Be my dog

Grands moulins, Paris.

« Arrière la muse académique!  Je n’ai que faire de cette vieille bégueule.  J’invoque la muse familière, la citadine, la vivante, pour qu’elle m’aide à chanter les bons chiens, les pauvres chiens, les chiens crottés, ceux-là que chacun écarte, comme pestiférés et pouilleux, excepté le pauvre dont ils sont les associés, et le poëte qui les regarde d’un œil fraternel.

Fi du chien bellâtre, de ce fat quadrupède, danois, king-charles, carlin ou gredin, si enchanté de lui-même qu’il s’élance indiscrètement dans les jambes ou sur les genoux du visiteur, comme s’il était sûr de plaire, turbulent comme un enfant, sot comme une lorette, quelquefois hargneux et insolent comme un domestique!  Fi surtout de ces serpents à quatre pattes, frissonnants et désœuvrés, qu’on nomme levrettes, et qui ne logent même pas dans leur museau pointu assez de flair pour suivre la piste d’un ami, ni dans leur tête aplatie assez d’intelligence pour jouer au domino!

A la niche, tous ces fatigants parasites!

Qu’ils retournent à leur niche soyeuse et capitonnée.  Je chante le chien crotté, le chien pauvre, le chien sans domicile, le chien flâneur, le chien saltimbanque, le chien dont l’instinct, comme celui du pauvre, du bohémien et de l’histrion, est merveilleusement aiguillonné par la nécessité, cette si bonne mère, cette vraie patronne des intelligences!

Je chante les chiens calamiteux, soit ceux qui errent solitaires, dans les ravines sinueuses des immenses villes, soit ceux qui ont dit à l’homme abandonné, avec des yeux clignotants et spirituels : « Prends-moi avec toi, et de nos deux misères nous ferons peut-être une espèce de bonheur!»

(…)

Où vont les chiens, dites-vous, hommes peu attentifs?  Ils vont à leurs affaires.

Rendez-vous d’affaires, rendez-vous d’amour.  A travers la brume, à travers la neige, à travers la crotte, sous la canicule mordante, sous la pluie ruisselante, ils vont, ils viennent, ils trottent, ils passent sous les voitures, excités par les puces, la passion, le besoin ou le devoir.  Comme nous, ils se sont levés de bon matin, et ils cherchent leur vie ou courent à leurs plaisirs.

Il y en a qui couchent dans une ruine de la banlieue et qui viennent, chaque jour, à heure fixe, réclamer la sportule à la porte d’une cuisine du Palais-Royal; d’autres qui accourent, par troupes, de plus de cinq lieues, pour partager le repas que leur a préparé la charité de certaines pucelles sexagénaires, dont le cœur inoccupé s’est donné aux bêtes, parce que les hommes imbéciles n’en veulent plus.

D’autres qui, comme des nègres marrons, affolés d’amour, quittent, à de certains jours, leur département pour venir à la ville, gambader pendant une heure autour d’une belle chienne un peu négligée dans sa toilette mais fière et reconnaissante.

Et ils sont tous très-exacts, sans carnets, sans notes et sans portefeuilles. »

Baudelaire, « Les Bons Chiens », Le spleen de Paris,1869.

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« Away with the academic muse!  I wouldn’t know what to do with that old prude.  I invoke the familiar, the urban, the living muse, so that she might help me to sing of good dogs, poor dogs, filthy dogs, dogs that everyone pushes aside as plague-ridden and mangy, except the poor man whose associates they are, and the poet who looks at them with a brotherly eye.

Fie on the foppish dog, on that four-legged coxcomb, great-dane, spaniel, pug, or setter, so enchanted with himself that he throws himself indiscreetly into the legs or onto the knees of the visitor, as if he were sure to please, as turbulent as a child, as stupid as a shopgirl, sometimes as peevish and insolent as a servant!  Fie especially on those four-pawed serpents, shivering and idle, named greyhounds, and who don’t even have enough sense of smell in their pointy muzzles to follow the track of a friend, nor enough intelligence in their flat heads to play dominoes!

Into the kennel with all of these wearisome parasites!

Let them go back to their silky, padded kennels.  I am singing of the filthy dog, the poor dog, the dog without a home, the loafing dog, the mountebank dog, the dog whose instinct, like that of the poor man, the gypsy, or the actor, is marvelously spurred by necessity, that so good mother, that true patroness of intelligences!

I sing of calamitous dogs, whether those who wander solitary, in the sinuous ravines of immense cities, whether those who said to the abandoned man, with their blinking and intelligent eyes: « Take me with you, and out of our two miseries perhaps we can make a sort of happiness! »

(…)

Where are the dogs going, you say, unattentive men?  They are taking care of their business.

Business meetings, love trysts.  Through the mist, through the snow, through the filth, in the dog days of summer, under the pouring rain, they come, they go, they trot, they run under carriages, excited by fleas, passion, need, or duty.  Like us, they got up early, and they are trying to feed themselves or pursuing their pleasures.

