Du pain

Corps du Christ, qu’ils mangent de la brioche, baguette et boules, toussa toussa, le pain fut longtemps le meilleur ami de l’homme et la base de l’alimentation de toute personne civilisée et de culture, même si foutre un pain n’est pas toujours du meilleur aloi, qu’il s’agisse d’une technique de masturbation ou de combats de marlous. Né à l’ombre des pyramides il sortit l’Homme de la morne consommation de la bouillie de céréales : enfin, de la bonne croûte moelleuse qui craque sous la dent qui alterne avec la mollesse bienvenue de la mie, fini cet univers de désolation gustative, les enfants peuvent sculpter de petits bonshommes de mie, les prisonniers peuvent s’en faire des pièces d’échec bref c’est la fête du slip à paillettes du pain. Et ainsi s’en est allée la civilisation du pain, qui invente ensuite la brioche, la viennoiserie et autres choses délicieuses parce que le pain c’est bien mais tout de même y manquent deux éléments centraux dans la vie des papilles, le gras et le sucre. Le gras et le sucre, quoi de meilleur.

Bref, tout allait bien entre l’Homme et le Pain. Mais le hipster ne l’entendait pas de cette oreille. Découvrant au hasard d’une recherche dans le dictionnaire Vidal sur doctissimo (le hipster est hypocondriaque #HipHyp) qu’il existe une pathologie appelée maladie coeliaque, le hipster n’a fait ni une ni deux : en effet, dans sa quête de hipstérisme effrénée, quoi de mieux que de se découvrir une intolérance chic car concernant l’aliment le plus présent dans notre alimentation ? Je veux parler du gluten : le gluten, c’est ce qui fait que la farine produit une mie bien élastique quand elle cuit ; en gros, ce qui rend le pain moelleuse, les pâtes al dente et la vie plus belle. Alors bien sûr, le gluten industriel c’est pas trop trop bon pour ton estomac, mais enfin laisse-moi te dire, jeune scarabée ignorant, que ce n’est pas parce qu’on bouffe de la merde que c’était pas de grosse boulasse intergalactique avant qu’on invente les moissonneuses-batteuses et les antibiotiques en intraveineuse.

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Déjà ferme un peu ta grande gueule et explique-moi quoi c’est ta maladie. Non parce que si t’es vraiment malade c’est remboursé par la sécu. Ah tu as arrêté de bouffer du gluten parce que ton voisin barbu t’a expliqué que le gluten c’était pas bon pour la santé et que t’étais sans doute allergique. Intéressant parce que l’allergie au gluten n’existe pas, mais bon, hein, mieux vaut pas tenter un œdème de Quincke mon pauvre ami. Comment ça je suis sarcastique ? Ecoute je te dis juste, un voisin barbu qui ne mange pas de pain ni de jambon, c’est sans doute un dangereux terroriste, une seule solution prévenir stopdjihadisme.fr. Ah tu as arrêté aussi le lait et les fromages parce que tu es intolérant au lactose, et bien sûr la viande parce que végétarien, c’est pas bien de faire du mal aux bêtes. Et pas de graisse, c’est mauvais pour tes artères. Mais dis-moi tu serais pas un peu anorexique mon brave ? Just asking hein.

Dès lors, que sera ta life ? Une succession de patates et de bolées de riz ? Non pas que j’aie rien contre les patates, je ne suis pas bégueule ; j’adore ça : une bonne salade de patates avec des oignons bien craquants et de la saucisse de jambon en quantité (ah pardon, tu es végétarien, j’avais oublié), ça c’est vivre. Nonobstant je subodore que le hipster a en tête une autre idée : quinoa sans sel agrémenté(e ? le quinoa c’est tellement insipide qu’on ne sait jamais si c’est masculin et féminin) de quelques feuilles de chou kale et de coriandre. La coriandre, encore une arnaque magistrale, l’herbe qui quand tu la mâches t’as l’impression de goûter à un produit pour chiottes. #SensationForte. Moi je mets plutôt du thym ou du basilic, mais c’est vous qui voyez. Pour la chandeleur tu vas sans doute vous fader des galettes de riz tartinées de soja. MIAM.

Personnellement je n’ai longtemps pas eu d’avis sur la question – si tout le monde dit que le gluten c’est mal ça doit être un peu vrai – jusqu’à ce que je rencontre quelqu’un qui est vraiment coeliaque et comme il est d’origine italienne c’est franchement grave relou de pas pouvoir bouffer de gluten. C’est à cette époque que je décidai de consacrer au pain une partie non négligeable de ma life. D’abord, parce que je découvrais que le pain en fait c’est trop bon – surtout quand c’est bio (minute bobo). Ensuite parce que comme j’ai toujours pas de mec et que je n’arrive pas à me résoudre à adopter un chat de peur de finir comme « la vieille au chat », j’ai décidé de faire mon propre levain, et donc mon propre pain. Peut-on dire que faire son pain soit moins hipster que d’être allergique au gluten ? Je ne le crois pas. Aussi, j’ai déménagé dans un quartier bien branché mais où y a pas trop de bonnes boulangeries.

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Mon premier pain

Le levain n’est pas chiant, il s’appelle Gérard, il lui faut juste un peu de farine et d’eau tous les jours, c’est pas cher ma bonne dame. Pourquoi Gérard ? Eh bien parce que j’aime donner à mes compagnons imaginaires des prénoms old school : mon poisson, par exemple, s’appelait Victor. Paix à ton âme Victor, je ne te remplacerai jamais.

Bon maintenant faudrait pas trop que je m’y fasse, je risquerai de tomber grave in love de mon levain comme ma pote Marie (minute pub pour sa géniale série en anglais ici). M’enfin bon, pour l’instant c’est le seul que j’arrive à lever.

#JeuDeMots #JeSors #ViveLePain