De la dure vie des êtres stylés en milieu urbain ordinaire confrontés à l’ignorance de gueux du trottoir.
Il ne vous aura pas échappé, public fidèle, gentils lecteurs, fans en délire (je n’aime pas me la ramener, mais il faut se rendre à l’écrasante évidence : j’ai beau écrire de la daube en barre, vous êtes toujours là, bande de masos), il ne vous aura pas échappé donc que depuis quelques temps l’Emmerdeuse a décidé d’embrasser sa féminité et le sens du Beau dont l’ont dotés la nature et de se tourner vers la mode afin d’élaborer un style vestimentaire de la boulasse intergalactique. Certes, mon compte en banque en a un peu souffert, mais comme il faut souffrir pour être belle, tout ça fait sens (bon en vrai je conchie évidemment cette idée ; sachez qu’avoir du style et aimer son physique n’a rien à voir avec ces conneries : j’ai juste grave la flemme de vous l’expliquer, mais l’image suivante devrait suffire) :
Je parle donc bien de style, voire même de staïle (style, mais en mieux, car prononcé en anglais ; quand t’approches la mode faut parler l’angliche comme un natif de Liverpool ; heureusement moi ça va j’ai vécu à NYC – ne surtout pas dire Nouille Orque, so 2010 – ce qui permet de se fondre dans la foule malgré mon malheureux accent ricain).
Et attention, comme toujours, en matière de staïle l’Emmerdeuse n’a pas choisi la facilité (peuh ! la facilité ! facile !) : certaines, comme Ines de la Fressange, choisissent le net, le propre, le repassé, la chemise en soi qui ne dépasse pas d’un pouce. Le fressangisme, ou la malédiction du modement correct. Bref, le CONSENSUS. Horrible concept en matière de beau – c’est un peu comme quand tu vas voir un bébé nouvellement expulsé de la matrice et que s’exerce cette insupportable pression sociale qui te fera dire sur 50 modes différents : « oh qu’il est mignon ».
ALLO QUOI. Un peu de diversité dans ce monde de clones. Ai-je besoin de rappeler les célèbres paroles de ce célèbre hymne libertaire de Corbier : « il n’y a plus de consensus ni de Cuba sans cacao » ? (Sans ma barbe, 1988. Gros style, le Club Dorothée). En plus excusez-moi mais quand on mesure 1m80, qu’on pèse 50 kilos et qu’on est une aristo, c’est quand même UN PEU FACILE, hein, Ines. Sans déconner. Non au mocassin du gland, oui au gland du marcassin (oui bon, je fais ce que je peux).
Bref, la quête du style est un long chemin ardu et solitaire, car croyez-moi pour quelques « J’adore votre foulard » dans le métro (comme de par hasard justement le jour où tu avais attrapé le premier foulard de la pile pour te l’enrouler vite fait autour du bulbe vu que t’avais les cheveux grave sales, mais passons), vous allez vous ramasser une belle flopée de remarques réactionnaires de la part de votre entourage, dépassé par tant de génialitude. Heureusement, grâce à Mademoiselle Babouchka, laissez-moi vous dire que ça a bien représenté à la Fashion Week et ça rigolait moins quand on était au premier rang des défilés (pour hommes, mais c’est un début) et que tout le monde admirait ton manteau oversize pour homme, a.k.a. « l’ignoble panosse » selon un parent proche. Inutile de vous dire que ces gens sont un frein intensif à des questions vitales comme « dois-je acquérir un pantalon en cuir ? » ou « quelle est la salopette idéale ? ». Sachez-le, vivre dans le staïle c’est être une victime : de la mode, d’accord, mais surtout de la réprobation sociale qui pointe son nez au tournant.
Kikoo passif-agressif, kikoo jalousie, kikoo solitude. Voilà ce que nous souffrons au quotidien:
« Ca ne m’irait pas mais c’est trop ton style, toi ça te va trop bien ». « Ton style » égale « un ignoble tas de trucs incompréhensibles qui me dégoûte ». Ne nous voilons pas la face, nous avons toutes prononcé cette phrase un jour. Moi-même je sais. J’ai honte. Mais nous sommes tous un jour de grands incompris. Hélas.
« That’s normal, you’re French ». Préjugés bonjour. Enfin, je vous l’accorde, le peuple français est le mieux sapé du monde. Ce qui ne veut pas non plus dire grand chose, si on se réfère à Ines de la F. Open your eyes, open your mind, open your thoughts, don’t stay behind, Nescafé, ai-je envie de dire. Chill out, man.
« Ca te va trop bien le normcore ». Quoi, normcore, MOI ? MAIS NON MAIS CA VA PAS ? Le monde ne m’a pas comprise.
« Non mais je comprends, t’es une hippie au fond, ton truc c’est les seventies ». Non. Alors non. Je n’aime pas les années 70, non je ne suis pas une hippie, MERCI BIEN. C’est pas parce que je porte des bottes blanches et une couronne de fleurs que je suis une hippie, merde à la fin (oui, j’aime l’ordre, je n’aime pas trop les hippies moi, d’abord). Cette remarque est de toute évidence une réplique à ma remarque précédente « Ah, c’est le nouveau style clodo-chic ? » Oui parce que quand on est plusieurs à donner dans le staïle, le taillage est assez fréquent. Mais toujours AVEC COURTOISIE, comme dirait le général von Rhimmler.
« T’es lesbienne ? » Ah mais voilà, tu portes des fringues un peu inhabituelles, tu n’es pas un petit bonbon en robe rose / objet sexuel, donc tu es lesbienne. Logique. Très fréquent dans le sens inverse : un homme stylé est forcément homo. Eh bien laissez-moi vous dire que le costume trois-pièces est tout à fait compatible avec l’hétérosexualité la plus stricte, et que beaucoup d’homos s’habillent comme des amibes en survêtement.
« J’ai fini par m’y habituer, à ce manteau. » Enfin, heureusement que t’es bonne au pieu, parce que là je pleure quand même des larmes de sang à te regarder dans cette tenue, d’ailleurs marche un peu derrière moi, ça sera mieux.
« Ils ont dû être contents de vendre ». Oui, bon, peut-être, à la réflexion… BON SANG. Le doute s’installe.
Il est dur ton destin, petit scarabée du style.
« Do or do not. There is no try. » Master Yoda.
Un jour clodo WILL be the new black.