De la Méditerranée

Il va falloir, chers lecteurs régler, une fois pour toutes le sort de la Méditerranée (un T deux R un R, ce qui est totalement contre-intuitif, avouons-le) (et t’expose parfois au ridicule lorsque tu échanges avec quelque spécialiste de la région) (le spécialiste de la Méditerranée donc, ne commet point de telles fautes d’orthographe et se nourrit à la mamelle de Fernand Braudel, un homme de bien mais qui a un peu fait de la géographie de sous-développé si vous voulez mon avis) (oui je sais, pas vraiment en fait) (dans le doute donnons-le quand même).

Méditerranée, donc, aux îles d’or ensoleillées, au rivage sans nuage et tout ça. Vu du Nord, voilà qui est aussi rutilant que l’émeraude du maharadja de Gopal. De ces beaux lieux où l’oranger / naquit pour nous dédommager / du péché d’Ève.

Tel un lapin aveuglé par la lueur des phares, ou un lourd bœuf au joug qui voit au loin danser d’aériens destriers, le ci-devant rhénan, i.e. la lonesome emmerdeuse (dont les racines, ne l’oublions pas, sont strasbourgeoises, un pied dans le Rhin, un pied dans le vin), se fascine pour ce monde de soleil, de langage qui coule, de lait et de miel et de simplicité légère. Et trouve absolument charmant ce pittoresque, ces sentiments exacerbés et l’esthétique marmoréenne des temples anciens qui murmurent la langue des dieux (on se demande pourquoi la lonesome emmerdeuse adore Stendhal) (on se répète on se répète mais on s’en fout) En vrai, les temples étaient barbouillés de couleurs, et les prêtres devaient gueuler à l’envi comme des brebis à l’abattoir (en contexte, le méditerranéen s’exprime assez bruyamment). Mais ce n’est pas la question. Ce qu’il faudrait saisir (et qui est un peu rude à admettre pour l’ego) c’est que la Méditerranée c’est CONCEPT. Pas comme la Rhénanitude (mouahaha) qui est juste un gros ruban sombre et froid de défilés rocheux et de blondes filant à califourchon sur des cerfs dans d’obscures forêts de sapins.

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Toute de candide gogolitude, la lonesome emmerdeuse ne prétend nullement embrasser de façon scientifique le concept de Méditerranée, qui nécessiterait de se crever les yeux dans un tas de vieux bouquins, ce qui n’est absolument pas son genre. La lonesome emmerdeuse VIT le concept, enfin tu vois quoi, nan mais Platon mais à quoi tu sers, allô mec. Et Kant avec d’ailleurs.

En bonne géographe qui regarde les surfaces, les lignes et les points, elle se contente de constater l’évidence : la Méditerranée est un cercle (kind of, quoi) (on va pas pinailler pour si peu). Au bord du cerceau, on sait ce que c’est que tourner depuis Mathusalem, Agamemnon et Gilgamesh.

C’est pour ça qu’eux (les Méditerranéens) n’ont pas besoin de se branler la nouille avec la théorie de l’éternel retour (Nietzsche, ce rhénan terrible) ; ils le savent bien, que la vie n’est pas une ligne droite, que la route finit toujours par se mordre la queue. Pourquoi se presser? On sait toujours qu’on finira par arriver au même endroit ; le temps, alors, n’a plus la même valeur. Nous, au bord du Fleuve, dans nos forêts toute parallèles, nous rêvons de lignes droites et d’autres horizons, nous nous dépêchons pour les atteindre mais nous n’y arrivons jamais. Nous sommes jeunes, ponctuels. Nous avons peur de mourir alors nous sommes discrets pour ne pas que la mort nous repère. Nous sommes les héritiers de Lorelei: la triste blonde, la fille blonde, qui se jette du haut de la roche dans la ligne droite argentée, où le courant ne s’arrête jamais de promettre un ailleurs qui n’arrive pas.

helice15Eux, les Méditerranéens, ce sont les fils d’Ulysse, ils ne sont pas sur la rive, ils sont sur la mer et ils savent que l’important c’est le retour ; ils se fracassent sur des rochers mais contre leur volonté : Charybde et Scylla sont des chiennes qui ralentissent parfois le circuit, mais ne l’arrêtent pas. La mer n’est pas un mystère, la vie idéale serait immobile. Le temps n’est pas important.

En même temps, ils parlent quand même vachement fort, et ils s’y connaissent pas trop en fringues (enfin, les meufs). Et puis quand même, les bus qui sont tellement en retard qu’ils partent en avance, ça vous perturbe un sapin.

En direct de notre station de correspondance spéciale, un îlot paumé dont on vous parlera prochainement si on a envie, na. Lapins et mégalithes en pagaille.

Sinon, c’est la gay pride à Paris, à ce qu’il paraît. Pridez bien sous la pluie les amis, la lonesome emmerdeuse bronze quelques jours en pridant sa thèse.

Because Istanbul

Ceci est un compte-rendu partiel et totalement partial des meilleures vacances de la vie de la Lonesome Emmerdeuse (parce qu’il paraît qu’elle est plus emmerdeuse que camionneuse) (mais ça va, ça ne la dérange pas trop). Il ne sera donc point question d’islamisation, de problèmes de digestion dus à l’abus de viandes grillées ou de queue par 30° à l’ombre. Accompagnée des Quatre Bombasses, Melle Adorable, Melle Classe Internationale, Melle Cœur d’Or et Melle Sourire de Madone, l’Emmerdeuse ne s’est point emmerdée. Point une seconde. Que ses amies soient bénies. Et Istanbul aussi. Parce que, laissez-moi vous le dire, BECAUSE ISTANBUL en effet.

