Du veganisme

[AVERTISSEMENT ceci est un texte non-objectif, merci de bien vouloir en tenir compte et de ne pas trop m’agonir d’injures, bien à vous bisous]

DAMNED. J’avais pas prévu le coup. La dernière fois qu’on m’avait embusquée, c’était sur le casher, et j’avoue que j’aime bien tout le monde mais j’ai pas la place d’avoir deux fours dans ma cuisine, on est à Paris merde. Tout à coup je vois le dîner de la mort : un qui bouffe casher, l’autre végétalienne, Truc qui bouffe pas de gluten parce qu’elle est « allergique » (ce n’est pas une allergie, mais une intolérance, et en fait y en avait du gluten dans le gâteau je t’ai menti MOUAHAHAHA) (bizarrement on n’a vu personne filer aux toilettes, comme quoi l’allergie se manifeste quand on a envie) (attention, j’ai jamais dit que j’étais pas une connasse intolérante, merci bisous). Une fois cette vision d’épouvante passée, je me suis reprise : bon ok j’avais fait un gâteau NORMAL à un dîner où une des convives était vegan (et non pas végétarienne comme je le croyais). Et là, elle me demandait tout de go s’il y avait de la matière animale dedans.

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Déjà, franchement, depuis que j’ai un CAP de pâtisserie tout le monde réclame des gâteaux, sans penser que 1. j’ai une vie et 2. je n’ai pas de CAP de hipster merci bien. J’aimerais bien être une hipster, je l’avoue (oh oui, être branchée, ouiiiiiiiiii) (déjà vous aurez compris que c’est mort, donc j’ai plus ou moins renoncé), mais vegan, NON. J’ai souvent le sentiment inquiétant qu’on m’invite pour ma tarte au citron plus que pour mes beaux yeux. Déjà j’étais pas trop de bonne humeur parce que le seul mec potable de la soirée avait abruptement conclu la discussion en répondant à mon « Oui pardon quand j’ai bu je parle beaucoup » par « Quand t’as pas bu aussi », donc quand la meuf me sort qu’elle est vegan, je suis pétrifiée. Mon premier réflexe eût été de lui dire d’aller se carrer des mandarines dans le cul, dans ce cas. Mais je suis trop polie. En outre, pourquoi me demandait-elle si elle pouvait bouffer mon gâteau, vu que visiblement il était rempli d’œufs et de beurre ? Je veux dire, peut-on m’expliquer par quoi on peut remplacer de la meringue italienne ? Tristesse du monde sans meringue italienne. Non, tout cela n’est pas bien. En plus ces gens sont nombreux ; ils ont des sites internets. Bon sang. Plus de meringue italienne. Mais allô quoi.

Benoîtement, je m’étais arrêtée sur la question à notre nature omnivore. Ben oui, parce que l’ennui c’est que la Nature est une connasse, elle nous force à bouffer des protéines animales. Si t’en bouffes pas du tout tu deviens un nain anorexique (je résume l’article de wikipédia, soyons concis et précis dans la scientificité), vu que ton corps se languit de vitamine B12. Donc, quand t’es vegan, tu dois compléter ton alimentation par des comprimés de vitamine : intéressant, me dis-je tout de go, comment sont donc produits ces comprimés ? (oui, j’ai l’esprit mal tourné, et cette meuf m’avait échauffé les sangs). Eh ben déjà, c’est des laboratoires pharmaceutiques qui les produisent (des amis de l’humanité comme chacun sait) ; et la production se fait par fermentation bactérienne, de bactéries parfois génétiquement modifiées. De mieux en mieux. Les vegans, cela dit, acceptent de bouffer des bactéries (sachez-le : un gâteau de bactéries, c’est OK) : franchement, merci pour la souffrance de la bête ; entends-tu le cri du procaryote quand il s’éteint ?

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Attention, je comprends fort bien l’argument du respect de la nature et de la conscience animale (quoique, comme le montre notre amie la bactérie, la frontière entre l’animal et l’animé est parfois ténue), l’opposition à la souffrance animale me paraît un sain principe et la surconsommation de viande ne me semble pas une solution à la dépression ambiante de nos psychés. Je comprends très bien le végétarisme. Moi aussi j’aimerais que tous nos éleveurs soient comme Nils, le cow-boy suisse qui tue ses bêtes les yeux dans les yeux (oui, les Suisses peuvent avoir de bons côtés, surtout quand ils sont fous).

