De la journée des femmes

« Les femmes n’ont pas tort du tout, quand elles refusent les reigles de vie, qui sont introduites au monde : d’autant que ce sont les hommes qui les ont faictes sans elles. » (Michel de Montaigne, Essais, III, 5)
 

La journée des femmes c’est un peu comme la journée des dupes. Ou l’ANPE. Un truc qui te fait croire qu’on s’occupe de ton problème, mais en même temps c’est pas non plus comme si c’était une vraie priorité. Déjà, si vraiment la question « des femmes » était importante, je ne vois pas pourquoi 1/365ème de l’année serait suffisant. Mais c’est vrai qu’il y a aussi une journée internationale de l’amitié (un bisou à Montaigne et la Boétie), une journée de l’hygiène des mains (si, si) (un bisou à Sartre), une journée de la société de l’information (un bisou à Guy Debord), une journée météorologique mondiale (un bisou à Jacques Kessler), une journée de la bisexualité (un bisou à Verlaine), une journée internationale de la montagne (un bisou à Frison-Roche) (tiens… que des hommes). Vive l’ONU. Heureusement pour finir il y a une journée mondiale de la santé mentale (un bisou à Freud). La morale est sauve.

Ah, il y a aussi une journée internationale de la femme rurale. Au cas où les pouffes de trottoir tireraient la couverture à elles. Pas de raison de donner la priorité aux talons de 12. La charrue et les bœufs y ont droit aussi. Et ajoutez dans le tas une journée mondiale de la ménopause. Les bouffées de chaleur et la sécheresse vaginale méritent une vraie mobilisation : tous dans la rue pour les abolir.

Là où il y a gros questionnement épistémologique, c’est pour savoir s’il s’agit de la journée internationale de la femme (version officielle ONU) ou de la journée internationale des droits des femmes (version du ministère français du Droit des Femmes, qui a besoin d’exister un peu et de faire le buzz) (une idée : de la viande de JUMENT dans les lasagnes Findus : scandale !). Reconnaissons qu’il semble plus logique de dédier une journée à des droits qu’à la Femme (femme, femme, femme, fais-nous voir le ciel) (ça serait un peu trop baudelairien). Qu’il est pénible, cependant, de judiciariser une idée qui devrait être de simple bon sens.

Ainsi, mes bons amis, mettons-nous bien d’accord : il n’y a PAS de droits des femmes, pour la bonne et simple raison qu’ils doivent juste être les mêmes que ceux des hommes. Les droits de tous, quoi. En ce qui concerne la maternité, qui est certes une légère différence entre les sexes, ok, mais c’est bien tout ce qui me vient à l’esprit. C’est fort aimable de nous consacrer une journée par an pour se rappeler qu’on se fait baiser par tous les trous rouler dans la farine et avec le sourire, la classe et l’élégance (rouge à lèvres Dior, veste Chanel, escarpins Louboutin, sac YSL, sois belle et ne pense pas).

reiser c est beau une femme

C’est vrai, quand tu es une femme tu dois en faire trois fois plus : être leur égale, avec le sourire, la classe et l’élégance. C’est pourquoi j’ai parfois tendance à penser que ce deuxième sexe que la société occidentale masculinisée nous impose est aussi une force, et que, oui, disons-le, nous sommes le beau sexe : nous, les femmes, sommes plus belles. Et je ne parle pas de rouge à lèvres.

Il est vrai, une femme peut être légèrement à côté de la plaque pour commenter un penalty ou un hors-jeu (ah, le hors-jeu!), boire des bières et conduire des motos (encore que…). Mais que c’est bon d’être une femme! Reconnaissez que ça vous ferait kiffer aussi, vous les hommes, de réfléchir à assortir vos boucles d’oreilles à la couleur de votre vernis à ongles. Et quelle divine surprise, en pleine conversation mondaine, de sentir une main se poser sur ta bouche pour te faire taire. Parce que tu chantes faux? Non, parce que ton mec trouve que ton babillage n’est pas de son standing, bref, que tu vaticines et que c’est mauvais pour son image. N’est-ce pas une fort bonne façon de soigner ton irrépressible logorrhée? Tu en avais bien besoin.

Donc, ce qui est bien quand tu es une fille, c’est que tu peux librement te consacrer à toutes sortes d’occupation futiles sans trop t’embêter à chercher le pourquoi du comment, parce que de toute façon quand tu as revêtu ta tenue magnifiquement sexy toutes les paroles qui sortent de ta bouche seront assimilées à du babillage. C’est reposant. Quand tu veux te faire écouter, tu peux essayer de mettre un pull péruvien. Par contre il n’y a pas de garantie de résultat, parce que tu risques toujours de te mettre à pleurer, ultime marque de faiblesse voire de manipulation victimaire (je ne mets pas hystérie, j’ai décidé de ne pas m’énerver)Car les femmes sont le sexe faible et sensible, et elles peuvent en abuser, car de ce sont de fourbes créatures. WATCH OUT.

Faibles, de chair et d’esprit. Faibles quand elles traversent la ville, un enfant sur la hanche et des stilettos aux pieds (un bisou à Marcel Mauss). Faibles quand elles supportent de se faire siffler dans la rue au son de « t’es bonne mademoiselle ». Faibles quand elles acceptent qu’on les traite d’égoïste quand elles ne veulent pas d’enfants. Chair faible : une femme qui aime les hommes est une salope et non pas un Don Juan. Chair faible : quand elles avortent, pliées en deux de douleur seules dans leur baignoire pleine de sang (on est deux à le faire, le gosse… mais vous semblez souvent l’oublier) (bizarrement, aucune de mes amies n’a jamais eu le père à ses côtés dans cette épreuve) (mais ce n’est pas une vérité absolue, bien sûr et heureusement). Faibles car elles ne voient pas leur force.

Et tout ça, avec 20% de salaire en moins (1). Heureuses les faibles.

photo mf

Bon, j’exagère, disons que les hommes sont nos égaux. Ils sont beaux et faibles aussi. Disons alors qu’il faut le leur rappeler tous les jours parce que, nous aussi, si on n’avait qu’à se baisser pour tout rafler, on le ferait. C’est humain. Alors, disons-leur : « je t’aime, mais pour me baiser c’est seulement au lit » (ceci étant, vous pouvez aussi baiser dans les toilettes publiques si c’est votre kif hein, c’est une métaphore). Et qu’on me pardonne mais je ne considère pas ça féministe : l’égalité doit être sociale ; or l’inégalité entre les sexes est le produit d’une construction historique, sociale et institutionnelle, au même titre que l’inégalité entre les classes sociales (re-bisou à Marcel Mauss, et à Louise Michel aussi) (enfin !). Le féminisme est un socialisme (2).

L’égalité, c’est 365 jours par an, et c’est à nous de la prendre, parce qu’ils ne nous la donneront pas comme ça. Apprenons-la leur.

Soyons belles et ouvrons-la.

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1. Observatoire des inégalités, France, 2010. Et 28% dans le privé…

2. Qu’il soit bien entendu que je parle ici du sens originel du mot socialisme, de mouvement pour l’égalité sociale donc, et non pas de quelque édulcoré think tank à la mords-moi-le nœud.