Cachez ce sein…

L’allaitement est une pratique contre laquelle je n’ai aucun a priori, étant moi-même primipare en devenir (entendez : célibataire désespérée envisageant prochainement la procréation conjointe avec un ami homo ou la congélation de ses ovaires) (mais à part ça aucune pression, cool, tranquille hein). Comme je n’ai encore jamais disposé de mon propre rejeton pour expérimenter ce mode d’alimentation, j’ai tendance, dans ma magnanimité détachée des choses triviales de ce monde (qui est grande), à m’en carrer totalement les miches. Après tout 1. nous sommes des mammifères, ce qui nous pousse par nature à nous attacher la bouche du mioche au téton (peu pratique pour faire du yoga, mais n’en demandons pas trop) et 2. nous sommes des êtres de science, ce qui nous permet aussi de laisser le marmot à la casa pendant que nous allons faire la fiesta.

Il est vrai que le combat fait rage à ce propos dans les milieux de la féministerie qui me sont chers. Tout à fait personnellement je pencherais donc plutôt pour la solution biberonnesque qui permet de se détacher de l’enfaaaaaaaaant pour avoir une vie personnelle, ainsi que de contrôler la quantité de nourriture ingurgitée par le poupon (point soulevé par ma mère, qui faisait justement remarquer que c’est pas parce qu’on te tète que tu maîtrises la quantité tétée) (d’ailleurs l’élevage au biberon ne m’empêche pas d’être un personne saine de corps, si ce n’est d’esprit) (ne nous avançons pas trop). Néanmoins je me permets de souligner que jusqu’à aujourd’hui ma modeste expérience de la succion mammaire ne m’a point semblée désagréable, même si elle n’incluait bien sûr pas d’échange de liquide dans le cadre d’une relation mère/enfant, pouvant générer mastites et autres ignobles choses qui peuplent les journées des parturientes et dont je ne veux rien savoir merci bisous.

Nain de jardin au sein

Nain de jardin au sein

Bref, je m’en bats la rate, et m’insurge avant tout contre toute injonction culpabilisante allant de « tu n’es pas une bonne mère » à « c’est pas un peu trop fusionnel là ». L’essentiel c’est qu’on aie le choix (enfin bon faut pas pousser mémé dans les orties, je trouve qu’à la fin de son congé maternité CA VA BIEN) (après un petit tour sur l’univers de l’internet dédié à l’allaitement je clignote un peu en rouge) (mais peut-être que je ne suis pas faite pour avoir des gosses, en fait) (vous voyez ? CULPABILISATION). En tout cas, et par dessus tout, mon ultime réquisit est simple : qu’on ne me fasse pas chier avec ça.

Parce que moi j’ai pas de gosses, j’emmerde personne avec les récits de mon épisiotomie, je paie mes impôts et même j’écris un blogue goleri qui contribue moultement à réduire le budget de la sécu et c’est pas rien (le rire est une THERAPIE) (ah j’en entend qui s’insurgent : mais allez donc regarder Jean-Marie Bigard sur youtube ; ici, on fait de l’humour FIN, distingué, proustien pourrait-on dire, plutôt que proutien) (huhuhu).

Donc, je ne demande rien à personne et malgré mon féminisme enragé, je ne me brûle même pas mon soutif en insultant les femmes au foyer qui allaitent.

Or donc, ne voilà-t-il pas qu’au détour d’un brunch post-mariage (l’été, saison des dépenses vacances et des mariages) je vois surgir, au détour d’un cake à la tomate et au chèvre et d’une discussion sur le conflit israélo-palestinien lors de laquelle j’étais d’un calme tout à fait olympien, une femme allaitant son rejeton LE SEIN A L’AIR. Oui vraiment le sein à l’air, rien n’y manquait sauf le téton, englouti dans la bouche du brave marmot (ne lui jetons pas la pierre il n’y est pour rien, je sens même venir un bon gros Œdipe des familles pas piqué des vers). Et entendons-nous bien : la femelle en question ne s’était absolument pas donné la peine de 1. couvrir son poitrail avec une petite serviette que toute personne un peu organisée utilise à cette fin 2. se retirer à l’écart pour remplir sa mission nourricière. NON, l’air de rien, elle se baladait de groupe en groupe, la poitrine à l’air, exhibant son gosse comme la victoire de Samothrace après une grossesse multiple. Et bla bla bli, et bla bla bla, comment vont les enfants, et tes parents, et la pluie et le beau temps. MAIS ALLO QUOI. Quand t’allaites en public, n’exhibe pas tes nibards MERCI BIEN.

