Quand je pense aux sommes englouties dans la machine à café de la fac…

…je tremble d’indignation. Cette chose ignoble qui emplit les gobelets ne peut être que qualifiée de « jus de chaussette », voire de « sous-résidu de pisse d’éléphant SDF » après qu’on a un tant soit peu fréquenté le café italien, sorte de paradis sur terre, comme moultes choses de l’Italie d’ailleurs. Hélas, en tant qu’enseignante je me dois de rester éveillée durant mes cours, contrairement à mes charmants étudiants qui ne se gênent pas pour piquer un petit roupillon de derrière les fagots pendant que je déblatère mon cours.

OUI, malgré toutes mes indéniables qualités en tant que personne de la grosse boulasse intergalactique (gros seins, abondante chevelure blonde, connaissance approfondie de Stendhal et de Shakira, anglais lu écrit parlé, humour dévastateur) (hu hu hu), J’ENDORS MES ÉTUDIANTS EN COURS alors même que j’enrichis le grand capital propriétaire des immondes machines à café.

Mais alors, que faire?

La réaction d’une personne saine et normale serait de se torturer la cervelle en se disant que Oh mon Dieu c’est affreux je les barbe à ce point? la situation étant d’autant plus inquiétante que le cours dispensé traitait d’une matière qui me passionne intensément (la banlieue) (eh ouais, love it or leave it les enfants, ou relisez le Voyage au bout de la nuit car ma passion pour la banlieue ne supporte pas de contradiction). Donc, vas-y que tu leur expliques Haussmann, la Commune et la banlieue rouge et l’industrie et tous ces trucs de la force puissante qui unit l’univers de l’urbanisme, et vas-y qu’ils s’endorment.

Eh bien non, je ne céderai pas à la facilité. Tendance qui nous entraînerait sur de mouvants terrains quant à la valeur de notre personne. Non, je suis désolée (comme je leur ai fait remarquer dans une sortie bien humiliante de la domination symbolique du savoir) (vous me direz, vu que les gogols en question dormaient ça n’avait aucun impact mais bon) (ON FAIT COMME ON PEUT), connaître les principes de l’haussmannisation et l’histoire de la Commune (que certains situent en 1850, merci la vie) ne sont que des CONNAISSANCES DE CULTURE GÉNÉRALE que je ne devrais même pas à avoir à répéter. Bande de nuls. Crevez donc de votre ignorance.

De ce fait, il n’y a pas 30 000 solutions. Il faut kolkhoïser le fonctionnement du cours (de fait, la création de divers kolkhozes est à mon sens une solution simple à de nombreux problèmes sociaux) :

Point 1. Installer une fontaine de guronsan (cachets remplis de caféine) (tout à fait utile pour se transformer EN PILE ÉLECTRIQUE) à l’entrée de la salle de cours, où chacun viendra remplir son petit gobelet en plastique et boira son contenu DEVANT MOI. Ce rituel a un petit aspect hospitalier, me ferez-vous remarquer. Mais tout à fait: il faut bien que les jeunes comprennent que s’ils ne se comportent pas docilement et ne font pas de leur corps un temple de la productivité ils finiront en HP emballez c’est pesé. D’ailleurs, pour compenser l’effet trop excitant de la chose, on ne s’interdira pas de faire prendre aux éléments les plus turbulents un ou deux anxiolytiques.

Point 2. Recours à des éléments de redressement physique: corsets pour rester assis bien droit, écarteurs d’yeux. Le corps doit se plier à la discipline de la connaissance. Nous redresserons toutes ces souches biscornues. Et que pas une tête ne dépasse, HA HA HA!

Point 3. Recours massif à l’intimidation et au rabaissement intellectuel. Les interros surprise vont pleuvoir, ainsi que les remarques assassines (vous allez finir éboueurs si vous ignorez la définition de l’aire urbaine) (notons que les éboueurs gagnent dans l’ensemble bien mieux leur vie que votre servante, parce que c’est vrai qu’à bientôt bac+8 on ne voit pas trop pourquoi monter beaucoup au-dessus du Smic dans la grille des salaires) (mais bon, nous avons l’autorité intellectuelle) (mouahahaha) (en tout cas on peut humilier nos étudiants à plaisir, ça vaut son pesant d’or).

La vie n’est pas un chemin pavé de marguerites. Rendez-vous à l’évidence: l’obéissance, ça n’a que du bon.

AH BON SANG finalement ça me met bien en forme d’enseigner tous les jours. Une vision de la société idéale est en train de germer dans mon cerveau fécond. Je sens que je suis sur la bonne voie. Sur ce je retourne en cours, et CA VA CHIER DES BULLES CARRÉES. Dans une bonne et saine ambiance de travail.

A plus, êtres inférieurs, stay tuned.