Et parce que la poésie est mère de toute chose, disons-le en rimes.

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Istan-déroule

Le tapis de la ville à l’infini, qui s’en va partout en désordre sur les collines les pentes d’Asie et d’Europe on ne sait plus et on s’en fout, les tapis rouges et multicolores, les kilims mais aussi les citernes romaines sous les basiliques byzantines les mosaïques sous les enduits sous les mosquées les minarets partout et en bas et en haut, la ville qui descend les pentes et escalade les rues à coups de vigne vierge et de jasmin, les rues qui s’enroulent et se cul-de-sac au pied des chats couchés au soleil qui se battent pour une femelle poilus maigres gras paresseux royaux à l’assaut des arbres les rues des bazars au hasard des boutiques étranges à touristes des épices de l’or du cuivre des narguilés des faïences des faïences magiques des bleus des rouges des verts et les ors des mosaïques byzantines les fontaines du harem les cours du palais des mosquées les pierres dressées des cimetières les sons les sons les sons l’appel du muezzin des minarets partout le coup de corne du ferry les sirènes stridentes la techno turque à fond les ballons les ombres et le soleil le soleil les cafés les terrasses les vendeurs à la sauvette les étudiants les rues fantomatiques la nuit les rues débordantes la nuit. Istan-déroule à l’infini. Istan-déroule le monde.

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Istan-foule

Hélas, il faut verser dans le cliché car on ne peut pas le dire autrement : Istanbul est un mélange d’Orient et d’Occident, de langueur et de vivacité, d’ordre et de foutoir, de tchadors et de minishorts, de monster trucks et de dos d’âne, de barquettes et de supertankers, de tours et de bow-windows en ruine, et de plein de choses encore qu’il serait trop long d’énumérer car la Lonesome Emmerdeuse n’est pas Prévert non plus, mais en tout cas ça dépote sa mère. Précisons d’ailleurs immédiatement le sens de cette expression, car la génitrice de Lonesome lui a fait récemment remarquer que quand même, le Larousse avait une plus stricte définition du mot « dépoter », à savoir « ◾Retirer une plante de son pot pour la placer dans un autre ou la mettre en pleine terre. ◾Décharger un conteneur maritime des lots de marchandises qu’il contient. ◾Vider ou transférer le contenu d’un réservoir, et notamment d’un wagon ou d’un camion-citerne. » Merci pour cette mise au point : il est tout d’abord évident qu’Istanbul dépote au sens premier, car de Constantinople à Atatürk en passant par Byzance, le rempotage a de beaux jours devant lui. De ça à ça en passant par ça (merci au Duc de Guise, toujours avide de reconnaissance sociale et de se la péter qu’il connaît la musique). Ensuite, précisons que dans l’idiome relâché de ce blog rimbaldien plein de sympathiques idiosyncrasies langagières, « ça dépote » est l’exact synonyme de « grosse boulasse intergalactique ». Istanbul, foule de trucs cools.

Istan-saoule

Hélas, l’alcool est cher à Istanbul. Le cœur de l’Emmerdeuse pleure à cette constatation : la limonade est plus abordable que la vinasse, que les Turcs fabriquent pourtant avec grande honnêteté. Enfin, les köfte, les tripes de mouton et moules farcies, les kebabs, poissons grillés, baklavas, loukoums, épices épices et épices encore sont une satisfaction calorique tout à fait satisfaisante. Et les fruits séchés !!! AAAAAAAAAH. Le régime commence demain.

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Istan-maboul,  Istan-bouge ton boule, Istan-cool

Chers amis étonnés, sachez qu’Istanbul, loin d’être la ringarde perle de l’Orient, est le top de la hype. Les boutiques de Montmartre peuvent aller se rhabiller, voire les bars de Ménilmontant. Y a du level de branchitude, je vous dis que ça. Les Quatre Bombasses, traînant à leur suite la Lonesome Emmerdeuse, ringarde à son corps défendant mais qui a toujours un mal fou à surmonter Shakira, ont fait la conquête des rooftops de ouf, des boîtes qui déchirent, des boutiques trop mimi (de ces CHAUSSURES !!! hélas pour son compte en banque, Lonesome a dû renoncer à ces escarpins rouges plus inspirants qu’un poème de Baudelaire). L’urbaniste de service se retient de faire un couplet pontifiant sur la gentrification, mais enfin on s’en fout, venez bougez votre boule to the risen of the music, et vive Galata et Taksim, les mariées dans les bars, les bouées accrochées aux néons, la fête et la dolce vita.

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Istan-pool

L’eau l’eau l’eau est là partout (à l’eau, comme dirait Nabila), dans les fontaines le Bosphore les mers la ria les bains turcs. Après le ferry vers les îles aux Princes, les Princesses ont même plongé un orteil dans la Mer de Marmara. Et se sont laissées couler dans les piscines du hammam de Sinan, le grand architecte du 17ème (oui, culture et bulles de savon et on se croirait dans un tableau d’Ingres). Istan-bain, s’y baigner et s’y noyer.

Y revenir, en tout cas.

Because Istanbul. Je vous l’avais bien dit.