Ciels changeants / Changing skies

– Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis? ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère?
– Je n’ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.
– Tes amis?
-Vous vous servez là d’une parole dont le sens m’est resté jusqu’à ce jour inconnu.
– Ta patrie?
– J’ignore sous quelle latitude elle est située.
– La beauté?
– Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle.
– L’or?
– Je le hais comme vous haïssez Dieu.
– Eh! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger?
– J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages!

Baudelaire, « L’étranger », Petits poèmes en prose, I (1869).

Whom do you love more, enigmatic man, tell me? Your father, your mother, your sister or your brother?
– I have no father, nor mother, nor sister, nor brother.
– Your friends?
– You are there using a word whose sense has remained unknown to me until this very day.
– Your homeland?
– I don’t know under what latitude it lays.
– Beauty?
– I would gladly love her, goddess and immortal.
– Gold?
– I hate it as much as you hate God.
– Eh! So what do you love, extraordinary stranger?
– I love the clouds. The passing clouds… over there… over there, the wonderful clouds!
 
Baudelaire, « L’étranger », Petits poèmes en prose, I (1869).

Sunset, Montmartre – Coucher de soleil, Montmartre

C’est un peu embêtant parce que c’est vraiment cliché, galvaudé, battu et rebattu mais enfin quand j’ai vu les murs blancs de l’immeuble en face devenir roses, mais roses… Il a fallu que je prenne une photo de ce ciel du soir qui est en fait l’après-midi (haïssable réduction du jour en novembre), et qui ferait passer la tour Montparnasse pour un kaléidoscope noir-orangé. Donc, un cliché d’un poncif, un poème du soir, ça ne va pas chercher bien loin, mais ça ne fait pas de mal non plus.

That’s slightly annoying, because it’s so clichéd, tarnished, tired and hackneyed but still when I saw the white walls of the building across the street becoming pink, so pink… I had to take a picture of this evening sky that is actually the afternoon (hateful decrease of the day in November), and which would make of the Montparnasse Tower a black-orange kaleidoscope. So, here is a cliché / snapshot of a commonplace, not really going far but it can’t do any harm either.

Bien que déjà, ce soir
L’automne
Laisse aux sentes et aux orées,
Comme des mains dorées,
Lentes, les feuilles choir,
Bien que déjà l’automne,
Ce soir, avec ses bras de vent,
Moissonne,
Sur les rosiers fervents
Les pétales et leur pâleur,
Ne laissons rien de nos deux âmes
Tomber soudain avec ces fleurs.
 
Mais tous les deux, autour des flammes
De l’âtre en or de souvenir,
Mais tous les deux, blottissons-nous,
Les mains au feu et les genoux.

Emile Verhaeren, Les Heures Claires, XXVI, in Les Heures du Soir, 1922.