En ces temps de canicule, il est bon de faire trempette. Mais tremper dans les règles de l’art n’est pas à la portée du premier venu. Nombreux sont les Béotiens, sous l’influence de quelque doxa « écologique », à renier le bain, ce don des dieux. La propagande a beau jeu, car selon le cénèneuhèreuhèsse (un organisme des plus sérieux), « une douche d’une durée de quatre à cinq minutes consomme de 30 à 80 litres et un bain de 150 à 200 litres d’eau ». Cette statistique est indéniable certes : n’avons-nous pas tous calculé, martyrs de l’Education nationale, le volume d’eau final de la baignoire ? Avons-nous vraiment envie de replonger nos nez dans de pénibles calculs ? Non, certes, nous faisons confiance à la science.
Mais notons quelques faits : d’abord, qui a parlé de bain d’EAU ? Jamais entendu parler des vertus du bain de lait d’ânesse ou de champagne ? Pour qui nous prend-on ? Croit-on que l’on prenne un bain pour se laver ? Loufoque idée, bien certainement. Les Japonais, peuple de sagesse et de zen, se baignent APRES s’être lavés, ce qui résume la substantifique mouelle de l’affaire.
La douche n’est pas, il faut le reconnaître, sans quelques avantages (paraît-il) : moins encombrante pour le studio parisien, elle permet de se nettoyer sans fioritures et d’être prêt à l’heure (POUAH), de s’énergiser sous le jet (aucune idée de ce qu’on entend par là, mais je répète la propagande de l’internet dans un esprit d’honnêteté), de se raffermir les seins en se balançant de l’eau froide dessus (oui messieurs, voilà le pauvre boniment à laquelle on nous soumet) (personnellement je dédaigne assez royalement la fermeté de ma poitrine au profit de celle de mon opinion, parce que sans déconner un jet d’eau froide sur les seins c’est un peu l’antichambre de l’enfer). Enfin, en termes pratiques, elle peut être le prétexte à batifolage, tripotage, forniquage, ce qui est sympathique mais exigeant en termes sportifs – la dernière fois que j’ai fait l’amour debout date des années 2000 – nous ne sommes plus jeunes et fougueux comme des chevaux sauvages, hélas. Enfin, qu’on me permette de noter, car je suis peut-être nulle en calcul mais J’AI DE LA RESSOURCE, que 15 minutes sous la douche équivalent à consommer la quantité d’eau d’un bain ; or je ne passe jamais moins de 10 minutes sous le jet. Il paraît que je suis lente : je ne le nie point, je constate.
Le bain, enfin, cette ineffable source de joie, de satisfaction, de douce chaleur. Il sera bien entendu agrémenté de quelques artifices indispensables. Non pas bougies ni sels de bain, stupides avatars pseudo-romantiques du « bain à deux », pratique éminemment peu pratique et désagréable pour le fondement (l’homme qui me fera m’asseoir du côté de la bonde n’est pas encore né) (en plus quand tu fous des sels de bain dans l’eau ou de la mousse après faut te rincer, dégueulasse) ; non, mais coussin, livres, eau chaude à foison, musique de la boulasse (exceptionnellement je n’écoute pas Shakira), et temps (le bain de moins d’une demi-heure n’est qu’une imposture scandaleuse). Seule, se vautrer dans le plaisir de la baignade. Oui débauche, débauche d’énergie (pas la mienne, bien sûr, celle que je paie un bras à EDF), débauche de temps (mais à quoi sert le temps si on ne peut pas le perdre), débauche de mots (Le Rouge et le Noir – chef d’œuvre absolu kikoo Stendhal que je t’aime que je t’aime que je t’aime – n’a pas du tout la même saveur lu dedans ou dehors du bain), débauche des doigts fripés et des cheveux moites.
Car se plonger dans un bain c’est aussi rendre hommage à une fantasmagorie masculine bien compréhensible (pauvres diables, vous avez bien le droit de rêver) aussi ancienne que les délices de Capoue : de Cléopâtre à Diane de Poitiers le bain est une bien sympathique machine à fantasmes d’autant plus efficace qu’il suffit de fermer la porte de la salle de bains pour qu’elle se mette en branle. Une femme à la douche, quelle vulgarité !
Comprenez enfin mon drame, mon terrible destin, quand je vous dis le cœur navré que je n’ai point de baignoire. C’était la douche ou habiter en banlieue. Hélas, mon état de manque est en passe de devenir chronique ; Paris ne suffit plus. IL ME FAUT UNE BAIGNOIRE. A défaut, je m’en vais faire un bain de pieds, car je n’en puis plus. La vie est une chienne, me voici condamnée à une infâme bassine.
Parfois, habiter en banlieue ne suffit même pas. Oh qu’une jolie baignoire d’antan me manque !! Parce qu’en plus, la baignoire est un objet hyper stylé, on oublie souvent de le dire.
Je suis ravie que des gens de bien soient de mon avis ;)