Les ch’tis, Montesquieu et les cannibales

L’émission « Les ch’tis à Ibiza », un concept tellement ébouriffant qu’il en est post-moderne, les nouvelles Lettres persanes de la mondialisation, créé et diffusé par la chaîne qui tue, W9, la télé « opium du peuple » (je cite ici un ami renseigné).

Le principe : « ils sont les rois de la nuit dans le Nord » (Les Ch’tis…) et « ils vont tenter de conquérir Ibiza » (…à Ibiza), i. e.  après de longs et difficiles efforts une bande de gogo dancers, de danseuses de charme et de barmen du Nord de la France vont tenter de trouver un job d’été dans un bar de seconde zone à Ibiza. Bon, il faut dire qu’ils illustrent bien un travers typiquement français, l’ignorance des langues étrangères (« euh, you veux euh french kiss wizz mi ? », ouais les ch’tis essayent vainement d’emballer pendant tous les épisodes). Certains d’ailleurs ne maîtrisent pas non plus le Français. Je ne parle pas là des habituelles phôtes de français que l’on rencontre en divaguant dans la télé réalité mais bien d’un accent ch’ti à couper au couteau ânonnant des  phrases dont la syntaxe est totalement absente (syntaxe : un mot complexe que nos amis auraient bien du mérite à s’approprier !)

Ils ont évidemment des prénoms plus ch’tis les uns que les autres : Christopher, Jordan, Daïna ( ???), et autres Kelly. Mais foin de prolophobie, voyons comment ces Usbek du Nord regardent la terre étrangère, Ibiza « capitale mondiale des discothèques » ( « une offre de pointe qui surprend tout le monde » – Wikipédia), le lieu de naissance des élégantes soirées « Fuck me I’m famous ».

Elégance. Oui, les ch’tis ont pris une leçon d’élégance à Ibiza (il faut dire qu’il y avait du boulot), c’est-à-dire essentiellement le passage pour une des danseuses d’une chevelure platine au brun « hyper classe » (oui, « les brunes comptent pas pour des prunes »). A part ça, hélas, une désespérante inertie face aux surprises d’Ibiza (bien fades au demeurant) : les drag queens c’est « cool », les soirées « géantes », la plage « fatigante » et la culture espagnole… absente.

Bref, on se marre bien de leurs conneries et on se sent quand même un peu comme Usbek en regardant toutes ces péripéties absurdes….

Pour finir, revenons aux valeurs sûres, notre bon vieux Montaigne qui lui comprenait quelque chose au choc des cultures : « Après cela, quelqu’un en demanda leur avis, et voulut savoir d’eux ce qu’ils y avaient trouvé de plus admirable ; ils répondirent trois choses, d’où j’ai perdu la troisième, et en suis bien marri ; mais j’en ai encore deux en mémoire. Ils dirent qu’ils trouvaient en premier lieu fort étrange que tant de grands hommes, portant barbe, forts et armés, qui étaient autour du Roi (il est vraisemblable qu’ils parlaient des Suisses de sa garde), se soumissent à obéir à un enfant, et qu’on ne choisisse plutôt quelqu’un d’entre eux pour commander ; secondement (ils ont une façon de leur langage telle, qu’ils nomment les hommes moitié les uns des autres) qu’ils avaient aperçu qu’il y avait parmi nous des hommes pleins et gorgés de toutes sortes de commodités, et que leurs moitiés étaient mendiants à leurs portes, décharnés de faim et de pauvreté ; et trouvaient étrange comme ces moitiés ici nécessiteuses pouvaient souffrir une telle injustice, qu’ils ne prissent les autres à la gorge, ou missent le feu à leurs maisons. »

Montaigne, « Des Cannibales », Essais, livre I, chap. 33

Hasta la vista!

Une réflexion sur “Les ch’tis, Montesquieu et les cannibales

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