Petit cadeau de rentrée : l’émir, un personnage digne d’attention à ajouter sans tarder dans la galaxie de personnages pittoresques et rabelaisiens qui entourent la lonesome camionneuse, guérillera de la jungle urbaine des trentenaires érémitiques mais néanmoins folâtres, et fier double de l’auteur. Qu’il soit donc bien clair (entre vous et moi) que cet émir ne s’ébat que dans les champs piqués de pâquerettes du cerveau de l’auteur de ce texte farfelu (moi, donc) (hu hu hu). Pour garder son identité secrète je me suis contentée de rappeler l’initiale de son beau pays (qu’on n’y voie aucune intention d’y faire un petit allographe de derrière les fagots) (même si avouons-le, la consonance est jolie).
Ah l’émir du Q., qu’il est beau, qu’il est exceptionnel, qu’il est joli. Car sachez-le, l’émir est l’incarnation de l’homme parfait, celui que la lonesome camionneuse va bien finir par dénicher dans son terrier parce que merde il existe bien quelque part (ha ha ha ha ha, mais bien sûr!) (entre nous, mon problème c’est que les hommes parfaits ne m’intéressent pas vraiment… mais ceci est une névrose que je ne développerai pas ici). Jeune demoiselle recherche un mec mortel, donc.
L’émir a un certain nombre de qualités extérieures non négligeables: d’abord il est très riche. Et ça, on dira ce qu’on voudra mais y a pas à tirer un trait sur des pépettes en quantité industrielles qui te permettront de te construire une tente en or massif remplie d’escarpins Roger Vivier et Louboutin, de vestes Chanel et de sacs Dior. Alors oui, nous nous trouvons ici devant une aporie théorétique de la lonesome camionneuse, qui a des attaches politiques assez serrées sur sa gauche (hasta la victoria, siempre!) mais passe son temps à rêver d’une vie de luxe et de consommation des plus scandaleuse. Bon. Ce problème sera résolu en son temps. De toute façon l’émir a quelques petites modifications de détail à accomplir dans son État pétrolier avant de devenir épousable. On organisera des soviets du baril, et possiblement des soviets du baise-en-ville.
Autre avantage appréciable: l’émir suscite la jalousie bien naturelle de la gent masculine. Déjà parce qu’il peut porter une réveil du Tsar de chez Bréguet, et ça c’est de la montre (tous les hommes ont envie d’une belle montre car c’est le seul colifichet qu’il puisse décemment porter sur eux) (bien évidemment l’ultra-snobisme consiste à n’en pas porter) (et c’est bien la position de l’émir) (l’ultra-snobisme est un humanisme, au fond). Et surtout SURTOUT parce qu’il investit son argent dans l’horizon ontologique de la masculinité: le foot. Et je ne veux pas seulement parler du PSG, club qui m’a l’air légèrement sujet à controverse (mais bon, je ne suis pas spécialiste), mais du super club de la mort-qui-tue que y a pas moyen que tu le soutiennes pas parce que je veux dire ils sont de gauche et en plus tu vois ils forment leurs joueurs eux-mêmes et puis quelle science du jeu, je veux parler du BARÇA. Ha ha, ça tire des larmes dans les chaumières! Eh bien ces anarcho-syndicalistes du ballon rond ont cédé au pouvoir de séduction de l’émir (le dollar). C’est dire. Petite remarque de meuf: ce nouveau maillot extérieur vous fait ressembler à des sunset martinis géant, les enfants. Va falloir redresser un peu la stratégie vestimentaire là-dedans!
Physiquement, bien évidemment, l’émir est grand, beau, il sent bon le sable chaud. Comme la lonesome camionneuse, il chevauche son fidèle destrier (plutôt un cheval qu’un dromadaire, quand même, siouplaît) (je prends le scooter, aussi) (pas de Ferrari, c’est trop voyant) (mais je prends les Lamborghini). Il a aussi un léger potentiel de sexitude de soldat du désert, joyeux mélange de l’Omar Sharif de Lawrence d’Arabie (film plus chiant que la pluie, qui n’y tombe d’ailleurs pas souvent, mais que la gent masculine apprécie énormément pour des raisons peu claires), de George Clooney dans Les rois du désert (George for ever), de Kyle MachLachlan dans Dune (ah Dune, ah l’Epice !) et bien évidemment du jeune Brad Pitt de Thelma et Louise (les plus belles fesses masculines de l’histoire du cinéma) (pour le moins). L’âpreté du paysage desséché est l’écrin qui met en valeur ses appas.
