Il pleut, j’ai pris trois kilos, pas fini mes cartons, je ne sais pas où je vais bosser dans une semaine, pas de doute, ça schlingue la rentrée.
Non pas que tout m’attriste : finis les textos désespérés adressés à tous les numéros possibles de ton répertoire « T’es à Paris ? » « Non je suis à Biarritz / Saint-Tropez / l’Île-de-Ré » (rayez la mention inutile), finie la recherche intensive de PQR, le mien n’ayant pas prévu de remplaçant pendant son séjour au Brésil, oui au Brésil! Saloperie de vie injuste. Finies enfin les nuits à cuire comme un poulet tandoori derrière les stores baissés, comme quoi le PQR aurait été ennuyeux car il aurait fait encore plus chaud, merci la life.
Enfin l’été s’achève. Enfin je vais pouvoir me remettre à faire des madeleines et des tartes sans faire passer mon appartement à l’état de sauna. En plus ça va être super le kif de raconter mes vacances dans les Vosges à mes potes revenant du Pérou, de Grèce ou de New York (oui j’ai des salauds d’amis qui OSENT partir à New York en mon absence) ; j’ai cependant acquis une excellente connaissance des séries True Detective, The Strain, Under the Dome, The Brink et 1992, ainsi qu’une expertise certaine sur les sept premières saisons de Project Runway, un concours de télé-réalité dont le but est de découvrir le prochain grand styliste américain. J’ai abandonné L’amour est dans le pré, c’est vous dire ! Quand le dieu de la Fashion s’anime, plus rien ne m’arrête (sauf de me lever de mon canapé cela va sans dire, mais le shopping par internet c’est pas fait pour les chiens). Bref, le CV s’étoffe. De toute façon le bronzage c’est fait pour les cons.
J’ai également retrouvé les joies du déménagement, un événement qui ne m’était plus arrivé depuis trois ans vu que ça me pétait grave les burnes de bouger tous les six mois, moi qui ai une âme plus casanière que la sorcière du Placard aux balais (qui est en fait la Grenouille à cheveux, comme chacun sait). En triant ses papiers, on tombe sur de vieilles lettre d’amour bouleversantes, sauf qu’on a répondu merde, et que ça fait tout d’un coup super mal au cul d’avoir couru après des chimères quand il y avait un gentil garçon qui était là juste à côté (le coup classique du bovarysme hystérique), et qu’en plus il avait une sacrée plume le garçon.
N’oublions pas le coup classique du classement d’affaires, qui fait réaliser avec terreur à quel point on a pu avoir un goût déplorable en matière de vêtements, de littérature, d’accessoires de cuisine, bref, de tout. Cette passion pour les franges ne me ressemble pas.
Les débris d’une vie sexuelle trépidante (oui oui, tout à fait) sont parfois pleins d’une interrogation mélancolique : les nippies à paillettes ? les menottes en fourrure rose ? La voisine va être contente de trouver l’emballage des sex toys dans la poubelle jaune (le recyclage, un geste à adopter au quotidien). La répartition stratégique dans tous les meubles de préservatifs non utilisés conduit au constat d’une trépidance toute relative, puisque les pauvres capotes sont restées tristement inutilisées ; en même temps, y avait Project Runway à regarder. C’est pas rien non plus. Et puis du coup il m’en reste plein pour l’année prochaine: pratique!
On a donc jeté
- des cartes postales d’Inde et des billets de théâtre
- des CD de compilations de tubes des années 90 intitulées « Super compile de soirée faite par Moi » pour la boum du vendredi soir dans le garage de Grégory
- des écharpes et des rubans jaunes fluo, ça ne passerait jamais dans Project Runway
- des livres qui ne racontaient rien, ou qui en racontaient trop
- la télévision qui ne s’allumait jamais
- une robe en lamé et des chaussures bleues
- des photos de Chicago en 2006
Saloperies de cartons.
“L’essentiel est sans cesse menacé par l’insignifiant.” René Char, Recherche de la base et du sommet.
Je vous laisse, c’est l’heure de Mission Impossible.