De la photo d’identité sur ton passeport

Ben ouais quoi, c’est un sujet important. Je veux dire, c’est quand même un moment assez difficile à vivre que de passer sous les fourches caudines de l’administration biométrique pour voir ta sale gueule sur le résultat final. Ou comment rendre dépressif le citoyen à peu de frais. Et t’en prends pour dix ans, en plus. Quand tu auras des mômes, les petits sagouins finiront par fouiller dans ton sac à main pour trouver ton passeport et se bidonner abondamment en mode « Ouah la tête à maman quand elle était jeune » (deux traumas en deux secondes) (le plus simple, c’est encore de ne pas en faire) (je me dis).

De fait, les normes de la photo de passeport sont d’un fascisme kafkaïen tout à fait fascinant (et je pèse mes mots). Ça m’a d’ailleurs couté un bras pour arriver à un résultat vaguement regardable (ces chiens des cabines photomaton te limitent à trois ou quatre essais) (qui peut prétendre parvenir à obtenir une photo potable au bout de 4 tentatives ?) (vous croyez peut-être que Marilyn était une bombasse EN VRAI ?) (ouais bon, peut-être que si). On m’objectera que si j’ai une sale gueule en photo c’est juste que je me crois plus belle que je ne le suis en réalité (merci L. d’avoir exprimé cet avis sur la question, j’en ai fait un gros flip existentiel) (mais je m’en suis remise). Halte là, les gens ! Dans la réalité on peut un peu ruser avec la nature. Seule face à la Photomaton-cabine qui te parle avec sa voix métallique de robot, tu pleures ta mère. C’est plus le moment de faire ta pin-up. En plus ces chiens appellent ça photo d’identité s’il vous plaît : ton identité c’est d’être un thon. Live with it.

Voici donc la liste des règles fascistes qui font de ta photo de passeport l’équivalent d’un portait de Shrek sous acide :

1. Le néon du photomaton. Tu crois qu’ils auraient investi dans une lumière un peu SEYANTE ?

2. Pas de lunettes ou de chapeau (la question du voile est pudiquement évitée, cachons notre islamophobie derrière un béret basque). Je veux bien. On m’a dit récemment que mes lunettes me donnaient l’air sinistre  voire cruel (je le vis hyper bien), de toute façon je suis une déesse avec ou sans lunettes (PLEASE HELP !! je suis en déprime totale) (ben oui évidemment en plus c’était un MEC) (ces lunettes étaient censé produire un effet secrétaire sadique hyper érotique) (gros fail) (n’allez pas choisir vos lunettes avec vos potes homos).

3. Pas de bijoux. MAIS J’Y CROIS PAS, Z’AVEZ ENTENDU PARLER DE LA FEMINITE, BANDE DE BUREAUCRATES A LA MANQUE ?? Moi sans barrette, sans serre-tête et sans boucles d’oreille. Autant dire nue. Oppression culturelle de ouf. A woman needs her jewels, comme un Baruya son étui pénien ou un Guayaki sa baguette nasale (oui je lis de l’anthropologie distinguée) (hu hu hu).

4. Pas de sourire. Fais la gueule d’Emile Louis, c’est plus FUN. Honnêtement j’étais tellement vénère au moment de la photo que mon expression se résume à peu près à « Tuez les tous. Dieu reconnaîtra les siens. » (saine morale de la croisade des Albigeois).

5. Oreilles visibles et front dégagé. Là, horreur malheur désolation infamie abjection, nous touchons juste à mon complexe number one de pourquoi JAMAIS j’aurai les cheveux courts. Oui bon, j’ai les oreilles légèrement décollées.

Ou comment devenir un troll officiel en 5 étapes.

Merci photomaton, merci l’administration, merci Passeports inc. Grâce à vous j’ai compris que l’apparence n’avait pas d’importance (mais bien sûr).

Les jours de loose – la loose beauté

Tu sais que tu es dans un jour de loose beauté quand

– tu as appliqué tes 5 couches de vernis sur tes ongles, trempé dans l’eau froide et laissé sécher 3 heures mais quand même en te réveillant le lendemain il y a des traces bizarres sur tes ongles. Fucking manucure.

