est les seventies ». Non. Alors non. Je n’aime pas les années 70, non je ne suis pas une hippie, MERCI BIEN. C’est pas parce que je porte des bottes blanches et une couronne de fleurs que je suis une hippie, merde à la fin (oui, j’aime l’ordre, je n’aime pas trop les hippies moi, d’abord). Cette remarque est de toute évidence une réplique à ma remarque précédente « Ah, c’est le nouveau style clodo-chic ? » Oui parce que quand on est plusieurs à donner dans le staïle, le taillage est assez fréquent. Mais toujours AVEC COURTOISIE, comme dirait le général von Rhimmler.

« T’es lesbienne ? » Ah mais voilà, tu portes des fringues un peu inhabituelles, tu n’es pas un petit bonbon en robe rose / objet sexuel, donc tu es lesbienne. Logique. Très fréquent dans le sens inverse : un homme stylé est forcément homo. Eh bien laissez-moi vous dire que le costume trois-pièces est tout à fait compatible avec l’hétérosexualité la plus stricte, et que beaucoup d’homos s’habillent comme des amibes en survêtement.

« J’ai fini par m’y habituer, à ce manteau. » Enfin, heureusement que t’es bonne au pieu, parce que là je pleure quand même des larmes de sang à te regarder dans cette tenue, d’ailleurs marche un peu derrière moi, ça sera mieux.

« Ils ont dû être contents de vendre ». Oui, bon, peut-être, à la réflexion… BON SANG. Le doute s’installe.

 Il est dur ton destin, petit scarabée du style.

« Do or do not. There is no try. » Master Yoda.