J’emmerde la fête des mères

Evidemment, c’est facile maintenant de venir vilipender la fête des Mères une semaine après, vu que pour la première fois le FN y est arrivé en tête d’une élection nationale. Ne nous voilons pas la face sur cette pertinente coïncidence : la fête des Mères est une idée ultra-nataliste (faire des petits bébés pour niquer l’ennemi) instaurée en France en 1941 par le maréchal Pétain – un sacré queutard qui n’eut lui-même pas d’enfant, et j’ai envie de dire tant mieux, imaginez les conséquences psychologiques sur le bambin. Donc, a priori, c’est pas la joie. (J’ai quand même passé mon petit coup de fil à ma mère en scrède avant de balancer le scud; d’ici l’an prochain elle m’aura pardonné).

Mais alors, la fête des Mères : faut-il l’emmerder ? Comme à mon habitude, j’ai, pour répondre à cette fascinante question, utilisé des techniques d’enquêtes de pointe que ne renieraient ni Malinowski ni Bernard de la Villardière ni la TNS –Sofres, à partir d’un questionnaire équilibré (Trouvez-vous que la fête des mères c’est nul ☐ pourri ☐ moisi ☐ putride du derche ☐ ne se prononce pas). L’échantillon d’enquêtés mes amis facebook nous livre une réponse sans appel :

– « nul » : 33%

– « putride du derche » : 16,5%

– « nazi » : 16,5%

– « ne se prononce pas » (bla bla inutile sur « oui mais ma petite fille me fait des cadeaux trop mignons »): 16,5%.

En un mot comme en cent, les 2/3 de la population française (échantillon représentatif) sont de mon avis. Ca fait du bien. Afin de creuser le concept, je pris alors ma pelle ma pioche et ma lampe frontale et plongeai tout de go dans les forums féminins de l’internet profondeurs de la connaissance pour comprendre comment ce phénomène avait néanmoins pu survivre aux décennies et aux colliers de nouilles.

Madonna & child, Banksy. La mère est une Vierge, donc.

Madonna & child, Banksy.
La mère est une Vierge, donc.

J’ai alors découvert l’existence d’un mouvement souterrain mais tenace, résolument pro-fête des Mères. Mais pourquoi ? Car :

– « On peut y mettre à l’honneur les femmes au foyer, souvent absente des considérations ». Oui c’est vrai, on ne célèbre pas assez la femme au foyer, ni toutes les conséquences émancipatrices de ce choix – genre l’indépendance financière qui permet de dire à ton mec que tu te casses… Pas que je trouve ça mauvais en soi – ma mère a arrêté de travailler pendant quelques années et ça ne l’empêche pas de tailler des croupières à ses collègues masculins – mais nonobstant je ne crois pas qu’il faille le célébrer ; surtout quid de l’homme au foyer, non mais ALLO !

– « Il faut savoir que le gouvernement de Vichy est à l’origine de la promulgation de plus d’une centaine de lois qui résonnent toujours en droit Français, et de mesures sociales telles que la fête des mères. Arretons de nous flageler avec de tels relents d’auto-détestation de la France. » (je recopie les fautes d’orthographe bien sûr, c’est meilleur comme ça). Okay donc le FN il a fait 20% des voix, ouais ouais ouais. No comment.

– «  Cette fête fait partie de notre tradition et de notre patrimoine ». Ben ça tombe bien, la peine de mort aussi ; ah mes enfants, que tout cela me peine, mais vos arguments sont si moisis…

– « Pour moi les parents sont sacrés ». Personnellement je leur ai même fait un petit autel avec des bougies et tout ; et puis s’ils t’ont battu, j’espère que tu les honoreras encore plus souvent ! (et après on dit que Freud a fait des ravages)

– En tant que critique de la fête des Mères, je suis une « nana remontée » (on me dit parfois sur twitter « féministe aigrie et castratrice ») (oui, la nuit, je coupe les burnes aux hommes avec un SECATEUR). Je reconnais que je n’ai pas d’enfants : cela fait-il de moi un être inférieur ? Je me permets d’en douter, bien que je sois de taille modeste.

– « C’est un peu la récompense de toutes les heures compliquées et difficiles, les nuits sans sommeil (…) cela vous redonne des ailes pour toute l’année suivante. » 74% des mère sont déçues si on ne leur souhaite pas leur fête (sondage Ipsos, c’est du solide) ; bon, je reconnais, l’exercice a l’air rude. Je comprends qu’une petite récompense de temps en temps vous redonne un coup de fouet. Mais je me permets de rappeler qu’on ne fait pas un enfant pour soi, et que c’est une personne, pas une poupée… allez d’accord, d’accord, c’est quand même meugnon tout plein. D’ailleurs voilà mon argument préféré : « même si le cadeau est souvent moche ça fait toujours plaisir aux enfants ». Oui ok ça je valide!

Don't forget to eat your lunch de Banksy. Trouble in Paradise.

Don’t forget to eat your lunch, Banksy.
Trouble in Paradise.