L’ennui c’est que vu qu’avant les années 1950 l’être humain ne savait pas synthétiser la vitamine B, ben ça fait des milliers d’années qu’on a domestiqué les bestiaux, et qu’on les a sélectionnés pour nous faire du bon manger, ce qui fait que si on arrête d’utiliser leur production nous allons tout droit au massacre.

Chris le mouton, par exemple, une pauvre bête égarée par la fumeuse promesse d’une liberté dans les pâturages de Nouvelle-Zélande, s’enfuit pour échapper à la tonte (sans doute, quoique le témoignage de Chris ne fut pas extrêmement clair sur ce point) se retrouvait, au bout de cinq ans dans la pampa (enfin, les grands espaces néo-zélandais là, comme dans le Seigneur des Anneaux quoi), menacé d’une mort atroce par obésité laineuse – 42 kilos de laine les aminches, autant que son propre poids (sans compter que sa toison lui avait poussé dans les yeux, ce qui l’exposait à chaque instant à une mort horrible dans une crevasse – car chacun sait que la Nouvelle-Zélande est un pays très crevassé). Et je ne parle même pas des Gerolstein si on ne les trait pas, j’imagine que leur pis finit par éclater.

Enfin j’avoue, la viande, okaye, mais les œufs, bon : avez-vous déjà observé une poule dans son habitat naturel ? Je veux bien que la poule soit d’un naturel bonnasse et pudique et cache ses émotions, mais j’ai peu vu d’expressions de désespoir quand on ramasse les œufs (en général la poule est occupée à autre chose, en général à picorer du maïs). Parce que je bouffe bio (je fais un peu attention quand même à la nature, et surtout je gagne assez de tunes pour me le payer), donc la poule, elle est en plein air. Mais c’est pas éthique de bouffer son œuf, alors que la guerre au Yémen, bon, c’est une autre affaire (mais en même temps tout le monde s’en bat la race de la guerre au Yémen). Ah oui parce que la meuf c’était pas une militante non plus, à part de la souffrance animale ; si si je me suis renseignée, je lui ai demandé. Elle veut voter Macron.

Et puis le cuir, quoi, renoncer au cuir ! Je ne suis qu’une atroce femelle futile mais c’est si beau, si doux, si chaud… Ce n’est pas un argument, me rétorquera-t-on ; c’est vrai que si les colliers en yeux d’enfants étaient jolis, ça ne serait pas un argument non plus. Mais quand même, le cuir quoi…Vous voulez retirer sa came à une droguée c’est ça ? Toi, qui ne veux pas de mes blancs d’œufs, tu veux me primer de mes sacs et de mes chaussures ? Tu as passé une alliance avec François Fillon ou quoi ? Franchement déjà que ma laïfe va devenir bien reloue, laisse-moi mes shoes.

Mais bon après, chacun son trip. Aimons-nous vivants, comme dit François Valéry.

Des émoticônes

Lorsque l’auteure de ces lignes commença à utiliser la combinaison de ces deux (ou trois) signes de ponctuation dans les textos, à savoir :-) (le tiret étant optionnel, car le smiley n’a pas de nez), elle était encore jeune et fraîche, et le téléphone portable commençait à prendre son essor – vous qui avez commencé avec les abonnements Ola et les téléphones énormes avec antenne, vous aurez déjà compris que l’auteure a atteint un certain âge, un âge qui lui permet sagesse, recul et objectivité sur nombre de sujets centraux pour l’avenir de l’humanité. Le smiley, par exemple.

Loin d’être une innovation numérique, ce LOL stylisé est en fait un truc de vieux inventé en 1953. Personnellement, comme je me pique de beau style, je me fais fort d’user souvent du smiley « semi-souriant » ou « clin d’œil » qui célèbre l’originalité du point-virgule. Tout est dans la nuance. J’ai dès lors constaté ma fâcheuse tendance à abuser du smiley pour minimiser l’importance de mes (nombreux mais je me soigne) sms ; tendance directement liée à la déliquescence de notre temps regardant le second degré ainsi qu’à ma solide tendance à me sous-estimer totalement. Un exemple typique : « Tu me manques ;) » Le smiley induit subtilement qu’il s’agit peut-être d’une blague, et que si la réciproque n’est pas vraie on peut totalement oublier ce qui a été dit. Rien n’est sérieux en ce bas monde, et surtout pas les sentiments. De même, un smiley triste permet d’appuyer ses paroles pour protester d’une fausse sincérité « Quel dommage je peux pas j’ai piscine :( :( :( », la démultiplication des smileys traduisant l’intensité de la tristesse du sujet – tout en laissant entendre qu’il s’agit tout de même d’une réponse subtilement ironique car, qui sait, j’ai peut-être piscine ou peut-être une vie secrète fascinante ou bien j’ai juste envie de rester lire des bédés chez moi. Qui sait.Voilà, donc en fait le smiley c’est un truc de vieux : bien évidemment le sujet brûlant est celui des émoticônes ou emoji (sans doute un mot de Japonais du genre Godzilla, le lézard qui fout le bordel partout où il passe).

