De l’anormalité sociale du célibat

Après que google, facebook, darty, ma banque et la Poste m’aient souhaité une bonne Saint Valentin, il paraît évident que 1. WTF les algorithmes les gars ? franchement si c’est à ça que vous dépensez votre fric alors que je passe mon temps à taper « pourquoi suis-je célibataire » et « injustice du célibat » dans tous les moteurs de recherche, mais balancez-moi directement la sauce (la réponse à ces questions, selon le CNRS, est « 1. parce que vous êtes needy » et « 2. parce que vous êtes chiante ». bon.), et que 2. nous n’échapperons pas aux sirènes de cet événement malgré toute notre bonne volonté. Je vous arrête tout de suite, je sais que j’ai l’habitude de vitupérer tous les 14 février comme sur du papier à musique, sur l’air de je méprise cette fête commerciale mais en fait ça me fait chier grave juste parce que j’ai pas de mec. Bon. Je reconnais que c’est de mauvaise grâce, mais de bonne guerre. TMTC que quand t’as pas de mec (ou de meuf) tu es socialement une merde, une bouse, un déchet, une ordure (je m’étale un peu sur les synonymes mais comprenez ma souffrance).

C’est vil en plus parce que maintenant on nous fait le coup que la Saint Valentin c’est genre « pour toutes les personnes que vous aimez », donc soi-disant qu’il faudrait envoyer des cartes à ses amis et sa famille. Inutile de dire que tout mon être se rebiffe à la pensée 1. de payer des timbres (oui je suis ladre, c’est là mon moindre défaut, sans doute le point 35 dans la liste des raisons qui font que je suis célibataire et un être inférieur) (et NON, une carte virtuelle n’est pas une carte de vœu, je suis une personne moderne mais faut pas déconner non plus, kikoo à vous tous avec vos imaïles de bonne année : je vous ai IGNORÉS) (point 3 : je suis une connasse) et 2. de montrer au monde entier à quel point je suis une biatch needy avec des cartes pathétiques.

Or donc, cette frénésie commerciale, soit, mais, me dis-je avec mon cerveau de chercheuse en sciences sociales plus fin que du sucre dans une boîte de gros sel, il doit y avoir une couille : non, nos fêtes ne sont pas vierges d’idéologie, surtout ces us nés au pays de Trump et du Grand Satan. Pourquoi, me dis-je encore, passes-tu donc ton temps à te lamenter sur ton célibat alors qu’il te permet de t’épiler à toute heure, de regarder The Walking Dead en bouffant du Mac Do, de dormir en travers d’un lit deux places et de payer un max d’impôts ?

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En quoi, bon Dieu, est-ce MIEUX de vivre en couple ? Ou, si ce n’est mieux, plus NORMAL (je crois que nous touchons là au cœur de la question : qu’est-ce que le normal ? est-il normal d’aimer les cornichons et les tutus à paillettes alors qu’on souhaite ardemment être la meuf la plus hipster du coin ?). C’est quoi ce fuck des campagnes de fringues the Kooples comme quoi genre qu’avoir un mec barbu tatoué qui s’habille en noir c’est le nec plus ultra de la branchitude ? (et PS un couple en anglais ça se dit couple ou pair, merci bisous lol over my dead body). Pourquoi adhérons-nous à ces théories ? Je reconnais qu’il faut un échange sexuel pour se reproduire, mais que je sache la famille nucléaire n’est pas inscrite dans nos gènes, moins que l’alcoolisme par exemple, ou que la détestation instinctive de Fifty shades of Grey.

Je me précipite alors sur le site de l’Insee et après un certain nombre de tâtonnements (ce site est aussi mal organisé que le Franprix du coin de la rue), voilà la statistique toute nue : 35,8% des ménages franciliens sont composés d’une personne seule, plus 9,3% de familles monoparentales. Et 20,6% de femmes seules (déséquilibre tout à fait rassurant quand on confronte à la liste des raisons pour lesquelles je suis célibataire à laquelle vient s’ajouter le point 27 : j’ai lu Marx). Toutes des salopes, évidemment.

Bon, merde, moi qui voulais plastronner et disserter sur la notion de majorité et de normalité, c’est foutu (je ne sais pas pourquoi, j’avais dans l’idée que dans la grande ville anonyme nous constituions une majorité silencieuse et opprimée). N’empêche. On est plus que les mecs qui votent pour Marine Le Pen (enfin, a priori). Et vous devriez voir ce que ça donne quand on nous arrose après minuit (beaucoup de poèmes désespérés et quelques déshabillages sur la voie publique). J’aimerais bien savoir pourquoi on ne nous a pas encore concocté une petite fête bien commerciale rien que pour nous : c’est évident, ON DÉRANGE. Si on est malheureux on est flippants, si on est heureux on menace la famille de François Fillon dans Paris Match.

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Ceci concerne également la campagne présidentielle

L’injustice crasse de ce statut d’anormalité du célibataire est qu’elle ne tient compte d’aucun critère temporel : ainsi, depuis mon accession au lamentable statut d’adulte (légalement s’entend), j’ai dûment participé à la respectabilité sociale, avec 12 ans de vie de couple totalement comme il faut. Mais voilà, 5 ans de solitude et tu es une paria.