Recensons maintenant les arguments contre :

– « C’est une fête commerciale ». Comme toutes les fêtes, hélas… Bientôt on nous vendra des crucifix en chocolat pour Pâques. M’enfin, c’est vrai que ça fait une cerise de plus sur le gâteau de l’ultra-consommation ; tout cela plaide à pleins tubes pour le collier de nouilles ou le poème home made. Moi, ma mère, elle a droit à un super article anti-sa-fête, donc.

– « C’est injuste pour les orphelins ». Il est vrai qu’en dehors de cette mignonne considération y a pas à chier, la famille n’est plus ce qu’elle était, n’en déplaise aux esprits chagrins : recomposée, monoparentale, homosexuelle, on ne peut pas dire que la sacro-sainte mère nourricière y retrouve ses bonbons.

– « La majeure partie des mères de famille ne souhaite pas recevoir de robots ménagers, fers à vapeur ultra-glisse et autres aspirateurs surpuissants qui nous rappellent nos tâches quotidiennes. » Ah booooooon ? Eh oui, car la fête des mère sert à se dédouaner un jour par an de ne rien glander le reste du temps (avouons-le, je ne rangeais pas au mieux ma chambre dans ma folle jeunesse) mais aussi et surtout à entériner le rôle de la mère comme responsable des tâches ménagères (fer à repasser, etc. etc.) ou femme dont les ornements ne doivent plus lui servir à séduire mais à célébrer l’habileté toute relative de son rejeton (tableau en haricots secs). Ouais parce qu’à la fête des pères on te propose d’offrir des cravates, tu vois, le truc que sa meuf doit emmener au pressing après. Ou une bouteille de vin voire une machine à café. Parce que les mères ça boit de la GRENADINE mais bien sûr. Bah après y a les fleurs, c’est bien les fleurs, je cautionne quand même (kikoo les garçons, enfin ocazou hein).

Fallen Princesses de Dina Goldstein Et le Prince Charmant il pose son cul devant la télé.

Fallen Princesses, Dina Goldstein.
Et le Prince Charmant il pose son cul devant la télé.

A tout hasard je cite cette magnifique phrase : pour la fête des mères c’est le père qui doit faire un cadeau car « on fête la maman, donc une maman, que ce soit pour ses enfants ou pour son mari est toujours une maman... » Voilà, nous sommes au cœur du problème que nous renvoie la société : tant que tu n’es pas mère, tu n’es pas vraiment une femme – une impression personnelle qui m’a été confirmée par toutes mes amies mères, dont j’admire d’ailleurs l’abnégation post-partum. Je rappelle qu’en tant qu’êtres humains nous nous extirpons de la nature ; nous sommes la seule espèce qui a le choix de ne pas se reproduire et en outre, à part l’argument d’accoucher de futurs petits soldats français, je ne vois pas pourquoi on nous forcerait à procréer dans un monde en surpopulation manifeste.

Eh non, une femme n’est pas forcément une mère, mais ça n’en fait pas un être inférieur pour autant ; eh oui, les mères travaillent encore trois fois trop pour s’occuper des mioches par rapport aux pères (voir cet excellent article écrit à ce sujet par moi-même). Etre mère c’est un choix ; bon courage à toutes celles qui ont décidé de mener leur vie sans collier de nouilles !

De l’expédition Ikea

D’abord et avant toute chose, vous savez (ou pas mais on s’en fout, c’est moi qui écris c’est vous qui lisez, donc vous saurez) que je ne fais point de pub. Donc là je ne fais pas de pub, je vous livre une expérience. Parce qu’ikéa ça ne s’analyse pas, ça se vit. Surtout quand tu es une droguée fan de déco. C’est bien la déco. C’est bien et c’est beau. Ouéééééé.

illustration de Boulet

illustration de Boulet

Et puis dernièrement, mon égouttoir en bois commençait à donner des signes de faiblesse. Une expédition ikea s’imposait donc d’urgence. L’air de rien, je lançais un appel au secours sur facebook, espérant secrètement attirer l’attention de ma chère pote d’expédition ikea qui comprend mon addiction mon goût pour la consommation suédoise le Beau et QUI A UNE VOITURE (salauds d’ikeistes, à nous foutre les magasins dans des zones industrielles de derrière les fagots), Melle Choupie (parce qu’elle est vraiment trop choupie).

Munie de mon sac bleu en plastoque ignoble, de solides chaussures de marche et de ma liste de trucs indispensables à acheter (« égouttoir »), j’étais donc prête à profiter pleinement de la chose ; pensez donc : un jour de semaine en plein après-midi, un ikea quasi vide se profilait! Joie, joie, pleurs de joie.

Tout ceux qui dénigrent ce palais du mobilier à vil prix, sachez que je vous emmerde : des meubles design et pas cher, que demande le peuple ? Laissez-nous vivre, bande de grincheux. RIEN NE NOUS ARRETE (ils sont forts, les salauds). Oui le capitalisme c’est mal, mais pas le jour où tu vas chez ikea. Bam. Ne me faites pas chier, je vis avec mes contradictions (huhuhu).

Ainsi, en exclusivité, car je marche toujours sur les traces de Bernard de la Villardière, voici le récit d’une expédition ikea typique par une toxicomane (ok j’avoue : I am an addict). Qui sont-ils, quels sont leurs réseaux. Etc. etc.