Je suis bonne fille, vraiment bonne fille, mais que ces femmes soumises qui restent au foyer en regardant leur mari d’un air d’admiration béat (oui, il se trouve qu’il s’agit de ce type de personne) (quel hasard), qui te regardent comme une bête curieuse et INFERIEURE parce que tu n’as pas enfanté et que tu arbores tes propres opinions et des jupes courtes, que ces bobonnes à tablier donc, pour le résumer ainsi, qui se considèrent comme femmes et toi comme pauvre fille se PERMETTENT de me mettre leurs nichons sous le nez !!

Je dis non. NON, NON et NON. Bien évidemment, ce sont sans doute les premières à mettre les Femen au pilori (je n’en pense pas grand bien, mais à voir cet étalage je comprends leur rage), à vouloir interdire le nudisme (nota bene : ne pas oublier de vous écrire un post sur la randonnue, un concept assez porteur qui se développe dans les Vosges) et à exhiber sa médaille de la Sainte-Vierge.

Le sein, au petit coin (oui, aujourd'hui je fais des rimes) (pauvres)

Le sein, au petit coin (oui, aujourd’hui je fais des rimes) (pauvres)

Eh bien non, soit tout le monde montre son zob, soit personne. La maternité n’est pas une excuse (encore une fois, il y a des serviettes pour ça). Nous voilà bien, le militantisme maintenant c’est de montrer ses seins : mères au foyer vs. blasphématrices blondes.

Je préfère définitivement le cerveau. En fait c’est vachement plus obscène.

De la cro-magnonne

La cro-magnonne est une des figures imaginaires qui me sont utiles pour comprendre la vie (comme je suis un peu faiblarde niveau théorisation, j’utilise des gens imaginaires pour me figurer les choses de l’intellect). La cro-magnonne est une meuf qui ne se prend pas outre mesure la tête sur ses problèmes de mec, vu qu’elle a une espérance de vie de 35 ans (vous me direz, ça lui laisse quand même bien le temps de prendre son pied), son taf c’est d’aller cueillir des racines et des baies diverses (très sain pour la santé) (elle a pas vraiment de problèmes de poids ou de caries non plus, vu qu’elle ne mange pas de sucre ou de graisse), elle ne se questionne pas vraiment pour savoir si le gris est le nouveau noir, elle se contente d’un os dans le nez. Par contre elle a des copines cool avec qui elle est obligée de s’entendre vu qu’elle passe 4 mois par an avec elles coincée dans une caverne puante (du coup elle se poile à se souffler de la poussière sur ses mains et à dessiner sur le mur vu qu’elle a vraiment rien d’autre à foutre de la journée à part se chercher les poux) (et on verse des kilos d’encre dessus aucazoù ce serait un signifiant vachement puissant de la prise de conscience du sujet) (cela dit c’est bien possible mais j’ai envie de dire les gars, calmez-vous, on ne saura JAMAIS!)

Donc, la cro-magnonne m’aide à comprendre un peu des trucs de la féminité sur lesquels je me pose occasionnellement des questions parce que n’est-ce pas on ne naît pas femme, on le devient (c’est un peu se la péter que de citer sans cesse tous les grands intellos de la planète, mais cette phrase est assez vraie, quand même. Moi naturellement je pense que je ressemblerais plutôt à une grenouille géante. Heureusement je deviens vaguement femelle avec le temps) (je mets des ROBES). Parce que, les mecs, quand t’es une meuf t’es obligée de répondre à des questions qui n’ont (disons-le) que peu d’intérêt, mais auxquelles il faut quand même répondre parce que (disons-le) on est quand même un peu dominées et on ne sait pas trop sur quel pied danser quand on nous pose ce genre de questions à la con.

