Des aéroports, lieux de merditude

Perdue au fin fond du terminal 8 C de JFK, je bénéficie d’une vue plongeante sur la queue d’un avion, une prolifique famille indienne aux nombreux enfants HURLANTS, trois hommes d’affaire en pleine discussion sur des tablettes et une grosse femme vêtue de rose fluo. Pleine de la sensation du devoir accompli après avoir raté une correspondance pour cause de retards à La Guardia (sous prétexte qu’il a plu 3 gouttes hier tous les vols étaient retardés) (oui car aux Etats-Unis quand il pleut 10 cm tout déborde) (et ça arrive assez souvent) (mais j’ai déjà vidé ma bile sur le sous-développement chronique de ce pays, je m’en tiendrai donc là), avoir couru comme une dératée pour choper un taxi à 50$ et attraper un nouveau vol à JFK, être restée 30 minutes dans les embouteillages (NYC à 5h mes amis, traffic traffic traffic et après il paraît que le périph est embouteillé) avec un chauffeur portoricain obsédé par mon tshirt Led Zeppelin (ou plutôt mes seins)(inutilité de mes allusions répétées à mon boyfriend) (raaaaah si même les vieux trucs ne marchent plus), avoir raté mon vol, être enfin re-bookée sur un vol qui part dans quatre heures (trois maintenant, heureusement passer la sécurité occupe). Une journée productive donc, qui enrichit quelque peu ma déjà considérable connaissance de ce lieu intermédiaire qu’est l’aéroport.

Où, après des adieux parfois déchirants, le corps s’enfonce dans une atmosphère insipide et flasque ; néons, linos et moquettes râpées, larges fenêtres ouvertes sur de vastes étendues de hangars et de béton, tapis et escaliers roulants, masse inerte de sons indistincts – annonces, musique d’aéroport (précisément), émissions sportives, discussions insignifiantes (peut-on avoir une discussion signifiante dans un aéroport ?) -, gens qui passent, gens qui passent.

Or donc, quand tu passes quelques temps dans les aéroports, voici que tu préfèrerais être quelqu’un d’autre (et pourtant ça ne t’arrive pas souvent, tu es si parfaite COMME TU ES) :

1. Riche

D’abord parce que si t’es riche il y a fort à parier que tu n’aurais pas pris un vol premier prix sur internet avec une correspondance chaude du slip que du coup tu rates en beauté ce qui t’oblige à faire un détour inattendu par Memphis Tennessee, avec quatre petites heures de retard de rien du tout (quand je pense comme on râle contre la SNCF…).

Le riche se rit de ces foultitudes

Le riche se rit de ces foultitudes

Ensuite parce que si t’es riche tu ne vas pas passer deux heures à faire la queue comme un con pour passer la sécurité. Bravo aux Américains en passant : ils font chier le monde entier avec leurs réquisits de fascistes (au sens faible – niveau conversationnel) et leur système de sécurité est le moins efficace au monde. Sans dec j’ai passé moins de temps à passer la sécurité en Inde. EN INDE. Le pays le plus désorganisé du monde. Mais bizarrement ils ont compris que quand il y avait beaucoup de vols il fallait ouvrir plus de check-points. La bêtise organisationnelle de ce pays me fascinera toujours (je parle des Etats-Unis, pas de l’Inde, hein) (quoique l’Inde, l’Inde, ses moustaches…).

Et puis quand t’es riche tu passes tranquillou avec ta black pour t’installer dans un lounge où coulent le lait et le miel au son de la flûte traversière (j’imagine) tandis que la piétaille prolétarienne paie 10$ une bouteille d’eau et trompe l’attente en allant se ravitailler en parfum et clopes au duty-free (NON j’en ai pas ramené cette fois, suprême contrôle de moi-même lié à une situation de carte bleue assez catastrophique). Les salauds à JFK font même payer le wi-fi. Ce qui vous fait rater la primeur de ce texte, car votre servante est d’une ladrerie sans pareille en ce qui concerne les choses de l’internet : internet = GRATUIT, un point c’est tout. Je posterai ça demain, après une nuit sans sommeil et un trajet de retour dans le joyeux RER (finalement j’ai pris le bus, c’est plus long) (pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué?).