Illustration de Boulet

Illustration de Boulet

Bref, nous arrivons et nous garons sans encombre au parking rouge, 10-57-B+. Très pratique à côté des ascenseurs. Facile à retenir en plus.

En arrivant, toujours commencer par le café local. Le monsieur du bar était bien sympathique : aaaaah ils traitent bien leurs employés chez ikea (le premier qui fait une remarque se prend un taquet).

D’habitude on bouffe des boulettes (aaaaaaah LES BOULETTES IKEA) mais la dernière fois Mademoiselle Choupie a connu quelques désordres intestinaux y afférents (le cheval n’est pas toujours très digeste mais passons). Donc on s’est contentées d’un rouleau à la cannelle.

Ne JAMAIS aborder une expédition ikea l’estomac vide. Surtout quand il y a une collection capsule à édition limitée dans la place (je n’ai pas encore exploré ce concept marketing ridicule mais ultra efficace de la collection capsule, mais je compte y venir bientôt, avec l’aide du plus grand reporter de la planète, Bernard de la Villardière) (Bernard je t’aime comme tu marches vers la caméra, épouse-moi !).

Nous commençons donc notre tour par la fâââmeuse collection, dénommée Bråkig. Ouais, le génie de ces meubles avec des petits noms suédois ridicules. Tous les intellos connaissent Billy, la bibliothèque des vainqueurs, et ont hésité avec Expedit, entre bouleau, hêtre et chêne. Je peux vous dire d’ailleurs qu’à part la taille des lits on se sent peu dépaysé dans le monde entier, quand je suis allée meubler mon appart’ new yorkais j’étais jouasse de pouvoir racheter la même couette. Je me sentais moins seule dans la grande ville dangereuse de pouvoir caresser une table Lack de la main.

Donc Bråkig, magnifique collection d’inspiration fifties. Ils sont forts les salauds. Bien que j’eusse décidé de ne pas dépasser les 50 € d’achats, je balançai une lampe rose so cute et un coussin adorable dans mon panier tandis que Melle Choupie notait frénétiquement sur la petite feuille les références des tabourets et des tables basses. Détail important : LE CRAYON A PAPIER gratuit, et le mètre en papier so fun. Je dois en avoir une quinzaine chez moi. Parce que c’est gratuit. Ils sont forts les salauds.

Ensuite, premier dilemme : tracer directement vers le sous-sol en empruntant les raccourcis, vu qu’on était censées savoir ce qu’on voulait, ou tourner paresseusement dans les allées pour admirer les cuisines et les canapés ? Je vous laisse imaginer. Bon, on a juste noté 2-3 références en se disant qu’il faudrait que Melle Choupie revienne avec son mec. J’ai envie de dire : on a grave géré.

Illustration de Boulet

Illustration de Boulet

Parvenues au rez-de-chaussée, nous voici enfin dans l’antre du monstre, tel Jonas dans le bide de la baleine : tous ces petits objets magnifiques qui servent à rien et coûtent 2€99 mais sont trop mignons/indispensables en fait/bien pensés/juste kiffants. Voici alors la stratégie à adopter : poster le caddie au coin du rayon, et SURTOUT ne pas se décider seule. Un peu de contrôle les amis.

Les bougies qui sentent bon ! Allez, j’en prends deux, sinon je vais encore en payer une à 15€ qui pue (non, ça pour le coup c’est vrai, les bougies ikea ne sentent pas mauvais et ne coûtent pas cher).

Les serviettes en papier !!! Melle Choupie me bondit dessus en criant : « ET EN PLUS ELLES S’APPELLENT FANTASTISK ! » Ils sont forts les salauds.

Au rayon literie, où nous nous apprêtions à faire une razzia de Bråkig, forcément pour aller avec le coussin/les tabourets, STUPEUR, SCANDALE !! Les housses de couette n’existent que pour une personne. J’appelle ça de la discrimination anti-dormir-ensemble-après-le-sexe. Après avoir menacé de saisir la HALDE et poussé de grands cris d’orfraie appelant les couettes absentes, il fallut nous rendre à l’évidence : pas de couette Bråkig pour deux. Douleur. De dépit je me précipitai sur une parure de lit de style russe tout à fait charmante. Faut ce qu’il faut.

Personnellement je m’en suis sortie avec un égouttoir (quand même), une nouvelle parure de lit, une lampe rose, un tupperware, un fouet (de cuisine, petits mal pensants), un saladier, deux bougies, 5 boîtes à archives et un panier à linge qui sert à rien vu que j’en ai déjà un. J’AI GERE, les enfants. Que dalle, quoi. Une petite centaine d’euros et roulez jeunesse.

Conclusion : va falloir y retourner, et vite.

Toutes les illustrations sont issues d’une planche du blog de Boulet (le plus GRAND DESSINATEUR DE BEDE DE TOUS LES TEMPS), « Pornographie mobilière » que vous pourrez allez lire ici. Merci un milliard de fois à lui de m’avoir autorisé à les utiliser, <3 comme disent les jeunes.