Taxonomie anthropologique, terrasse, café, Paris.

La terrasse de café, cette évidence parisienne, ce Graal de la lutte pour la place au soleil mais pas trop sinon tu grilles, ce montre-moi je te cache, m’as-tu-vu et bouge de là, demandes en mariage, annonces de fin du monde, polémiques pour de rire et fractures abyssales, poste d’observation et havre d’anonymat, les chaises cannées qui font des traces quand on est en minijupe, héler le serveur et ergoter sur le changement climatique, retour du lait-fraise et permanence du mojito, petit cassis et diabolo, les bocks et la limonade, les tilleuls verts sous la promenade, minutes de vacance volées, alcooliques et caféinés. Bref, au moindre rayon de soleil, le Parisien squatte au soleil et tranquille le chat de la boulasse intergalactique.

Bien que votre servante vienne de se prendre une insolation d’importance vu qu’en avril ne te découvre pas d’un fil et que donc elle avait pas mis de chapeau mais un gros gilet et vazy qu’il fait 30 degrés dehors y a plus de saisons ma bonne dame mais oui d’ailleurs moi j’ai des rhumatismes de partout et puis on a eu un mois de mars pourri et, quoi, 2 euros 80 le café mais VOUS VOUS FOUTEZ DE MA GUEULE tu vas voir si je te donne un pourboire ; bref, nonobstant la confusion mentale locale, ne nous laissons pas abattre, vive le soleil, les petites fleurs et les hormones.

De tous temps, les Hommes ont glandé aux terrasses des cafés.

De tous temps, les Gens ont glandé aux terrasses des cafés.

  1. Seuls

Le lecteur. Catégorie bien affirmée des terrasses parisiennes, à la densité croissante autour des 5ème et 6ème arrondissements qui pourtant n’ont plus de littéraires que les oripeaux de jours de lose meilleurs, où les presses universitaires de France n’étaient pas supplantées par un marchand de baskets (vous tous qui faites du sport : je vous méprise, je vous ignore ; et même si y avait pas un marchand de baskets place de la Sorbonne ça ne changerait rien tenez-vous le pour dit, et je m’en fous de votre temps au semi-marathon, bande de masochistes, merci bisous). Le livre a plusieurs usages non exclusifs : attirer l’œil d’une cible amoureuse potentielle – choix crucial de l’ouvrage, tant il va de soi que tu ne pécho pas pareil avec Hegel ou Guillaume Musso ; faire l’asocial en prétextant un désir de culture plus élevé que ceux des âmes vulgaires ; se la péter ; tenter d’aérer son teint de cul tellement t’es pas sorti depuis 6 mois de chez toi pour préparer ton concours ; lire. En ce moment-même, ma voisine de terrasse est une jeune femme enceinte en train de lire un ouvrage intitulé Management du changement. Perplexité.

Le café clope journal. Se décline en lecteur du Figaro, ou du Monde, voire du Parisien (« mieux vaut l’avoir en journal ») (y a encore des pubeux qui en ont derrière la cravate). Il y a TOUJOURS un lecteur du Figaro qui nous attend quelque part. Comme dirait Anna Gavalda. Impavide dans son costume bleu marine, il nous rappelle que l’intelligence française n’est pas morte, et que la fainéantise ne nous aura pas. La France est la partie immuable du journalisme d’investigation sous le saint patronage de Serge Dassault et Matthieu Pigasse. Merci bonsoir.

Le geek. Nouvel avatar des deux types précédents, le geek s’affaire à lire / écrire / écumer les zintèrnettes avec l’ardeur de Julien Sorel lisant le Mémorial de Saint-Hélène. Jetterons-nous la pierre au taré de la tablette, à l’excité du MacBook, au suppôt de Microsoft ? Je crois que la prudence s’impose ici, pensons tout de même que nous ne sommes pas des machines. Laissez vivre les connasses de blogueuses qui viennent épier les gens pour écrire des posts soi-disant sarcastiques, il faut de tout pour faire un monde. Hachetague Tolérance.

  1. Couples (c’est logique)

Le couple potentiel. Ouh que ça sent le date, ouh que ça se cherche, ouh que c’est mignon tout plein. Ouh que… mais ? aïe, ça drague culturel, ça parle opéra synesthésique, avec odeurs et tutti quanti, que, non… ça répond salaire et situation, mais ? IL EST PASSE OÙ RONSARD BORDEL DE QUEUE ?

Le couple d’amis trentenaires. Lunettes de soleil, paire, jeans, marinière, baskets, projets artistiques, évolution professionnelle, divorce.

Le couple jeune apprenti / vieux sage. Parent-enfant, parrain-filleul, prof-élève, que sais-je. Moi ça ne me dérange pas qu’on dise aux enfants qu’il y a « plusieurs Sorbonne » et que « dans un autre coin il y a la Sorbonne de Droit » (WTF ?), mais MERCI de ne pas se moquer de mes chaussures rose fluo. Je vais t’apprendre où qu’elle est la Sorbonne à coups de savate, le vieux. Et toi, le jeune, arrête de rigoler bêtement. LES JEUNES QUI RIGOLENT BÊTEMENT. POURQUOI ?

Le couple d’ados à la sortie du lycée. Ca s’encanaille en terrasse et ça se croit tout permis. Nota bene pour plus tard : prévoir de donner se futurs enfants à l’adolescence. Boutons, clope, iphone, Ray-bans et beuglements (l’ado mâle drague en beuglant, en glapissant dans le suraigu pour les femelles).

  1. Groupes

Les touristes. L’appétence de l’auteur pour les touristes étant connue de tous, nous ne reviendrons pas sur ce douloureux sujet. Abreuvés de visites, ornés de t-shirts éclatants et ombragés de casquettes blanches, ils s’abattent telle une troupe de moineau sur la moindre tablette pour s’abreuver tel un troupeau de mulets après la traversée des Andes. Inutile de préciser qu’ils te piquent sans coup férir la chaise sur laquelle tu avais installé tes pieds en scrède (oui des fois je mets mes pieds sur la chaise en face ; la chair est faible). Mettront 3 heures à passer la commande vu qu’y a pas moyen qu’ils pigent la différence entre une noisette et un cappuccino. Affligeant spectacle.

Le groupe de copines. Rouge à lèvre mat, frange, blouse imprimée, tote bag. Mecs mecs mecs, bébés, massages, projets artistiques, shopping, mecs mecs mecs mecs.

L’insolation revient. Vais aller me tremper la tête dans la baignoire.