Et comme je suis une pauvre meuf, je vais finir la journée en m’achetant un macaron à la framboise en forme de cœur pour me faire un cadeau à moi-même. C’est ça le problème avec la rébellion, quand on est conformiste. Ça finit mal.

Considérations inactuelles sur les lunettes

Parfois il faut se rendre à l’évidence : je bigle. Vous me direz que je dois bien m’en rendre compte quand j’enlève mes lentilles tous les soirs : certes, j’ai bien conscience que voir net dans un espace compris entre 5 et 15 centimètres seulement de mon nez n’est pas des plus pratiques. Néanmoins, on oublie facilement ce disgracieux instrument de souffrance esthétique, étant donné qu’il séjourne sur notre nez, et reconnaissons qu’il est peu de moments dans la journée où l’on a pleinement conscience de son nez.

On me rétorquera que les lunettes donnent l’air intelligent. Je répondrai d’abord que merci les persécutions dans la cour de récré parce que t’as l’air d’une polarde (je n’ai subi absolument aucune persécution dans la cour de récréation mais j’aime à me construire une image de martyre, sinon les gens seraient vraiment trop jaloux). Je rétorquerai ensuite qu’ « avoir l’air » on s’en bat bien la race, et que personnellement je me flatte de l’être sans lunettes tout autant qu’avec, d’autant plus que quand tu es fortement myope l’effet loupe créé par les verres réduit tes yeux à la taille de deux têtes d’épingles, ce qui n’est pas évident pour pécho – tout le monde sait que les hommes regardent essentiellement les femmes dans les yeux, que j’ai fort jolis d’ailleurs (et c’est pas pour me vanter).

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Chien à lunettes qu’il me semblait pertinent de poster ici.

Comme me l’a dit samedi dernier dans un bar un homme fort éméché: « toi avec les culs de bouteille que tu te paies tu dois pas voir grand chose » – ce qui confirme mon intuition que pour les soirées drague il vaut mieux éviter d’arborer ces disgracieux appendices et se rabattre sur les lentilles. Ça tombe bien, c’était pas une soirée drague, mais ce brave garçon s’est senti obligé de me tenir au courant que j’avais aucune chance de scorer ce soir-là, c’est vraiment sympa de sa part d’autant que je ne le connaissais ni d’Adam ni d’Ève.

Il est vrai que les lunettes, aussi hideux que soit en général cet accessoire (car ne nous voilons pas la face : les lunettes c’est laid), peuvent permettre de mettre le monde à part, dans une brume cotonneuse, ce qui peut être pratique en certaines occasions. Au hasard (vraiment tout à fait, j’ai tiré au sort), prenons l’exemple des relations sexuelles. Enlever ses lunettes d’un geste gracieux et pudique permet de laisser penser à la personne interagissante que vous voulez vous montrer sous votre meilleur jour, que vous la laissez un tant soit peu entrer dans votre intimité, enfin bref tout un tas de trucs super vulnérables, alors que quoi de plus pratique en réalité quand, pour une raison x ou y (trop bourrée, amoureuse d’un autre, besoin de récapituler intérieurement tes courses de la semaine) tu éprouves le besoin de ne voir l’autre que dans un flou bienfaisant ? À nous les myopes les séances de baise avec Michael Fassbender, Joshua Jackson, Patrick Swayze (oui je suis vintage) voire Vin Diesel (chacun ses préférences, je ne juge pas) ! Pratique quand tu as envie d’échapper à Marine Le Pen ou à Manu Macron sur ton écran télé (le problème c’est quand ils crient).

L’effeuillage de lunettes : la solution la plus simple pour se voiler la face. Merci, sort apparemment cruel, de m’avoir doté de la vue d’une taupe anémique. Bon, je me suis pris un lampadaire dans la figure quelque fois, mais ce n’est finalement qu’un léger inconvénient pour s’éviter de mater la laideur du monde.

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Relooking de l’extrême

Sur ce je viens de réaliser que ceci est le troisième post que je rédige sur la question de la myopie et des lunettes, et que je suis donc d’une prévisibilité et d’une absence d’originalité qui frisent la pulsion suicidaire bloguesque, puisque je sais bien, chers lecteurs, que vous venez chercher ici du frisson et de l’aventure et non pas d’inépuisables arguties sur mes binocles. C’est pas non plus comme si elle se bousculait au portillon, l’aventure ! Tout cela s’explique hélas facilement par la générosité de notre belle sécurité sociale, qui me rembourse royalement 2 euros par verre tous les deux ans, ce qui me pousse à la consommation frénétique de montures de lunettes et, suite à ma frustration (car c’est fort laid, une paire de lunettes), à rentrer chez moi et rédiger fébrilement un brame de frustration face à mon handicap.

Donc voilà, aujourd’hui je suis allée acheter des lunettes. Circulez y a rien à voir.