There are some who sleep in a ruined building in the suburbs and who come each day, at a certain hour, to claim alms at the door of a kitchen in the Palais-Royal; others who run, in packs, for more than five leagues, to share the meal prepared for them out of charity by certain sexagenarian virgins, whose unfilled hearts have been given to animals, because imbecilic men no longer want them.

Others who, like fugitive slaves, maddened with love, leave on certain days the countryside to come into the city to gambol for an hour around a beautiful bitch, a little neglectful of her toilette, but proud and grateful.

And they are all very punctual, without notebooks, without memos, and without wallets. »

Baudelaire, The good dogs, translation C. Nilan, 1999.

Animaux / Animals

Tout bien considéré, comme de bien entendu, il va de soi que la ville est aussi un écosystème et qu’elle abrite toute une chaîne alimentaire qui va du cafard (cockroach pour les intimes, un ami qui vous veut du bien) au python échappé dans les égouts qui remontera un jour les canalisations pour vous bouffer le cul pendant que vous lisez tranquillement votre New York Times du dimanche aux toilettes (non ça c’est une légende, comme Godzilla. Mmmmh. Cela dit on ne sait jamais. Nota bene ne pas regarder « Anaconda » avant un petit moment. Un excellent film par ailleurs, qui frise le grand classique. Je l’ai vu deux fois, aux alentours de 2 heures du mat’ sur W9.)

Donc, en théorie, nous autres citadins acceptons l’idée de vivre côte à côte avec un certain nombre de bestioles tant qu’on ne les voit pas trop. De cette sorte de bêtes je vais reparler sous peu.

Mais avant cela faisons un petit tour par la manie des New-Yorkais pour les « pets » (animaux domestiques). Je n’ai pas vu assez de pays pour vous dire si cette tendance dont est nationale quoique Rocky me fasse penser que oui (le mec rencontre quand même sa femme dans une animalerie où elle passe son temps à nourrir les tortues, c’est dire), ou dans le même genre le tintamarre qu’a fait le choix des Obama pour un clebs. Oui les Ricains kiffent les petits compagnons (« petit » prenant tout son sens quand tu croises un bouvier bernois géant dans la rue), et les Manhattanites aussi, sauf qu’eux ils ont des appartements, pas des maisons. Plutôt minus si on va par là. Ce qui n’est pas idéal pour un clébard, fusse-t-il un chihuahua. Et ceux qui ont des grands apparts bossent tellement qu’ils n’ont pas le temps de balader leur corniaud. D’où les célèbres promeneurs de chiens locaux, qui passent leur journée à trimballer cinq roquets pour quelques dollars (enfin ça j’en sais rien, ils sont peut-être très bien payés ! De source sûre, certains rupins allongent plusieurs dizaines d’euros pour que leur toutou puisse bouffer un tartare de bœuf. Quant aux SDF, RMIstes et autres profiteurs smicards, que se plaignent-ils, ils l’ont bien mérité).

Le premier chien de compagnie que j’ai rencontré dans la Grosse Pomme fut le bouledogue de mon ex-voisine, prénommé « Gorbatchov ». A l’énoncé de ce nom plein d’humour j’ai cru un instant que la propriétaire était rigolote et envisagé de lui pardonner d’avoir lâché la bête dans notre appart, ce qui a résulté dans un arrosage copieux de poils sur le parquet. Sentiment magnanime vite effacé par ce rapide dialogue de présentation : « (Me :) We’re both students at Columbia University. – (Her :) How nice ! – Yes, thank you ! Are you a student too ? – NOOOOOO, I’m an adult !! »

GrnblmgrAAAAAAAAAA ! Tu sais ce qu’elle te dit l’étudiante de 30 ans ????????? Espèce de sous-adulte avec ton gros clébard qui bave et qui pue ! Et d’ailleurs il passe son temps à aboyer c’est un scandale ! Tu veux que j’appelle les flics ou quoi ? (cette partie du dialogue est intérieure, j’ai quand même quelques garde-fous de politesse…)

Bref. Tout ça pour dire que je ne comprends pas la nécessité apparente de posséder un animal de compagnie quand on habite un minuscule deux pièces. Sauf dans le cas des chats, parce que les chats c’est gentil, c’est propre et ça mange les souris (je suis moi-même une femme à chats).

Mais revenons à nos moutons, ou plutôt aux cafards, punaises de lit (bedbugs, un autre ami qui vous veut du bien), souris, rats et autres indésirables qui peuplent les immeubles de la glorieuse cité. Nous avions des souris (prenons-le positivement « qui dit souris dit pas de rats »), et notre brave concierge nous avait installé des pièges. Mais des pièges de torture, des pièges à colle, où la malheureuse souris a passé 2 jours à agoniser parce qu’on n’avait pas le courage de la tuer, tâche virile dont le petit ami de ma coloc s’est finalement chargé. Je recommande fortement les pièges à souris pour fille, avec poison, et surtout boîte hermétique permettant de voiler la violence de la mort de la souris.

