Le poil, sujet torturant s’il en est – piquant ou soyeux, il est le meilleur ami du bourreau chinois raffiné – revient s’imposer à nous en ces temps difficiles. En effet, le poil au menton, fierté fugace de l’adolescent traversant la puberté pour devenir un homme, un vrai, un gars qui pique, picole et regarde du porno, nous confronte également à des questions d’hygiène et de sécurité non négligeables. La mode a ses mystères, et la volonté de Dieu est impénétrable : wtf le come back de la barbe de Félix Faure, de Fidel Castro, du Père Noël et des hippies, celle qui fait trente centimètres de long, plus fournie qu’une touffe de brocolis (j’ai été récemment confrontée à la vision d’une touffe de brocolis en pleine nature, légume assez dégueu au demeurant, eh bien c’est un spectacle déplorable qui devrait être interdit aux enfants)?

Que fait la police?
Comment les honnêtes citoyens ne seraient-ils pas effrayés de sortir dans la rue s’ils s’exposent à croiser cet indécent spectacle? Pour compliquer l’affaire, la barbe fait kiffer le hipster et le salafiste : dès lors, quand tu croises un homme vêtu d’une chemise informe, d’une casquette blanche, de claquettes de piscines et doté d’un organe barbu imposant, tu es saisie d’une désagréable tension. Que faire en effet ? Hurler à la gentrification de ton quartier, appeler les flics pour une perquisition histoire qu’ils profitent un peu de l’état d’urgence pour emmerder tous les suspects d’islamisme à vue de nez (nez qui surplombe de peu cette masse de poils en furie), tirer sur la barbe de l’individu pour tester la fiabilité de l’objet (le postiche n’est jamais une hypothèse à écarter) ? Le doute s’installe.
En effet, il ne faut pas hésiter un seul instant, une telle insulte à l’esthétique et à l’ordre doit être combattue avec toute la vigueur nécessaire : dépilation faciale totale au laser pour tout le monde et qu’on n’en parle plus. Au début tu crois que c’est inoffensif, que ce gros toupet poilu n’est qu’une manifestation de glande de plus de la part de ton mec qui envisage sérieusement de cesser de se laver plutôt que de bouger son gros cul, tout en lui permettant de se croire à la mode, mais plus on creuse la chose, plus l’esprit bute devant cette pousse anarchique. D’abord, passons sur l’aspect confort de la chose : sans doute la barbe peut-elle conférer quelque repos à l’usage quotidien du rasoir du côté du barbu, mais qu’en est-il du côté du barbé ? (vocable pertinent s’il en est). Je remercie le ciel de n’avoir jamais été confrontée à la perspective de rouler une pelle à un barbu : bonjour la tarte aux poils ! Déjà que la fellation n’est pas un don du ciel, si on doit en plus se taper les inconvénients du cunnilingus, où allons-nous ? Un poil sur la langue à CHAQUE FOIS que tu embrasses ton mec ? Non.
Et que se cache-t-il dans ces broussailles impénétrables ? Peut-on croire que le pou, la miette, la goutte de vin, le ketchup, ne laissent pas de traces dans ce douteux appendice ? On voit même émerger de douteuses modes de décoration de la barbe, qui certes aident à discerner le hipster du djihadiste potentiel (peut-être un détail à signaler à notre gouvernement pour l’aider dans sa lutte?). Mais là, sommes-nous de taille face à un tel cataclysme esthétique? Après Carlos tout nu et tout bronzé, pouvons-nous encore encaisser cette déferlante maniaque? La résistance s’épuise, les nerfs parfois lâchent.

Les barbes glitter. Oui. Les barbes glitter.
Nid à germes infâmes, la barbe me fait désormais dégainer mon spray de javel sans attendre – il appert que je serais en train de devenir maniaque de la propreté avec l’âge (même si je hais toujours le ménage, chacun ses contradictions). Et que dire, QUE DIRE, du barbu qui VA A LA PISCINE ? Hein ? Non mais ouais, toi en tant que femme tu dois t’épiler la chatte un peu échancrée pour ne pas que ça dépasse du maillot (souffrance, souffrance, souffrance), on se fout un bonnet de bain ridicule qui nous donne une tête de gland mais le barbu, lui, trempe sa barbe dégueu dans l’eau municipale. Scandale.

Le bonnet de bain à barbe, ce fail. Une seule solution: l’épilation.
Les ressorts psychanalytiques d’une telle pratique sont sombres : quelque part, le barbu n’a pas vraiment envie d’être embrassé. Suscitant ainsi sa propre frustration, il est vite bouillant comme une cocotte minute, et on sait où tout ça finit : en Syrie ou aux puces de Montreuil. Triste destin. En outre, envisageons le cas où l’homme tente de se laisser pousser la barbe mais où celle-ci ne pousse que par plaques clairsemées, car nous ne sommes pas tous doués pileusement de la même abondance (hélas) : frustration encore, frustration ! Quel hipster digne de ce nom peut-il arborer une maigre barbiche plus proche d’une barbiche de chèvre ? Bref, le barbu cherche dans sa barbe un signe tangible de virilité qu’il rejette en même temps. Ça est compliqué. Un problème avec sa mère, à n’en pas douter. En même temps, le barbu a l’air attaché à son toupet : témoin, Corbier, artiste fauché en pleine gloire par son rasage impromptu.
"Il n'y a plus de consensus ni de Cuba sans cacao"
En tout cas James Bond, lui, il a pas besoin de barbe pour niquer les méchants et sauver la blonde. À bon entendeur.
C’est la folie mais la mode
berk les barbapoux ;-) https://oliwp.wordpress.com/2015/11/18/lettre-aux-daechois-et-daechoises-de-michel-hazanavicius-realisateur-de-the-artist-et-mon-analyse-berurieenne/