2. Amoureux de la laideur

Personnellement je n’ai jamais vu un aéroport BEAU. On en fait des tonnes sur Charles-de-Gaulle (avez-vous déjà réfléchi à cette obsession de donner des noms de personnalités politiques aux aéroports ? et après on s’étonne que les terroristes ciblent les avions ! à mon avis tout cela n’arriverait pas si on leur donnait des noms plus bucoliques genre Reine des prés. enfin ça n’est que mon avis), mais Roissy, comme tous les aéroports du monde, est d’une laideur à réveiller les morts et le Général le premier, homme pourtant d’une laideur peu commune.

Source: Paris vs New York. Notez la laideur du profil du Général.

Source: Paris vs New York.
Notez la laideur du profil du Général.

Océans de béton et de vitres réfléchissantes, les aéroports sont parmi les plus laides verrues de la globalisation. Et qu’on ne me rétorque pas que c’est lié à un utilitarisme contraignant ; les gares c’est pas utilitariste peut-être ? Pourtant la gare de Lyon ou la gare du Nord sont des réjouissances architecturales. Sans parler de celle de Strasbourg, joyau de l’humanité. Mais ne nous énervons point trop contre les architectes, ce sujet de récrimination si facile et si fréquent chez moi – oui les architectes démontrent ici encore qu’ils sont souvent des gros nuls. Nous en resterons là.

Cet univers de fades bétons, de linos beigeasses, de simili cuir dézingué, de platitudes interminables, n’est donc jamais une réjouissance pour l’œil. Et pourtant y a toujours un ou deux débiles en train de photographier leur avion. Quoi de plus banal et de moins intéressant ? Ca fait tellement mal de penser au diaporama familial : alors là c’est notre avion vu de devant, la porte d’embarquement, la queue de l’avion… ALLO quoi (à l’air, plutôt) (huhuhu).

Atmosphère chaleureuse et créative où de nombreux enfants sont conçus

Atmosphère chaleureuse et créative où de nombreux enfants sont conçus. Moi ça me donne plutôt envie de me tirer une balle.

Les seules interruptions oculaires à cette vaste étendue de laideur organisée sont les enseignes commerciales. Bienvenue dans le monde des chaînes internationales de la dépense inutile : enseignes d’avion, de fringues, de café, de cosmétiques. Le seul indice reconnaissable ce sont les vendeurs de journaux (Relay à Paris/ Hudson News à New York). Et cette omniprésence d’HSBC dans les aéroports, bon dieu, mais pourquoi aurais-je envie d’aller me faire arnaquer par une banque chinoise (je ne dis pas ça parce que c’est une banque chinoise, mais parce que c’est une banque) en voyant son nom sur les sas d’embarquement ? Mystère.

N’oublions pas que si tu es un peu sensible de la gorge (allergies, gorge sèche) tu vas passer un mauvais quart d’heure dans cet air conditionné bizarre où on t’interdit d’emporter ta bouteille d’eau car elle pourrait être l’instrument d’un projet terroriste de vaste envergure (des bombes à eau, donc, je ne vois pas autre chose ; mais faut dire qu’envoyées par surprise ça peut faire des dégâts). Et bien sûr comme la bouffe d’aéroport est dégueulasse et hors de prix, tu as tendance à attendre d’être dans l’avion pour avoir de la bouffe d’avion dégueulasse mais GRATUITE (vu le prix du billet j’ai tendance à penser qu’ils auraient les moyens de faire appel à Alain Passard) (mais bizarrement j’aime assez la bouffe d’avion… mon goût impénétrable pour les saveurs dont la fadeur atteint à l’agressivité).

Because l'intelligence est la chose du monde la mieux partagée.

Because l’intelligence est la chose du monde la mieux partagée.

