Cinq trucs déprimants de la rentrée

Parce que bon, tu te dis que tu vas commencer une nouvelle année scolaire mais halte-là malheureuse tu as oublié que le monde t’en veut et que la lose est tenace. Or donc, tu es enseignante-chercheuse thésarde qui a toujours pas fini sa thèse et qui enseigne glorieusement le sens de la vie à des petits de licence (oui parce qu’un petit de licence ça a le droit de voter mais c’est petit) (le problème c’est que ça se la pète un peu parfois parce que ça se croit adulte) (mouahaha, attends un peu, encore 2-3 déconvenues amoureuses, quelques années de précarité et on en reparle). Bref, armée de ta supériorité intellectuelle, tu t’apprêtes à éclairer les masses avec entrain, sauf que :

1. Mon Dieu ils sont nés après la mort de Kurt Cobain ! Bientôt ils ignoreront dans leur chair l’année où la France fut championne du monde de foot et où, jeune bachelière de français, tu faisais gaiement la fête en te croyant la reine du monde. Ô dieux, je préfère me voiler la face devant ma vieillesse ainsi étalée aux yeux du monde.

2. En plus y en a un qui te demande s’il doit t’appeler « Madame ou Mademoiselle », le petit sagouin ! J’ai l’air d’être une vioque avec la bague au doigt ? (OUI hélas) (mais j’en ai pas, de bague au doigt) (pas d’aigreur, pas d’aigreur, reste calme, tu finiras par trouver chaussure à ton pied, même si c’est après 35 ans) (AH PAR TOUS LES SAINTS DU PARADIS QUI SE FONT TENAILLER LES ENTRAILLES). Appelle-moi Madame et un peu de respect pour ma sagesse ancestrale nom d’un prof à barbe blanche.

Mai 68? Je vais t'apprendre ce qu'on faisait en 1793, mon enfant.

Mai 68? Je vais t’apprendre ce qu’on faisait en 1793, mon enfant.

3. L’émergence de l’abîme d’ignorance de ces petits sacripants, certes jeunots mais au ciboulot plus vide que la pub Shalimar, te prend toujours par surprise. Ah ce moment délicieux où un 1ère année d’histoire déclare que la guerre civile partie des campagnes réactionnaires pendant la Révolution française c’est Mai 68, ou qu’un 2ème année de géographie confond député et conseiller général (espérons qu’il ne vote pas) (ou pas) (aaaaaaah). Tu as des envies pulsionnelles de courir tout de go t’enchaîner au portail de la rue de Grenelle pour supplier que des rudiments d’histoire-géographie soient enseignés au lycée. On n’est pas rendus.

4. Après l’été tes amis prennent gentiment de tes nouvelles, et bon soyons francs, t’as pas envie de les leur donner. Après 3 semaines où tu réussis à louvoyer entre les textos et les mails, ils finissent par te coincer à un brunch, et tu craches le morceau en baissant la tête vers ton omelette pour que toute la salle n’entende pas « Ben non j’ai pas fini, toujours en thèse. Et ouais, toujours célibataire ».

Eh ouais, d'abord.

Eh ouais, d’abord.

Ensuite tu respires un grand coup et t’attends que passe : « Mais c’est sûr tu vas trouver t’es trop géniale » (mouarf) (trouver c’est une chose, être trouvée c’en est une autre), « Ca va te tomber dessus quand tu ne t’y attends pas tu vas voir » (donc jamais, puisque quand même tu t’attends plus ou moins à trouver un mec qui veut de toi à 32 ans toutes tes dents, un cerveau, des gros seins et des talons de belle facture) (mais WTF les mecs ??? c’est vrai à la fin !!), « Tu trouveras quelqu’un de bien, t’es une fille géniale » (ouaip, manifestement ça n’a pas marché jusqu’ici mais bon), «Arrête de sortir avec des énarques » (c’est ma faute si j’aime la cravate et le service public ?), « Tu devrais essayer Adopteunmec » (over my dead body), « Je vais te présenter Trucmuche, il serait super ! Bon c’est une personnalité compliquée / fragile mais vous iriez trop bien ensemble » (traduire : il est psychotique mais toi aussi au fond, non ?). Tu avales une bonne bouchée, tu fais un sourire, et tu demandes des nouvelles des enfants. (Et le prochain qui me demande des nouvelles de ma thèse JE LE BUTE. C’est bien clair ?).

Résultat tu deviens de plus en plus misanthrope, tu ne sors plus de chez toi et tu commences à ressembler à une chanson de Goldmann (Elle met du vieux pain sur son balcon, Pour attirer les moineaux les pigeons) (noooostaaaaaalgiiiiiiiiiie).

5. Tous tes potes finissent leur thèse, EUX. Et en plus t’es super contente. Pour eux. Sauf que toi tu t’embourbes et en plus ton ordi tout neuf est mort d’une rupture d’anévrisme avec ton chapitre 3. « Comment, tu n’avais pas fait de sauvegarde ? » s’écrie ton entourage à grands cris. Non. Je suis comme ça moi, j’aime la merde.