– tes cheveux sont trop raides / trop bouclés / pas assez volumineux / partent dans tous les sens. (Perso, c’est après chaque shampooing). A quoi sert cette touffe disgracieuse sur ton crâne? La vie est si injuste.

– tu t’es fait un super masque sur le visage mais en l’enlevant ta peau est bizarrement rouge et tu te mets à peler. Maintenant va falloir écluser le reste du pot payé deux bras la semaine dernière.

– tu as ENFIN réussi ta super manucure, et là pan! tu te casses un ongle. Ô destin tragique. Fucking manucure.

– tu as du rouge à lèvre sur les dents. Opprobre internationale. (Un petit coucou impromptu à ma grand-mère).

– tu as le syndrome du « masque de fond de teint ». On dirait que tu as un masque sur la gueule mais en fait non, c’est juste que tu te l’est bien plâtrée, la gueule. (Re-coucou à ma grand-mère).

– tu te maquilles comme une star et en pleine application de ton mascara noir super volumateur à la silicone (le mascara c’est un peu comme une prothèse mammaire) (l’important c’est la profondeur du regard) ta main fourche tu ne sais comment et pan! Grosse trace noire en plein milieu du nez / de la joue / du front. T’es déjà vachement en retard et là t’es en train de te demander comment rattraper le coup (démaquillant sur un coton-tige? va-ce être suffisant? reprise sur un côté ou de tout le maquillage? mais si je laisse tomber le fard à paupières le rouge à lèvre ne va plus aller DU TOUT!). Au bout de 10 minutes d’indécision tu enlèves tout, et tu finis une demi-heure en retard. Story of my life.

– tu CROIS te maquiller comme une star et en fait t’as sorti ta truelle de chantier. Tu ressembles à un monter truck volé. La lonesome camionneuse is dans la grosse loose.

– tu as beau sortir de chez l’esthéticienne, tu vois plein de poils drus pointer leur nez partout sur ton corps censé être maintenant lisse comme le marbre. My name is Tarzan.

– l’été arrive, tu es pâle comme une vampire (frissons d’horreur, pas question de ressembler à la kéké de Twilight) (pour une exégèse complète de cette œuvre à oublier le plus vite possible, voyez ici) et tu ne veux pas t’abîmer la peau. Il est temps de dégainer l’autobronzant (le truc qui te colore artificiellement la peau, les garçons) (oui ça existe) (oui nous trichons avec notre physique, et pas qu’un peu) (la femme, ce rebut d’hypocrisie). Le problème, c’est que tu finis toujours par l’appliquer pas bien (pas comme si c’était facile d’étaler uniformément un produit visqueux sur ton propre dos). Résultat: grosses traînées disgracieuses en plein dans ton nouveau bronzage. En fait tu ressembles plutôt à Sheena reine de la jungle sur son zèbre (oui cette femme chevauche un zèbre pour une raison inconnue) (mais après tout, pourquoi pas).

– AAAAAAAH! Un BOUTON sur la figure, en plus j’ai des cernes énormes, je suis AFFREUSE!

Pourquoi, mais POURQUOI on se prend la tête alors qu’on devrait être en train de penser eurobonds, redistribution, égalité, liberté, fraternité et tutti quanti? (tous sujets desquels mon appréhension est d’une terrifiante superficialité) En même temps c’est pas non plus comme si j’avais envie d’être moche. Comme dit Sainte-Beuve cité par Stendhal dans Le rouge et le noir, « Elle n’est pas jolie, elle n’a point de rouge ». Déjà là pan! vous comprenez la moitié du titre du bouquin, ce qui n’est pas donné à tout le monde, et puis si Stendhal le dit c’est parole d’évangile. En plus le vert (et non le rouge, oui je deviens une pro des couleurs) (mais Stendhal a aussi commencé un Rose et vert, en digne ami du chatoiement) permet d’effacer utilement les coquards disgracieux. Que demande le peuple?

Être une femme c’est pas tous les jours la fête du slip à paillettes multicolores. Je dis.