J’en veux pour preuve la question fondamentale suivante: « faut-il allaiter son enfant? » Oiseuse préoccupation, apparemment, vu que l’homme a quand même marché sur la lune et que le biberon n’a pas l’air de faire des marmots des monstres difformes. En plus moi qui ne suis pas prête d’avoir un polichinelle dans le tiroir, je ne me sens pas vraiment mobilisée sur ces questions. Néanmoins j’ai découvert que beaucoup de mecs ont un avis sur la question, genre: c’est la nature alors faut faire comme elle dit. Ai-je bien entendu? Tu acceptes qu’on soit payées comme des merdes, qu’il n’y ait aucune femme à Cannes ou à la programmation de l’Odéon, tu penses que le féminisme n’est plus vraiment un problème, et nonobstant tu as une opinion sur ce que je vais faire de mes seins pour nourrir le gamin qui me pourrira ma carrière de plusieurs années juste parce que je le PORTE? Ah ok, en fait t’as juste pas envie de te lever la nuit pour le nourrir (petit pourri).

Et là PAN! Tu chopes la cro-magnonne et tu te dis: cette brave fille aurait-elle refusé de donner le bib’ à son petit cro-magnon en laissant un peu le taf à son chasseur d’aurochs qui passe son temps à roter et péter avec ses potes les chasseurs d’aurochs (mais en fait ils ne ramènent que des étourneaux, donc faut pas pousser la cro-magnonne dans les orties préhistoriques)? Moi je pense que non. Je pense que la cro-magnonne avait un peu envie de kiffer la vibe, et que même la cro-magnonne devait faire baby-sitter son chtiot de temps à autre pour aller mater la lune bleue avec son chasseur d’aurochs (ou alors en scred pour aller boire de la liqueur de mûres fermentée avec ses copines). Bref, arrêtons un peu avec le délire de nature! (Je me permets à ce propos de signaler que même les chimpanzés sont des êtres vaguement culturels) (ouaip j’ai lu Jane Gooddall les gens).

Concentrons-nous un peu sur l’égalité des salaires et des carrières (c’est quand même un VRAI problème, je dirais) (très légèrement), et laissons la nature un peu tranquille dans la jungle au lieu de la détruire tout en nous posant des questions à un demi centime de drachme sur nos mamelles. Que celles qui veulent allaiter, allaitent, mais qu’on ne nous emmerde pas avec ça. La grenouille post-cro-magnonne a parlé. (Ugh!)

Outre cela, la cro-magnonne permet de prendre un peu de la distance sur d’autres questions d’actualité, genre le tweet de Valérie T. qui bitche dans le dos de François H. en soutenant l’adversaire de Ségolène R. La cro-magnonne a déjà un peu du mal à comprendre le concept du tweet (oui, c’est un peu comme si t’envoyait un petit oiseau raconter des trucs dans la forêt en open access). Ensuite, elle se dit que c’est quand même un peu zarbe ces gens qui règlent leurs comptes persos devant qui est intéressé (hélas il y en a). Elle se dit que c’est sympa la démocratie, mais c’est un peu moyen ces ex qui se présentent à la présidentielle, ces filles de qui reprennent des partis, ces ministres qui racontent leur life à qui veut l’entendre. Elle se demande pourquoi parmi 60 millions de personnes on est obligés de prendre des gens qui sont un peu tous pareils et qui font un peu tous la même chose dans la vie, au lieu de choisir des chasseurs de mammouth mais aussi des tresseurs de panier ou des pêcheurs de têtards. Elle pense que ça leur ferait sans doute du bien de passer un hiver à se geler les miches dans la caverne avec des attrapeurs de mouche, qui ont aussi leur utilité. Après moi j’ai pas d’avis, je dis juste que la cro-magnonne trouverait sans doute que tout ça c’est un beau bordel!

Moi sinon ça va plutôt bien, j’ai des superbes pivoines sur ma table basse et ça me réjouit. En plus j’ai même pas eu besoin d’aller les cueillir.

Alors qu’on ne vienne pas me dire que je ne suis qu’une espèce de lonesome camionneuse post-cro-magnonne sardonique.