Du foot (pas) expliqué aux filles

Le football semble être une affaire importante pour une grande part de la gent masculine. Par importante je veux dire une espèce de passion totale et sans compromis de laquelle la femelle est exclue par définition et instinct grégaire (sans doute parce que les femmes, comme le dit cette brave Bérénice Béjo, ont un « côté maternel » qui les empêche de réaliser des films ou d’aimer les ballons). De fait, quand les filles s’intéressent au foot, c’est de toute façon pour de mauvaises raisons.

Ma sœur, qui pratique un peu le parc des Princes, me confiait que sa passion est quand même plutôt concentrée sur les muscles des joueurs (légitime préoccupation), ce que les types autour d’elle trouvent du dernier ridicule. Mon pote C. avec qui je dissertais récemment de la question me balançait négligemment que les filles sont vraiment à la masse car elles s’intéressent un peu plus au foot depuis la coupe du monde 98 (j’avoue) (on était en Italie pendant la finale, bonne ambiance en regardant le match) et la création du magazine So foot qui parle de la vie des joueurs (que les mecs doivent trouver de la pure daube). En gros, la fille ne peut pas entrer dans cet l’univers merveilleux du ballon rond (j’ai envie de dire: belle lapalissade les gars! A quand l’univers du ballon carré?) sans gâcher tout ce qui fait sa grandeur (on se demande bien quoi, mais bon)(les hooligans ? les packs de bière devant la télé ? l’excitation du ballon qui entre dans les buts ?) (pauvres femelles que nous sommes).

Vous m’excuserez, mais ces gars qui courent d’un côté à l’autre du terrain pour donner des coups de pied dans une baballe, affublés de chasubles aux couleurs de la mondialisation, pour des salaires indécents, ça ne me fait pas grave kiffer. Mais le surmoi masculin est si fort que même les plus gauchistes ne peuvent supporter la discussion sur ces sujets (Oui mais tu peux pas COMPRENDRE de toute façon).

Bon.

Personnellement je pars avec plusieurs handicaps en ce qui concerne le foot:

1. Mon père se fout du sport de spectacle (il aime bien le basket mais vite fait)(c’est un homme de valeur)(au cas où je ne l’aurais pas déjà souligné). Que des filles à la maison, c’était plutôt la danse qui avait la cote (mes sœurs en mode danseuse étoile, moi plus en mode éléphant de mer, mais bon). Je n’ai donc pas été sensibilisée à la chose footballistique pendant mon enfance.  Je me souviens encore de l’air pénétré de mon père quand devant un match de rugby je lui explique que s’il a l’impression que le jeu est bizarre c’est parce que les passes vers l’avant sont interdites. « Je comprends mieux » (en effet). Je me flatte de bien aimer le rugby car 1. gros muscles 2. règles d’une complexité de folie qui font kiffer la wannabe intello en moi 3. je suis une grosse bobo parisienne, et les bobos parisiens aiment le rugby, le rugby c’est hype, le rugby est pour moi.

2. J’ai beau chercher je ne trouve pas que le foot soit hype, donc pourquoi s’embêter ?

3. Je suis de gauche, donc ça me troue quand même le cul que les joueurs se fassent une thune de malade pour un spectacle aussi pauvre. Qu’on augmente un peu les catcheurs et on en reparle (oui j’aime le catch et alors ?)(Randy Orton si tu m’entends, I’m very available).

4. De toute façon il y aura toujours un truc que tu n’auras pas compris, en tant que fille bouchée du cerveau. Rhooooo mais c’est EVIDENT là y a penalty, attend mais le HORS-JEU, vendu l’arbitre ! QUOI, t’as toujours pas compris le principe du hors-jeu? (attends gars, laisse-moi juste écluser mon mojito pour oublier que j’ai cru que ça te ferait plaisir qu’on regarde le match ensemble)(promis, plus jamais !)(en fait non, ça ne leur fait jamais plaisir qu’on regarde le foot avec eux)(ils doivent faire des trucs pas nets quand ils sont entre eux).