Ce n’est pas pour autant un fruste légionnaire à la cervelle de pinson, mais un homme de culture et de sensibilité (il a lu tout Balzac et adore la poésie) (et c’est peut-être un métrosexuel mais on s’en fout, zut !) D’aucunes de mes copines décrient mon goût pour les métrosexuels, mais bon sang QU’EST-CE QUE CA VOUS FAIT ? Les t-shirts roses et la crème hydratante n’ont jamais fait de mal à personne, que je sache ! (laissez-les vivre) Par contre, bien évidemment JAMAIS de jean slim et de mèche. NON NON NON NON ! (au bûcher)
L’émir a une spiritualité de haute volée, qui en fait l’âme sœur de Théodore Monod, et en plus s’il pouvait être protestant ça m’arrangerait bien rapport à mes parents (là j’aurais rapporté le gendre idéal, ha ha ha !) (victoire par KO sur mes sœurs) (même si mes beaufs sont plutôt très bien, je le reconnais). Bon, évidemment, en tant qu’émir du Q. il est peu probable que ce fait se vérifie. En même temps, l’islam est-il un problème tant qu’on a les barils ? Lorsque le billet vert paraît, le cercle de famille applaudit à grands cris (je rigole, HEIN).
L’émir est un être d’engagement. Tel un vulgaire conscrit terrorisé par son sergent instructeur, il se fait volontiers chair à canon pour la lonesome camionneuse. Il faut dire que, semblable au serpent à sonnettes face à une souris blanche, celle-ci l’a vite fait hypnotisé et cloué aux joies de la vie à deux. Cet impénitent playboy s’est rangé des voitures dès qu’il a chaviré pour les yeux bleu lagon gros seins de notre héroïne (alors là, parenthèse: j’ai pas dit que l’émir du Q. avait une quelconque vraisemblance psychologique. C’est un PERSONNAGE. Comprenez-moi bien). Et puis il l’emmène en week-end à la Ferté-sous-Jouarre – on dira ce qu’on veut, la Seine-et-Marne c’est toujours mieux que de parler d’un hypothétique week-end à Rome. Parler c’est bien, kiffer c’est mieux (non, je ne parle pas TOUT LE TEMPS, d’abord). Who cares about the ring, if he’s there for you? (FYI en passant quand même : la lonesome camionneuse aime particulièrement les émeraudes et les saphirs. Et évidemment les solitaires.) Bref, l’émir te fait une place dans sa vie.
Par ailleurs, c’est pas parce que l’émir crèche dans le désert qu’il ignore tout de la hype. Sa personne est tout entière dans la branchitude trans-océanique ; le matin à la dernière expo du PS51 (c’est à New York, bande d’ignares !) (ouais, la Ferté-sous-Jouarre ça va 5 minutes…), le soir à un concert ultra-pointu à la Villette (comme j’ignore tout des concerts ultra-pointus je reste prudemment dans le vague). Et on fait le trajet entre les deux dans le Concorde émiral (pour le retour du Concorde ! Vive la technologie française ! Pour un monopole mondial d’Air France !) En outre, comme il est un peu bouseux quand même (enfin, sableux, pour être tout à fait précise), il n’est pas tout le temps dans le jugement face aux performances lamentables de la lonesome camionneuse en matière de hype et admire même son esprit légèrement décalé. Inutile de préciser néanmoins qu’on ne va pas passer notre temps à D. (capitale du Q.), où la main de la hype n’a JAMAIS mis le pied (je suis formelle).
Et puis, cet homme délicieux fait rire la lonesome camionneuse à ventre déboutonné. Elle se bidonne et c’est l’essentiel (et il y a du baril derrière le bidon). Rire, jusqu’à en pleurer. Le reste, après tout, on s’en fout.
Reste à le trouver, cet être rare. C’est simple, comme dit Alphonse Allais : « Pour la chasse aux lions: vous achetez un tamis et vous allez dans le désert. Là, vous passez tout le désert au tamis. Quand le sable est passé, il reste les lions ». Le destin de la lonesome camionneuse et de l’émir du Q. risque donc bien d’être tragique, scénaristiquement parlant, car il se peut bien qu’ils ne se rencontrent jamais.
Ô monde cruel, ton tamis est bien vermoulu.