Qui se connaît, connaît aussi les autres, car chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition. Mais ce n’est point pour autant qu’il faut n’en avoir rien à branler des problèmes des autres non plus.
Après quelques mois de lecture assidue de Montaigne, Stendhal et leurs amis les égotistes, la Lonesome Camionneuse a bien progressé dans la compréhension du beau style mais également dans sa capacité à réduire le monde à la taille de son nombril (charmant mais petit). Tout à coup, la Lonesome Camionneuse, du fond de son analyse profonde et précise du réel et par-delà, se demande si elle ne serait pas un peu parfois une connasse égoïste. Or, cela pose problème car soyons clairs, la Révolution ne va pas arriver demain la veille si on passe notre temps à fouiller de notre groin la soue de notre propre pauvre petite intériorité malmenée. Par exemple, n’est-ce pas lamentable de sécher des réunions politiques pour se faire les ongles ? Oui, oui, au pilori ! (en vrai, y avait du taf à la baraque, et pas que les ongles, enfin bon parfois il faut entretenir un peu la carcasse si on veut rester un avion de chasse) (c’est un des problèmes de la lutte des classes : normalement t’as pas besoin d’avoir un beau châssis pour renverser la bourgeoisie, mais en même temps t’as pas envie de finir avec Robert Bidochon) (et en même temps tu devrais kiffer grave Robert Bidochon parce que c’est un membre de la classe opprimée) (et là bam ! tu te replonges dans Stendhal, le démocrate qui n’aimait pas la canaille, et c’est reparti pour le serpent qui se mord la queue) (oui, croyez-moi, avoir une belle manucure et l’esprit révolutionnaire, c’est super coton à maîtriser).
Bref, nous en sommes au point de Je suis au chômage – Dommage, mais tu sais, moi je me suis cassé un ongle, tu te rends compte ? voire même de J’ai le cancer – Ah ? merde… t’as vu mes cheveux ? Le coiffeur m’a totalement ratée ça tombe bien, on pourra aller choisir une perruque ensemble, tiens ! Est-ce une attitude bien amicale ? Non, on en conviendra aisément. Même si on conviendra aisément également qu’un ongle cassé ou une coupe de cheveux ratée sont des aléas de la vie quand même ultra pénibles, même si supportables.
Donc, la Lonesome Camionneuse présente ses excuses officielles et 100% pur laine : à Robert Bidochon, pour ne pas voir sa beauté intérieure ; à ses amis, pour les bourrer de gâteau à la crème sans respect pour leur régime ; à la Révolution, pour lui préférer les séries télé ; aux chevaux, pour n’en avoir rien à foutre de les avoir hachés dans son assiette ; aux petits enfants pour ne pas abandonner son langage ordurier en leur présence par pure flemme langagière ; aux épisiotomies de ses copines pour n’y avoir pas vraiment compati (et n’avoir vraiment pas envie de s’imaginer qu’elle pourrait en passer par là un jour) ; aux courgettes pour de nombreuses raisons et le gratin de ce midi n’est pas la dernière.
Et à tous les autres, pour qui elle a eu moins d’empathie qu’un rocher pour une moule. Aux chiottes, Rousseau ! vive Jean Valjean ! (pas Russel Crowe qui chante hein, attention) (quoique Russel Crowe, quoi qu’il fasse, l’empathie se construit assez facilement) (plutôt en pirate, Russel Crowe, en fait).
Gégé le Mécanicien a été chargé de mettre au point une cabine de Monster Truck géante pour accueillir tout le monde. Hélas, il n’a pas l’air super optimiste et a jeté à la Lonesome Camionneuse un regard suspicieux du style je suis contre les gang-bangs.
Le sens du collectif n’est pas très à la mode on dirait. Mais bon, on y travaille.