5. Je viens de Strasbourg. Le RC Strasbourg est actuellement au fond du trou (niveau amateur) et ma fidélité a ses limites (voilà pourquoi une fille ne peut pas être fan de foot, elle n’est pas capable d’une fidélité éternelle)(parce que les mecs oui)(laissez-moi M’ESCLAFFER !)

Bref, j’ai renoncé.

J’ai néanmoins quelques observations anthropologiques personnelles de la tribu des mâles footeux  à vous livrer (3 ans seule dans la forêt en mode Jane Goodall avec les chimpanzés ; j’ai pas rigolé):

1. Pendant les rencontres importantes (genre la Ligue des champions, ça a l’air d’être un truc important) les ¾ des mecs ne répondent aux sms que par intervalles de 45 minutes (et avec un ton un peu excédé, genre Mais qu’est-ce que tu me veux, POULE, je regarde un MATCH). Toi-même tu ne sais pas ce qui se passe jusqu’à ce que des tweets et des statuts étranges se multiplient sur ton écran : 1:1, 3:2, Didier !!! Ouais ouais ouaaaaaaaais !!!! Nooooooooooooooooo !!#RedDevils (celui-là je l’ai capté en moins de 15 minutes, je suis assez fière de moi)  Buuuuuuuuuuuuuuuuuut, etc. etc.

2. Les enfants sont embrigadés dès leur plus jeune âge, et ça ne rigole pas. Mon charmant neveu de 7 ans a tout un album Panini où il doit coller la photo de TOUS les joueurs du championnat de France (ça y est j’ai compris la différence entre coupe et championnat)(je crois). Et ça recommence tous les ans. Avec mes parents on l’aide du mieux qu’on peut, en classant les joueurs par tas selon la couleur de leur maillot (un peu comme le jeu des 7 familles)(c’est compliqué en plus parce qu’il y a DEUX maillots parfois). Remarque, il en tirera peut-être quelques notions de géographie française (quoique, savoir localiser Guingamp ne semble pas fondamental non plus).

3. Deux hommes fans de foot qui se rencontrent ça fait ça : – Tu soutiens Bordeaux ? Tu te souviens du match de XYZ en 1978 ? (ne me demandez pas de tout suivre non plus) – Ouais, le but raté sur le poteau (ou quelle que soit la façon de désigner la chose). J’étais dans les tribunes. – Arrête ! Création d’une connivence du troisième type en moins de 5 secondes.

4. Le Barca c’est de la boulasse, le Real c’est des fachos. Je pense avoir une bonne base pour initier mon neveu à la politique.

9 réflexions sur “Du foot (pas) expliqué aux filles

  1. Tu marques un point. Tu me diras, le mien aussi se contre-fout du foot. En tout cas je me souviens que petite, j’étais gaga des chaussures à crampons de mon frère, va savoir pourquoi…

    • Mmmm les chaussures à crampons! Intéressant…
      Cela dit il va falloir que je me saisisse de la problématique de la virilité sur ce blog (abordons les vrais sujets de plein fouet!)

  2. Collant parfaitement au profil anthropologique décrit, je me permets d’apporter un témoignage complémentaire :
    – Bon d’abord je pense que « ballon rond » parce qu’il peut être ovale.
    – Ensuite il est plutôt délicat de notre part de ne pas faire de prosélytisme, nous acceptons l’altérité et cela nous honore.
    – Le foot est un jeu et il peut être beau.
    – Enfin, il a 3 vertus : 1) donner un sujet de conversation aux hommes entre eux 2) qui admet la plus mauvaise foi et 3) et qui a vocation à se limiter à ce seul sujet, sans aucun risque de devoir parler du temps, de son travail, de politique, de ses vacances, de ses sentiments, de mode ou tout autre sujet sans intérêt.

    • Et ne crois pas que je n’ai pas compris l’expression « ballon rond », tu m’accorderas que le ballon est moins ovale qu’au rugby mais tout aussi rond qu’au basket ou au handball, qui sont de nobles sports.
      Bref, un peu d’altérité dans tout ça c’est très bien en effet!

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