Jouez hautbois résonnez musettes

Pour ma petite sœur

Noël, fête capitaliste moisie où tu dépenses quelques centaines d’euros pour une console de jeu pour ton gamin alors que dehors des SDF crèvent en silence. Ah oui, et aussi, mon billet de train a coûté le prix de mes cadeaux à ma famille, merci la SNCF (sinon moi j’achète que des livres, une console de jeux, pensez-vous !) (huhuhu).

Noël, qui précède la fin de l’année, l’heure du bilan de 2013 : thèse pas finie, mecs bordel à queue confinant au désert de Gobi, histoire d’amour intense avec mon découvert autorisé, santé chancelante et dents brisées pour un bel œil au beurre noir au pied du sapin (ne m’écoutez pas ça va hein, juste j’aime me plaindre) (hmmmmmm oh oui).

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Noël, solstice d’hiver où t’as envie de te tirer une balle tellement il fait jour 3 heures et t’as pas le temps de voir la lumière du jour vu que tu te lèves à midi, verteckel (je m’explique, cf. ci-dessous).

Noël, fête de famille où tu retournes à ton berceau ancestral alsacien, Strasbourg, et où tu retrouves pour quelques jours un accent et des jurons de bon aloi (cf. ci-dessus).

Noël, capitale Strasbourg sa mère la pute de marché de Noël kiss my ass que tu peux pas faire trois pas dans le centre ville que tu es entouré de hordes de touristes avides. Note aux services de police : mon père est parti ce matin « faire des achats de Noël », plus aucune nouvelle depuis.

Noël en Alsace, qui quoi qu’on en dise est inimitable et indépassable :

Noël, se foutre la race niveau bouffe et boisson, et attention C’EST DE LA BONNE. Nous sommes les inventeurs du foie gras, les descendeurs de riesling, les bouffeurs de bredele (petits gâteaux de Noël exquis dont les recettes ne se transmettent que sous le sceau du secret de génération en génération), les spécialistes du chapon, les amoureux du vacherin, les dégusteurs de gewürtz, les fanas du vin chaud, les tarés du chapon farci, les obsédés du schnaps. Et on remet ça, le 24, le 25 eeeeeeeet le 26 (férié en Alsace, y a pas de raison). T’as pris 10 kilos en 3 jours mais tu sens dans tes intestins couler la chaleur de tes racines.

Le Petit Nicolas Noël

Noël, la déco nono c’est pas pour les kékés. Ici la décoration c’est du sérieux. Le sapin, monté le 24 décembre PAS AVANT c’est la tradition (au son de CD de Bach au glockenspiel, mais où mon père les a-t-il dégottés), se doit d’être a/ un nordmann bien fourni à 50€ le centimètre (deux sapins chez nous, la maison est grande et mon père adooooore les sapins) (en outre ça permet de créer deux ambiances colorimétriques) b/ avoir une parfaite forme pyramidale et équilibrée et c/ mesurer 50 cm de trop environ pour le plafond, afin de nécessiter une complexe opération de sciage et de montage de la bête. Quelques kilos de bougies et de kilomètres de guirlandes plus tard, nous avons un truc acceptable. Et va falloir carillonner du cantique là-dessus ! Enfin, on fera mieux l’an prochain.

Et puis quand même Noël c’est Jésus Christ qui naît pour tous les hommes. Vous savez, le type qui a dit « Ce que vous avez fait au plus petit d’entre mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » Entre autres. Je dis ça je dis rien. (Et pas de cassage de couilles sur la laïcité je vous prie: Noël c’est pas laïque) (d’abord).

Mais comme je suis une bonne âme, je vous souhaite, chers petits, malgré toutes mes emmerdouses, un très joyeux Noël.

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(sur ce je vais faire un peu de yoga pour m’assouplir l’estomac, va falloir être solide pour tenir le level familial ce soir)

Des marchés de Noël et des nombreuses impostures qui en découlent

Oui je sais c’est la nouvelle année et je m’attarde encore sur le marché de Noël alors qu’on en est enfin débarrassés. Car pour les riverains de ce type d’installation touristique diabolique, le quartier devient vite un enfer.

Pourtant tout avait bien commencé : comme d’hab, les Alsaciens sont au taquet en matière de marchés de Noël, dans la pure tradition germanique. Depuis le XIVe siècle (eh ouais !), Strasbourg représente dans la vente d’objets noéliques – notons ici encore la supériorité historique du Bas-Rhin sur le Haut-Rhin (voir ici ou ici ou encore ici en matière de sapins, tiens tiens je suis un peu obsédée par les sapins). La chose, chers amis, n’était cependant pas une débauche célébrant la consommation à tous crins. Bien sûr l’Alsacien est marchand, l’Alsacien aime la bonne affaire, l’Alsacien aime à dépenser l’argent qu’il a souvent en abondance. Mais l’Alsacien est aussi bon chrétien, et c’est pour cela que depuis 1570 le vrai, l’unique, le magnifique, l’extraordinaire, l’inégalable marché de Noël de Strasbourg s’appelle Chrinstkindelsmärik (marché du petit Jésus) pour lutter contre le culte des saints (au passage notons que cela nous permet d’évacuer l’increvable Père Noël).

De fait, l’Alsacien se contentait d’acheter au marché de Noël des sapins, des jouets, et sans doute une bonne quantité de bouffe et de vin chaud (Uf ’me volle Büch sitzt e luschtiger Kopf ! comme on dit chez nous – à ventre plein, joyeuse mine !) pendant une période raisonnable (le marché ne durait que 8 jours et fermait à la fin de la messe de minuit) et sur une seule place de la ville. Bref, un marché bon enfant et vite emballé, où on trouvait des sapins de la meilleure qualité à prix raisonnable.

Mais las ! depuis quelques années, cette manifestation commerciale sans prétention a étendu ses tentacules touristiques et néo-libérales dans le monde entier. A Strasbourg même, le marché a envahi tout le centre-ville et dure bien après le 25 décembre (ce qui veut dire que les malheureux commerçants passent Noël à se geler les miches dans leurs baraques mal chauffées. Vive le droit social.). C’est peu de dire qu’on s’y soulève, les cars de touristes débarquent en hordes fournies.

Et las ! l’idée de marché de Noël a essaimé dans des villes où la tradition de Noël n’est qu’une pâle imitation du robuste Noël alsacien (voir ici). C’est ainsi que sur la place des Abbesses à Montmartre de laideronnes baraques se dressent pendant plusieurs semaines, empêchant l’accès au métro au prof pressé qui part fidèlement rejoindre ses étudiants (bon ok je pars toujours au dernier moment, c’est mal), et proposant au chaland des marchandises sans rapport avec Noël (barbe à papa, bijoux de mauvais goût et autres joyeusetés). Ce genre d’imposture n’a de marché de Noël que le nom.

Voyez aussi ce ridicule marché de Noël riquiqui qui tente de se faire une place sur Daley Plaza à Chicago (mais qu’on laisse Picasso tranquille !) et dure 2 mois pleins (aux States le saint commerce se célèbre dans la durée). C’est vrai que le style du gratte-ciel moderniste se marie bien avec les baraques de Hansel et Gretel.

Ce n’est pas que je n’aime pas la mondialisation, ce merveilleux mouvement de l’histoire qui nous rend tous plus heureux, plus épanouis, et nous permet de renouer le lien social grâce à une économie riante, mais en urbanisme des fois l’uniformisation qui accompagne la chose me laisse pour le moins perplexe… En tout cas, j’attends de pied ferme le marché de Noël d’Oulan-Bator.