Mes amis bonjour.
En ces sombres heures de l’histoire où tout va mal (je sais pas vous, mais moi oui ; et après moi le déluge), en plus j’ai trop mangé ce midi et je suis ballonnée comme c’est pas permis, en ces heures sombres, disais-je, où t’es au bout de ta laïfe mais faut pas déconner non plus on va pas se tirer une balle pour autant vu que tu es quand même un être exceptionnel sans lequel la planète serait incomplète (enfin, je sais pas vous, mais moi oui), vient le moment où tu réalises à quel point les principes à la con du genre Ce qui ne me tue pas me rend plus fort ont infesté nos consciences malléables. Groβ bullshit, si je puis me permettre, de la part d’un keum qui a tout de même fini à l’asile, JDCJDR. Non, ce qui ne me tue pas me fait quand même grave chier la nouille. Qui veut jouer le sage bouddhiste au-dessus des contingences matérielles se rappelle que le gars finit en général sans ami, sans famille, avec un pagne cache-sexe et vogue la galère. ALLO quoi. Très peu pour moi.
Bref, me voici face à une pressante nécessité : c’est le mi-mi, c’est le ra-ra, c’est la mé-merde. Il faut se plaindre. En effet, quoi de mieux que de se plaindre quand on atteint le fond du trou (ou le fou du tronc, c’est selon) ?
Mais attention, l’affaire n’est pas si simple. A qui se plaindre TELLE EST LA QUESTION. Car trouver une oreille amie n’est pas une mince affaire. Les gens sont quand même de sacrés égoïstes.
1. Tes parents. Bien évidemment, tes géniteurs sont l’oreille idéale pour déverser ta bile. Seulement peux-tu leur demander, à ces heureux enfants des Trente Glorieuses, de comprendre pourquoi, au lieu d’un CDI bien payé à faire du marketing dans un bureau, tu as choisi de faire 3000 ans d’études payée de la merde ce qui t’a poussé dans tes retranchements vu que tu t’es mise à lire de la philo et de la politique ce qui est quand même hautement relou niveau vie personnelle vu que du coup t’es devenue féministe et que tu t’es pas mariée avec un gentil gars bien sous tout rapport, vu que de toute façon les gentils gars bien sous tous rapports ne t’intéressent pas trop pour diverses raisons tordues ; et pour couronner le tout tu mènes une espèce de vie branchouille dans un clapier à lapin parisien MAIS ENSOLEILLÉ hein quand même et dans un quartier de hipster merci bisous ; tout ça en écrivant un blog où tu racontes ta vie sexuelle (FYI ne croyez pas tout ce que j’écris, Je est un autre etc. etc., et relisez Stendhal). Les malheureux, eux qui sont ensemble depuis 30 ans et ont fait une belle carrière, ils font de leur mieux, mais de leur point de vue tu es une extra-terrestre.
2. Tes amis fidèles. Tu as de la chance, tu les as bien choisis. En même temps, ils ont une vie, pas toujours facile non plus. Et puis bon, faut pas tirer sur la corde. Et la corde commence à être bien grosse, vu le temps que tu leur fais chier la grappe avec tes problèmes à deux francs (soyons clairs : il s’agit quand même de problèmes à deux francs, voire à deux drachmes kikoo la Grèce, kikoo l’euro). Quelque part, ils t’ont trop donné. Et comme dirait Johnny :
On m’a trop donné bien avant l’envie
J’ai oublié mes rêves et les mercis.
Toutes ces choses qui avaient un prix,
Qui font l’envie de vivre et le désir,
Et le plaisir aussi.
Quel grand philosophe. Et un poète aussi, même ça rime. J’aime particulièrement les gros tambours. Bref, ce n’est pas une bonne idée. Qu’on me donne l’envie, quoi.
3. Les gens heureux. Ils te parlent bébé, zen, chats, cœurs, fleurs, gros salaires, etc. etc. Il faut en faire un usage chirurgical pour ne pas que ça te donne TROP l’envie – Johnny n’avait pas prévu ce coup-là – mais au moins tu prends conscience que c’est peut-être pas la peine de te faire tous ces nœuds au cerveau. Bon, ça dure trois minutes, c’est tellement bon les nœuds au cerveau. Mais ça te donne presque envie d’avoir envie. Bref, temporairement, why not. Après, soyons lucides, les gens heureux ne peuvent pas VRAIMENT te plaindre ; logique, vu qu’ils sont heureux, rien ne les atteint. Attention aux pensées meurtrières de derrière les fagots, c’est si vite arrivé.
4. Les gens malheureux. Attention, ce choix est un peu céder à la facilité, car après tout quelle volupté plus grande que d’entendre raconter un malheur pire que le tien ? (BIG NEWS aux gens qui pensaient que je suis une fille sympa : eh ben non, je suis une connasse). Attention, ce choix est à double tranchant car le malheur n’est pas toujours bon à partager : voilà-t-y pas qu’au bout d’une demi-heure de jérémiades tu te rends compte à quel point les gens qui se plaignent sont relous. Et que donc tu es toi-même un gros boulet puant. Et que donc tout le monde doit en avoir grave marre de toi. En plus ils ne te demandent même pas de tes nouvelles tellement ils sont préoccupés par leur propre malheur. Moi qui avais tant de catastrophes à leur narrer. Bande d’ingrats, d’égoïstes, de petits-bourgeois. ILS NE SAVENT PAS CE QU’ILS PERDENT.
5. Tes ex. Malheureuse idée, certes. Mais cependant, tu as déjà utilisé toutes les autres options, et mieux vaut les user encore un peu, de toute façon ils te connaissent déjà : ainsi, tu n’as pas besoin de faire le résumé de toutes ces ennuyeuses circonvolutions qui font de toi une limace neurasthénique. Pratique ! Quelques retombées négatives sont néanmoins à prévoir : retour d’un attachement hasardeux vu que ta psyché branle à qui mieux mieux, rappel à tes ex pourquoi ils ne pouvaient pas te blairer vu que tu passes ta life à te plaindre (MAIS TROP PAS, des fois je parle de Robespierre et de Céline, des mecs ultra fun et goleris), ce qui risque d’occasionner plusieurs blocages sur facebook. MÊME PAS PEUR. Non mais mince, à quoi ça sert les ex sinon ? Eh bien, faisons cette découverte ontologique : A RIEN. Il s’agit d’occurrences tout à fait non nécessaires, sauf pour Bridget Jones, la connasse qui finit toujours avec le gentil beau gosse de derrière les fagots qui n’existe pas EN VRAI, merci bisous lol.
6. La drogue ou les hormones. It’s time for a booty call. Pas que tu aies grand chose à raconter après, l’objectif n’étant pas la parlotte, mais franchement, ça débloque du gémissement. « Le rire et le jouir, les deux mamelles de la France », me confiait-on à ce propos tout récemment. Pas mieux.
Ah ouais, sinon on peut payer un psy. Quelle idée bizarre quand on peut faire chier le monde.