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Mais pourquoi ont-ils tous le visage jaune? Qu’en pense Finkielkraut?

Ces quelques images sont le nouvel alphabet censé traduire toute la palette des émotions humaines. Comme on le voit, à l’heure d’internet, elles sont plutôt rudimentaires, les émotions. Goethe tu repasseras merci bisous. Icônes: déjà, ça pue l’encens et les bougies mal cramé, c’est louche. Ce vocable vulgaire désigne de multiples petits dessins destinés à agrémenter les textos de… de quoi en fait ? Nul ne le sait vraiment: à honorer le Dieu de l’internet sans doute ; le choix de ces petits dessins est tout aussi mystérieux, comme s’ils étaient sortis de la cuisse de Steve Jobs ; en tout cas, votre humble servante se trouve souvent perplexe face à de mystérieuses missives faisant passer la Pierre de Rosette pour un vulgaire dessin animé. En effet, les émojis étant en nombre limité, il faut comprendre le sous-texte, du genre :

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Est-ce ainsi que les jeunes parlent?

Commence alors LE REBUS MALEFIQUE. WHAT THE FLYING FUCK mec ? (ou meuf, c’est souvent des meufs qui t’envoient un rébus maléfique) (connasses sans coeur). J’ai appris récemment que l’aubergine combinée à la tête d’angoissé du cri de Munch (franchement, c’est so du copié collé) signifie « envie de pénis ». BON. Cela me sera-t-il utile? Je m’interroge.

De peur de passer pour une mongole out of date ou du siècle dernier si l’on préfère (ce qui est le cas puisque, quand tu étais jeune tu te vantais encore d’être « génération Mitterrand », une revendication que tu as laissé tomber depuis le passage à la trentaine et quelques lectures sur l’histoire du Parti socialiste), tu fais donc mine de tout comprendre et tu réponds avec une pauvre tentative d’acronyme du genre MDR YOLO. En effet, depuis que tu as renoncé à l’iphone tu NE PEUX PAS utiliser d’émojis, ce qui suscite trop souvent un douloureux sentiment d’exclusion sociale et un désir sadique de confisquer définitivement à tes élèves leurs iphones 6 tandis qu’ils envoient des sms entièrement constitués d’émojis depuis ton cours. Car tout de même, il y a celui-là:

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Le caca qui sourit.

La matérialité de la société de consommation te confronte en effet à l’une des nombreuses contradictions fascinantes qui animent ta vie de moule capitaliste se proclamant altermondialiste. Tu revendiques à la fois un mépris affiché pour l’assèchement du langage et du cerveau par ces claviers d’images ridicules tout en désirant ardemment mépriser leurs codes. En plus il y a fort à parier que ces codes en question sont déjà vieux comme Mathusalem, notons que tes élèves ont bien saisi le problème en t’expliquant que « de toute façon vous n’êtes pas sur Snapchat madame, laissez tomber ». Snapchat, un mystérieux réseau social qui semble consister essentiellement à s’envoyer des selfies retouchés (ouah je suis trop belle sur cette photo, regarde on voit même pas mon bouton) ou des récits de boustifailles au macdo. Trop je me sens vieille, trop j’ai pas de laïfe.

Pendant ce temps, les trentenaires font des battles d’icônes facebook fun qui font des bisous tout en pétant des arcs-en-ciel. Je veux mon téléphone itinéris et mes gros annuaires en papier ! (Mais là se pose un autre problème, car si je me mets à réutiliser le téléphone de ma grand-mère comme dans Mad Men et une machine à écrire je verse dans le hipster, ce qui est tout aussi affreux : les hipsters s’envoient-ils des smileys par la poste, sur des lettres manuscrites ?).

Je ne comprends rien à mon époque ;)