Des salles d’attente médicales

Parce que nous y avons tous passé quelques heures de nos vies en craignant d’être atteints de la peste bubonique ou d’une rage de dents, d’avoir encore perdu 2/10ème de dioptrie ou d’être enceinte de John Doe, musicien et marié. Ainsi, le léger stress lié à la situation – se retrouver à oilpé devant un être ayant plein pouvoir de vie et de mort sur vous (« vous avez une tumeur mais ce n’est pas grave du tout hahahaha » « oui docteur » (en vérité tu ne le crois pas une seconde que c’est pas grave, mais t’oses pas demander COMMENT c’est Dieu possible d’avoir une TUMEUR mais PAS GRAVE, donc non seulement t’as toujours l’impression d’être au bord de la mort, mais conne) ). Bref, quand t’arrives dans la salle d’attente t’es vaguement nerveux, ce qui n’aide pas à calmer le jeu.

Premier réflexe, alors que tu arrives pile à l’heure pour ton rendez-vous, un petit check général des gens déjà installés dans la salle : après les avoir comptés en scrède, tu les divises par le nombre de médecins du cabinet, multipliés par la durée moyenne d’une consultation puissance l’âge du capitaine. Bon. Il va falloir prendre son mal en patience : selon ces calculs précis, il y a fort à parier que tu vas te taper une bonne quarantaine de minutes d’attente sur ta chaise inconfortable. Inch’Allah que tu as prévu le coup et évité de prendre un rendez-vous de boulot dans les deux heures suivant l’horaire initialement prévu, sinon ta promotion c’est pas pour demain. En méditant tristement ce destin qui permet aux médecins d’être en retard alors que toi quand t’as cours à 8 heures à l’autre bout du 9-3 c’est marche ou crève et en plus tout le monde te prend pour un fainéant magistral, tu prends subitement conscience que, comme ton médecin n’est évidemment pas conventionné, tu vas payer à peu près UN EURO TA MINUTE D’ATTENTE après l’heure du rendez-vous (que tu as mis trois mois à obtenir). Non pas que je ne compatisse pas aux contraintes des médecins, mais bizarrement y en a qui arrivent parfaitement à te prendre à l’heure, ou du moins après le quart d’heure parisien de rigueur… JDCJDR.

Dès lors, il s’agit de toujours avoir à portée de main de la lecture instructive : en effet, tu ne vas pas passer ce temps d’attente à contempler en détail les posters détaillés de l’intérieur d’un vagin et d’un pénis qui ornent les murs, ni ne peux compter sur le stock de magazines mis aimablement à disposition par le praticien : d’abord parce que les ¾ sont de droite (ce qui permet de faire le tri : quand je vois Le Point je change de toubib), sans parler des ignominieuses idées diffusées par les magazines féminins ; de plus, comme ils datent généralement de 2013 (les autres ont été volés ? gardés en otage par la famille du médecin ? nous n’en sauront pas plus), ils n’ont aucun intérêt informatif. Bon à savoir, la prose facile et délassante de Paris Match est hélas peu présente car le facteur garde le magazine une fois sur deux : de guerre lasse, la majorité des médecins se désabonnent. En attendant on ne sait toujours pas ce qui est arrivé à Albert de Monaco.

Partageons ce moment de gaieté et d'espoir.

Partageons ce moment de gaieté et d’espoir.

Le pire, c’est ce moment d’espoir quand les deux personnes devant toi sont passées, ENFIN ton médecin ouvre la porte, tu te lèves, piaffante d’impatience, un grand sourire sur la gueule (toujours sourire à son médecin, on ne sait jamais, tumeur gentille, tumeur bisounours) mais NON en fait c’est le tour de Monsieur Machin, un sacripant qui avait bien calculé son coup et qui était arrivé en retard pour tenir compte du retard habituel du médecin. Malin et vicieux ; toi-même, avec ton pathétique respect des conventions sociales tu n’oserais jamais faire un truc aussi couillu. Ton estime de soi en prend un grand coup. Tu mets Enrique Iglesias à fond sur ton aïepoud et ta voisine te regarde d’un air désapprobateur. Eh quoi la vieille, qu’est-ce que t’en as à foutre que je finisse sourde, telle une tumeur géante ? Prends-moi dans mes rêves Enrique, j’ai besoin de me détendre (OUI je sais qu’il est homo, merci bien, bande de sans-cœurs).

Hélas, la composition de la salle est un autre sujet d’angoisse. En majorité composée de vieux personnes âgées (soyons politiquement corrects) et d’enfants morveux occupés à déposer de la bave contaminée par la rougeole bubonique sur tous les objets à leur portée et surtout SUR TOI, tandis que leur mère (pour le père on repassera) leur dit faiblement « laisse la dame tranquille Antoinette » (ouais, les médecins que je fréquente crèchent dans un quartier bobo, on a tous ses faiblesses), ce qui a pour effet de déchaîner encore plus l’enthousiasme de l’enfant à qui on passe tous ses caprices parce qu’ « elle a mal vous comprenez ». Mais moi aussi chère madame, et ce n’est pas pour autant que je soutiens votre attitude LAXISTE d’autant que j’ai sans doute la peste et que je vais mourir dans d’atroces souffrances, alors son petit rhume tu sais où je me le mets. La bonne réplique (toujours garder son calme bien entendu) est bien entendu d’expliquer avec un grand sourire que « c’est surtout pour vous, j’attends des résultats d’analyse pour la rubéole ». La mère s’empare aussitôt de son bambin, effarouchée, en te regardant d’un air noir de reproches – eh ouais moi je l’ai eue la rubéole quand j’étais gamine, et je peux te dire que j’avais tellement mal que j’allais pas faire ièch les dames élégantes de la salle d’attente en pissant sur leurs magnifiques boots. D’ailleurs moi je respectais les gens. Je les respecte toujours d’ailleurs, vachement.

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Ces nuisances sont particulièrement gênantes dans le cas particulier de la salle d’attente du psy où déjà t’as pas trop envie de voir quelqu’un d’autre parce que vu le transfert massif que tu fais sur ton thérapeute il est HORS DE QUESTION d’imaginer qu’il traite d’autres patients. Ne parlons pas de la peur vague qui exsude de l’ethos de tes voisins : celui-là, quelle névrose ? Et celle-là, une psychose, je suis sûre. Aaaaaaah ne me touche pas je suis sûre que c’est contagieux. Merde ça y est je deviens parano. Je suis folle. C’est la schizophrénie c’est sûr. La névrose obsessionnelle c’était trop facile, trop attendu. Mais j’y crois pas que mon psy traite des adolescents qui se peignent les ongles en noir, so 90s quoi. Ah, encore une mère abusive, pauvre gosse on va lui faire dessiner ses parents je suis sûre qu’il va gribouiller un corps en décomposition ; ne soyons pas dans le jugement, moi aussi je vais complètement rater l’éducation de mes enfants. Mais veux-je des enfants ? Oui, mais bien élevés. Merde, je suis control freak. Internez-moi.

Enrique, sauve-moi !

3 réflexions sur “Des salles d’attente médicales

  1. J’ai bien ri. C’est exactement ça ! Surtout pour le gosse morveux à souhait qui d’habitude ne touche jamais à tout mais qui pour une fois veut bien faire une exception. Ça me rappelle un article que j’avais fait il y a un moment sur la place d’une personne saine dans une salle d’attente. Même combat ! http://wp.me/p3j9KO-1q

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