Les rats sont aussi assez présents, ainsi que leurs cousins à queue, les écureuils qui pullulent dans les parcs. Oh qu’ils sont mignons te dis-tu au début, jusqu’à ce que tu entendes l’histoire de la femelle écureuil enragée qui a mordu un gentil touriste. La faune locale est finalement assez répugnante. Qui veut des bedbugs dans son pieu ? Pourtant, elles infestent les tissus des appartements et même le Met Opera (qui a été dé-punaisé depuis, ouf !) sans distinction de race ou de classe. La vermine est socialiste, voire même anarchiste.  Enfin un peu de gauchisme dans un océan capitaliste !

En ce qui me concerne, le bon voisinage est de rigueur: « Je respecte votre vision de la société, mais je ne souhaite pas pour autant partager votre intimité. Pardonnez mon attitude de connasse intolérante. Mêlez-vous de vos affaires et ne venez pas faire les cons dans mon jardin/ appartement / placard de cuisine / baignoire / lit ».

Ouais. Sauf que, comme le dit Madonna: “I am a survivor. I am like a cockroach; you just can’t get rid of me.”

By Carolita Johnson, http://www.newyorkette.com

All things considered, in a matter of course, it is thus self-evident that the city is also an ecosystem and it shelters a whole food chain going from the cockroach (a well-wisher) to the python escaped in the sewer pipes, who will swim up some day to eat your ass while you’re quietly reading the Sunday New York Times in the toilets (no, that’s a legend just like Godzilla. Mmmmh. That said, you never know. Nota bene don’t watch « Anaconda » for a little while. An excellent movie by the way, a great classic of its kind. I’ve seen it twice, around 2 A.M. on the cable.)

So in theory, we city-dwellers accept the idea of living side by side with some animals as long as we don’t see them. I will come back to this sort of creatures in a little while.

Before that, let’s make a detour through the New Yorkers’ mania for pets. I haven’t travelled enough around the United States to tell you if this tendency is national, but the example of Rocky makes me think that it actually is (the guy really meets his wife in a pet store where she spends most of her time to feed turtles, which is a good demonstration), or else the hubbub around the Obamas’ choice for a dog. Yes, Yankees like their little companions (“little” takes its full meaning when you come across a giant Bernese mountain dog in the street), and so do Manhattanites, except that they live in apartments, not houses. And rather tiny, if you take that line. Which is not ideal for a pooch, be it a Chihuahua. And those who have big apartments work so much that they don’t have time to take out their mongrels for a walk. Hence the famous local“dog walkers”, who spend their day lugging round five tykes for a few dollars (well, I don’t know anything about that, maybe they are very well paid! From a reliable source, some swanks come up with a few tens of euros so that their poochie can eat a steak tartare. When it comes to homeless, poor people and other awful profiteers, why do they complain? They deserved it).

The first pet dog I met in the Big Apple was my ex-neighbour’s bulldog, called “Gorbatchov”. When I heard this humorous name, I thought for half a minute that his mistress was funny and considered to forgive her for having unleashed the beast in our apartment, which resulted in a lavish sowing of hair on the hardwood floor. A magnanimous feeling rapidly erased by this introduction dialog: « (Me :) We’re both students at Columbia University. – (Her :) How nice ! – Yes, thank you ! Are you a student too ? – NOOOOOO, I’m an adult !! »

GrnblmgrAAAAAAAAAA ! You know what she tells you, the 30 years old student??????? You under-adult with your fat stinking, slavering mongrel! BTW it spends its time barking, it’s a scandal! You want me to call the cops? (this part of the dialog is in the inside, I still have some decency safeguards…)

Whatever. This is to tell you that I don’t really understand the necessity to own a pet when you live in a tiny one bedroom. Except for cats, because cats are nice, clean and eat mice (I am myself a cat person).

By Carolita Johnson, http://www.newyorkette.com

But let’s get back to the point, or rather to the cockroaches, bedbugs (another wellwisher), mice, rats and other undesirables colonizing the buildings of the glorious city. We had mice (take it positively, “mice mean no rats”) and our good-fellow super installed some traps. But those were torture traps, glue traps, where an unfortunate mouse spend 2 days agonizing because we didn’t have the courage to kill it, a manly job finally seen through by my roommate’s boyfriend. I strongly recommend rat-traps for girls, with poison and a hermetical box allowing concealing the violent mouse’s death.

Rats are also pretty present, like their tailed cousins the squirrels that proliferate in the parks. Oh so cute, you first think, until you hear about the enraged she-squirrel who bit a nice tourist. The local fauna is in fact pretty yucky. Who wants bedbugs in his bed? However, they infest the fabrics of the apartments and even the Met Opera (it has been bedbugs-exterminated since, phew!), without any race or class distinction. The vermin is socialist, if not anarchist. A little leftism in this capitalist ocean at last!

“I respect your vision of society, but I don’t really wish to live with you. I know I’m an intolerant prick, forgive me. Mind your own business and don’t come fooling around in my garden / apartment / kitchen cupboard / tub / bed”.

Yeah. Except that, as Madonna says: “I am a survivor. I am like a cockroach; you just can’t get rid of me.”