– Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis? ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère?
– Je n’ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.
– Tes amis?
-Vous vous servez là d’une parole dont le sens m’est resté jusqu’à ce jour inconnu.
– Ta patrie?
– J’ignore sous quelle latitude elle est située.
– La beauté?
– Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle.
– L’or?
– Je le hais comme vous haïssez Dieu.
– Eh! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger?
– J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages!
Baudelaire, « L’étranger », Petits poèmes en prose, I (1869).
Whom do you love more, enigmatic man, tell me? Your father, your mother, your sister or your brother? – I have no father, nor mother, nor sister, nor brother. – Your friends? – You are there using a word whose sense has remained unknown to me until this very day. – Your homeland? – I don’t know under what latitude it lays. – Beauty? – I would gladly love her, goddess and immortal. – Gold? – I hate it as much as you hate God. – Eh! So what do you love, extraordinary stranger? – I love the clouds. The passing clouds… over there… over there, the wonderful clouds! Baudelaire, « L’étranger », Petits poèmes en prose, I (1869).