Je n’aime pas trop parler de politique sur ce blog (non, vraiment ! j’ai pu évoquer quelques prises de position pro-pauvres ou anti-pub, mais ça n’est pas politique !) A vrai dire, j’ai tendance à penser que tout est politique (ok, peut-être pas la question de l’épilation, que j’ai en effet déjà abordée) et je n’aime pas trop faire de la propagande, mais après tout c’est pas tous les jours qu’on est à la veille d’une présidentielle, et comme on n’a plus le droit de coller d’affiches…
Alors, comme on est en période de réserve on va la faire intimiste, et je vais vous livrer mon triturage de cerveau : pourquoi (POURQUOI) suis-je de gauche ?
Trop influençable ? (je ne sors qu’avec des enragés de gauche depuis un certain temps)
Trop au taquet ? (j’aime bien crier des slogans subversifs pendant les manifs – enfin subversifs entendons-nous, je n’ai jamais rien inventé, ni ne suis allée plus loin que « de l’argent il y en a dans les caisses du patronat » – j’le kiffe bien celui-là)
Trop rouge ? (après tout j’ai été irradiée par le nuage venu des soviets en 1986, ça a du laisser des traces sur mon faible cerveau)
Trop chrétienne ? (le Christ nous a laissé nombre de sentences communisantes, ne l’oublions pas)
Trop urbaine ? (les mécanismes néo-libéraux de construction des espaces urbains sont à vomir, et je ne parle même pas du clochard que j’ai vu se faire tabasser par les flics à NY parce qu’il avait l’audace de mendier dans une gare)
Trop enseignante-chercheuse ? (j’ai la faiblesse de penser que ce que je fais a une importance. Peut-être penserais-je la même chose si j’étais trader)
Trop fan ? (oui JL m’enthousiasme avec ses yeux verts et ses cravates rouges, ses mâles accents quand il cite Jaurès et son érudition grandiose. Oui, grandiose, je pèse mes mots !)
Trop en rupture avec ma famille ? (plutôt chrétienne-démocrate, cela dit depuis que ma grand-mère m’a annoncé qu’elle votait JL au 1er tour je suis toute bouleversifiée – précisons qu’elle ne votera sans doute pas Hollande au second)
Trop 1793 ? (oui c’est vrai que Robespierre me plaît bien, et pas seulement parce qu’on a un peu manipulé sa mémoire, quand même ! Cela dit je suis une grande couarde, que la peur du gendarme emplit puissamment à chaque manif’ – c’est beaucoup plus facile de crier « Résistance » dans des meetings que de prendre les armes pour résister)
Bref, je suis peut-être de gauche pour toutes ces mauvaises raisons ; mais j’ose espérer que c’est aussi parce que je choisis l’égalité, la liberté, la fraternité, la justice. Et je ne crois pas qu’il puisse y en avoir « trop ». Comme je raconte assez mal mon engagement politique je ne vais pas commencer à m’emmêler des pinceaux dans de grandes considérations. Disons seulement que dans une société aux inégalités si fortes, où l’argent devient la valeur dominante, où la peur de l’autre domine la solidarité, je crois qu’il est possible de changer le monde (ouais je suis une grande utopiste, et alors ? Si on n’essaye rien, on n’aura rien).
Voilà, c’est dit !
Et votez comme vous voulez !
Et comme je suis une fille ouverte, je finis avec Céline:
Ça allait peut-être un peu mieux qu’il y a vingt ans, on pouvait pas dire que j’avais pas fait des débuts de progrès mais enfin c’était pas à envisager que je parvienne jamais moi (…) à me remplir la tête avec une seule idée, mais alors une superbe pensée tout à fait plus forte que la mort et que j’en arrive rien qu’avec mon idée à en lutter partout de plaisir, d’insouciance et de courage. Un héros juteux. Plein moi alors que j’en aurais du courage. J’en dégoulinerais même de partout du courage et la vie ne serait plus rien elle-même qu’une entière idée de courage qui ferait tout marcher, les hommes et les choses depuis la Terre jusqu’au Ciel. De l’amour on en aurait tellement, par la même occasion, par-dessus le marché, que la Mort en resterait enfermée dedans avec la tendresse et si bien dans son intérieur, si chaude qu’elle en jouirait enfin la garce, qu’elle en finirait par s’amuser d’amour aussi elle, avec tout le monde. C’est ça qui serait beau ! Qui serait réussi ! J’en rigolais tout seul sur le quai en pensant à tout ce qu’il faudrait que j’accomplisse moi en fait de trucs et de machins pour que j’arrive à me faire gonfler ainsi de résolutions infinies… Un véritable crapaud d’idéal !Voyage au bout de la nuit, 1932
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