3. Nudiste

En effet, entrer dans l’aéroport n’est pas donné au premier venu : des talents de transformiste sont les bienvenus. Tu vas devoir tout montrer avant de monter dans l’avion. Mieux vaut être à poil, t’auras pas à enlever ta veste, ta montre, ta ceinture, tes chaussures. (Grand moment de joie tout de même, quoique passager, en voyant un juif orthodoxe enlever son chapeau et une femme en burqa montrer son visage pour passer la sécurité) (joie toute perverse, bien sûr, que de voir quelqu’un encore plus emmerdé que toi par ces conneries).

Oh je ne mets plus de soutif, ça sonne au scanner.

Oh je ne mets plus de soutif, ça sonne au scanner.

Pour peu que tu voyages léger, en vétéran des avions, tu vas devoir tout sortir : le liquide, l’ordinateur, l’appareil photo. D’où mon projet d’aborder la prochaine fois le trajet entièrement à poil, avec quelques sacs transparents directement fixés sur la peau. Je n’ai pas encore réglé la question de la température (connerie d’air conditionné des aéroports) mais cela viendra en temps et en heure. De toute façon les officiers qui s’occupent des scanners US se rincent bien l’œil, bande de petits saligauds (ah ouais ils sont encore mieux mes seins sans mon tshirt Led Zeppelin hein ?). Ce qui me fait penser que j’avais promis d’enquêter sur la « randonnue », un concept tout à fait porteur que j’aborderai sans doute un jour si l’on me laisse regagner la France (si l’avion a du retard je bute un chien).

Calme

Oui, le maître mot du voyageur fréquent non blindé de thunes (moi) est le CALME. Sourire, lucidité, zen, et surtout SURTOUT jamais de rendez-vous en sortant de l’avion. Partir est une chose, arriver en est une autre. En attendant, transitons joyeusement.

Emmerdons nos voisins d’avion

Parce que t’es une grande fille, que tu prends l’avion toute seule. Ben tiens prends-toi là dans ta face ton indépendance, car voici venu l’ennemi du voyage pour nous les troufions de la classe éco, les prolétaires de l’aéroplane : ton voisin de siège. L’inconfort n’est certes pas spécifique au coucou des airs ; on pourra donc théoriquement arguer que cette classification s’applique tout autant au train. Je rétorquerai que le train permet de regarder par la fenêtre, et qu’on n’y est pas serrés comme des sardines pendant 8 heures. L’avion, ce bagne du voyageur post-moderne. L’enfer c’est les autres RELOUS.

Je suis d’ailleurs en train de réaliser que mon renoncement récent à l’émir du Q., pour des raisons politiques assez ridicules au fond, me condamne sans doute à passer ma vie en classe économique. Un moment de silence. Merci. Oui, parce que non contente de dilapider mon maigre salaire en fringues, les compagnies aériennes me sucent régulièrement le sang. Voyager et s’habiller, les deux mamelles de l’Emmerderesse.

Voici donc quelques types (masculinisés par pure paresse rédactionnelle, mais il est bien entendu que la femelle peut en la circonstance être aussi reloue que le mâle) des voisins d’avions pour qui doit certainement exister un cercle spécifique des Enfers. JE VOUS EMMERDE. TOUS. SANS EXCEPTION.

Dessin de Eric Shansby, The Washington Post

Dessin de Eric Shansby, The Washington Post

Le mec qui prend de la place. Qu’il soit gros (je n’ai rien contre les personnes grosses, au contraire si je n’étais pas pétrifiée de terreur par les impératifs esthétiques de la société de consommation je me laisserais bien glisser dans une douce rondeur) (néanmoins, les sièges de la classe éco, pensés par d’infâmes capitalistes, ne sont PAS adaptés aux personnes charnues), ou qu’il parle fort et raconte bruyamment sa vie sexuelle à sa voisine en suçant du liquide dans une paille avec fureur et tremblements (i.e. c’est une Américaine), ce voisin va te pourrir la vie. Empiéter sur ton espace vital. Qui est déjà réduit à un volume moindre qu’un cercueil standard. Tremble, monde intérieur !

