Encore un bienheureux sujet de société dans la lignée philosophique de la courageuse prise de position de la Lonesome Camionneuse en faveur de la corrida : nos amies les bêtes. Qu’on ne taxe néanmoins pas ce blogue de Brigitte-Bardotisme, aimer les bêtes c’est aussi lire Georges Bataille et son histoire de testicule de taureau sur laquelle nous n’épiloguerons point ici car un jeune public innocent pourrait s’y être égaré. Enfin, disons tout de go que c’est autre chose que cette pâlotte œuvre au rabais de Fifty shades of Grey dont on nous rebat les esgourdes. Et pas même besoin de boules de geisha : tout est dans la nature (il y est aussi question d’assiettes de lait et d’œufs mollets si la mémoire ne nous fait pas défaut). Bref, nous sommes d’une humeur plus Jean-de-la-Fontainesque ce jourd’hui, et nous servirons des animaux pour instruire les hommes (« J’entends le loup, le renard et la belette, j’entends le loup et le renard chanter ») (« Le chat de la voisine, qui mange la bonne cuisine et fait ses gros ronrons sur un bel édredon dondon »).
Pourquoi disserter ainsi à tort et travers comme d’habitude me direz-vous bande de petits salopiauds ingrats du bulbe que la Lonesome Camionneuse cultive néanmoins avec amour ? Parce qu’hier, à l’improviste dans les rues de Montmartre que LC arpente au volant du Monster truck, plusieurs configurations de domesticité animale ont croisé son œil acéré quand elle ne se prend pas des lampadaires dans la gueule parce qu’elle est en train d’écrire des textos en marchant mais c’est une autre histoire : un labrador dressé devant son maître sur un SCOOTER, puis un chat debout sur le dos de son compagnon sur un VÉLO. Passée la première réaction Nabilesque que nous avons décidé d’éviter maintenant et que nous formulerons ainsi : « mais comment donc ? vous possédez un vélomoteur et n’y transportez point de chien ? mais enfin, bien le bonjour madame ! », le dilemme philosophique est le suivant : pourquoi, au nom de tous les saints, risquer la vie des automobilistes en embarquant ainsi un animal dans un véhicule? Qu’on emprisonne céans ces larrons du guidon!
Excursus éthologie car en son temps, LC s’est enfilé des volumes entiers sur ces questions du comportement animal, vu que le prétendant à l’émirat du Q. fut longtemps un philosophe versé dans les singeries, et croyez bien que le gorille n’est pas celui qu’on croit. Enfin, vous aurez noté que le terme usité pour désigner la relation homme-chien (maître) est consubstantiellement différent du terme usité pour qualifier le rapport homme-chat (compagnon). C’est que le chien est un animal de meute, un animal de hiérarchie : quelle que soit la force de ses mâchoires, ce canidé vous respectera sa vie durant car vous êtes son chef de meute, son maître, son alpha. Pas le style à être choqué si Darth Vador lui dit je suis ton père, le chien est un béni-oui-oui, le genre de type qui se sacrifie pour son chef, même si c’est Hitler. Le chat, lui, est un adepte du free choice, de l’indépendance, un vrai bouillon de féministe à lui tout seul. S’il reste, c’est que tu lui files de la bonne pâtée, mais c’est un être circonspect qui fera passer son kif de la vibe avant toute chose. Ceci dit, l’animal le plus fantastique reste quand même la tique, mais allez donc lire Jakob von Uexküll, on ne voudrait pas vous gâcher la découverte, hu hu hu (capable d’attendre des années dans une fougère de renifler une goutte de sang dans les parages pour se jeter sur sa proie, la tique est IMPITOYABLE. Je ne vous dis que ça).
Vous aurez aisément déduit du paragraphe précédent, chers lecteurs, que la Lonesome Camionneuse est ce que l’on nomme dans le jargon de la première puissance mondiale a cat person. Elle fait donc partie des Élus. D’abord, parce qu’elle a vécu son adolescence entouré de chats fort aimables et baptisés par elle de patronymes littéraires de bon aloi. Ensuite, parce qu’un chat ça pue pas (et un chapon cha pond pas, mais c’est une autre histoire). Enfin, parce que le chat, non content d’incarner une attitude métaphoriquement féministe, nous montre la voie du salut : dormir au soleil, et bouffer du foie gras, du saumon fumé et du fromage, puis retourner dormir au soleil. Et en plus Baudelaire a écrit des vers pas dégueu sur ce petit animal. Que dire sinon What else ?
C’est l’esprit familier du lieu; Il juge, il préside, il inspire Toutes choses dans son empire; Peut-être est-il fée, est-il dieu?Sans compter les nombreuses blagues possibles autour du thème de la couleur des poils de la chatte de la voisine. La finesse n’est pas toujours au rendez-vous, mais le gondolage si (surtout si vous imaginez qu’elle est tricolore. La chatte de la voisine) (fun fact : seules les chattes ont des poils tricolores. Pas les chats).
Qu’on ne croie pas néanmoins que la Lonesome Camionneuse soit fan en quelque manière que ce soit de la lamentable mode des LOLcats (ou encore : chats qui font rire aux éclats sur l’internet du degré zéro de l’humour intergalactique). Laissons leur noblesse à ces animaux. Non, c’est seule dans l’intimité de la cabine du Monster truck qu’elle se laisse aller exceptionnellement à un oooooooh trop chouuuuuuuuuuu qui s’explique par un trop-plein de sensibilité mal venu. Elle se rattrape en allant tabasser à coups de bottes de motarde quelque citoyen contrevenant à la législation sur le ramassage des excréments animaux.
Qu’on ne croie pas non plus que la Lonesome Camionneuse n’aime pas les chiens. Seulement, ces pauvres bêtes sont souvent un peu malodorantes de la gueule. En outre, LC a un souvenir plutôt funeste du chien de la voisine d’en face de son immeuble new-yorkais (avec vue sur Central Park hu hu hu mais ne pleurons point trop notre glorieux passé), un bouledogue obèse surnommé Gorbatchov dont le passe-temps favori consistait à consteller la cage d’escalier de poils. Pourquoi Gorbatchov, alors que son air renfrogné aurait plutôt appelé un Brejnev, voire un Goebbels bien couillu ? (LC est si forte à atteindre le point Godwin qu’elle s’admire elle-même). Pourquoi Gorbatchov surtout, alors que sa maîtresse, originaire de Floride et donc les tenues ne descendaient jamais sous le ras du croupion, avait une culture générale de la taille d’un tubercule avorton ? La pérestroïka aurait-elle fait forte impression sur elle ? Etait-ce un vibrant manifeste anti-communiste ou un hommage au Politburo ? Le KGB devrait être un peu plus vigilant.
Enfin, tout cela pour poser donc cette philosophique question : maintenant que nous n’avons plus besoin de courser le cerf en chevauchant un bidet derrière une meute de beagles, pourquoi nous entourer de créatures poilues au milieu de nos cavernes d’acier ?
La solitude, la solitude de la cabine des Monster trucks de l’immense autoroute du monde postmoderne, mes pauvres amis. Une petite boule de fourrure jamais n’abolira l’amour de son prochain, mais c’est une bonne façon de ne pas sombrer dans la drogue. C’est pour ça que la Lonesome fait collection de peluches : fourrure à gogo, mais pas besoin de pâtée qui pue. Ni de stress de finir bouffée par ses chats.
La vie est pleine d’aventures.