Le mec qui combat pour conquérir son territoire. Ce type, voisin du type précédent en termes d’emmerdements, n’a néanmoins aucune raison de faire chier le monde. Mais pour une raison lambda, il tente de s’approprier le plus d’espace possible. Saloperie d’Hitler en puissance. Blitzkrieg ou guerre de tranchée ? Le choix stratégique est complexe. Enfin, autant dire que l’accoudoir va devenir l’équivalent de l’Alsace-Moselle pendant les 7 prochaines heures. Et tu ne vas penser qu’à ça. Salauds de capitalistes des compagnies aériennes, infoutus de mettre DEUX accoudoirs entre les sièges.

Le mec amical, mais en fait juste relou comme une locomotive en chaleur. « Amical » dans ce cas veut en faire dire « hyper intrusif » (je précise). Soit qu’il n’ait pas de vie, soit qu’il brûle de vous raconter la sienne, ce type est insupportable. Voire même prêt à prendre votre adresse pour vous draguer minablement / squatter gratuitement chez vous quand il reviendra à Paris / vous soûler de nouvelles inutiles sur facebook (rayez la mention inutile). Bien sûr il ne faut SOUS AUCUN PRETEXTE lui donner une information exacte. Autre parade : faire mine de venir d’un pays dont personne ne comprend la langue (au hasard : la Hongrie) (nan mais sans déconner). Cette astuce peut néanmoins se révéler dangereuse si vous comptiez lire la Recherche du temps perdu (mouhaha). Ne vous reste donc plus qu’à mater The Hobbit en version hongroise (MOUAHAHA).

Le dégueu. Laissez-moi vous dire que le jour une bonne madame probablement affiliée à la manif pour tous, chemisier en soie, serre-tête en velours et tout le toutim, sortit de son sac un coupe ongle et commença tranquillement à opérer (OUI elle se coupait les ongles tranquillement DANS L’AVION mes amis), je dus faire un des plus gros efforts de ma vie pour ne pas gerber. On peut ainsi imaginer plusieurs situations agréables : ton voisin se cure le nez et bouffe ses crottes de nez après les avoir contemplées d’un air rêveur (personnellement je ne fais ça qu’en présence de ma famille ou de Dieu), ton voisin fait de l’aérophagie, ton voisin ne connaît pas le déodorant, ton voisin se nettoie les orteils… Je m’arrête là, je commence à avoir une légère nausée.

Le flippé de l’avion. Blanc comme un linge, les ongles fermement plantés dans les accoudoirs. Sa peur se communique. Au moindre soubresaut tu sais que cette carcasse aérienne sera ton tombeau. Tu penses à Grey’s anatomy, aux types crashés dans les Andes qui ont fini par bouffer le corps de leurs compagnons. Sinon, amis prévoyants, mieux vaut repérer l’emplacement du sac à vomi.

Le méprisant. Coiffé d’un casque intégral et lisant Fukuyama (ouais y a encore des gens qui lisent Fukuyama) (d’un coup ça te fait du bien tu te mets à le mépriser violemment à ton tour), ce prototype toise de haut tes magazines de mode (il faut bien vivre) (en même temps à la fin j’ai toujours envie de tuer quelqu’un, je me demande donc si je ne devrais pas arrêter de m’infliger ça). Mieux, il fait mine de ne pas te voir ni t’entendre quand tu lui demandes de se lever pour aller pisser. Résultat tu finis par appeler l’hôtesse et t’as l’air bien con.

TU VAS PAYER petit malappris

TU VAS PAYER petit malappris

Les enfants. Surtout sur le siège derrière toi. Surtout les petits malappris qui adorent donner des coups de pied dans le siège devant eux. Surtout leurs connards de parents qui n’en ont rien à branler. Finissons en apothéose : l’envie d’infanticide te tient éveillée durant tout le voyage. Et tu finis par te demander si tu es normale.

Bref, j’attends avec impatience le jour béni où nous pourrons tous voyager cryogénisés dans des capsules. Parce qu’en attendant y a des putain de baffes qui se perdent.